Audi - “Nous devons être aptes à répondre à l’hyper-segmentation du marché”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. La gamme d’Audi est encore appelée à se développer, quelles sont à vos yeux les limites de cette expansion ?
LUCA DE MEO. Nous nous appuyons actuellement sur quelque cinquante modèles et il est en effet programmé de parvenir à une gamme articulée autour de soixante modèles en 2020. Nous devons être aptes à répondre à l’hyper-segmentation du marché automobile, surtout sur les marchés matures où il faut susciter l’envie de renouvellement, qui constitue l’une des pièces du puzzle de la fidélisation. Par exemple, pour un client A4, une nouvelle A4 n’est pas forcément suffisante, d’où la pertinence d’une offre plus large avec A5 ou des SUV. En clair, même si notre gamme peut apparaître plus complexe que naguère, nous ne faisons que répondre à la demande. D’ailleurs, nos concurrents vont dans le même sens. Si on ajoute la multiplication des motorisations, avec de réelles particularités régionales, à cette multiplication des modèles, on comprend que le principal enjeu qui nous est proposé réside dans la lisibilité et la cohérence.
JA. Sans prétendre à l’exhaustivité, quels sont les principaux jalons du développement du portfolio “produits” d’ici à 2020 ?
LDM. Nous nous préparons à entrer dans un nouveau cycle très dynamique, à l’image de ce que nous avons piloté entre 2009 et 2011. L’un des principaux jalons de cette offensive sera constitué par nos SUV, avec le petit Q1, le nouveau Q7 ou encore le renforcement du Q5, via une production au Mexique. Les SUV vont rapidement passer de 30 à 35 % de nos ventes mondiales. Par ailleurs, Nous pouvons aussi évoquer la mise en place d’une gamme TT. Coupé 4 portes, SUV, “limousine” sportive… nous explorons différentes voies et nous sondons les réactions des clients potentiels, avant d’entériner nos décisions.
JA. Par rapport au développement de la gamme, la nomination d’un nouveau directeur du design prend-elle une signification particulière ?
LDM. Oui et non, pourrait-on dire… Oui, car nous avons identifié la nécessité d’évoluer et de faire un nouveau bond en avant. Et non, car il ne s’agit nullement de faire table rase du passé ou de tout bouleverser, le design de nos modèles étant reconnu partout dans le monde.
JA. Votre stratégie de conquête de parts de marché aux Etats-Unis suit-elle vraiment la cadence que vous souhaitiez ?
LDM. Nous progressons significativement sur ce marché très concurrentiel et l’objectif des 200 000 ventes sera vraisemblablement atteint plus rapidement que ce que nous avions initialement prévu. Historiquement, on constate que la marque a toujours fait le yo-yo aux Etats-Unis et il y a quatre ans environ, la direction a donc décidé de stabiliser l’activité et de miser sur un développement pérenne. Au-delà de la seule considération des volumes, cela porte ses fruits, car nos prix de ventes sont les plus élevés du Premium, ce qui nous assure de meilleures marges. Nos partenaires distributeurs l’ont bien compris et ils accompagnent les investissements du groupe. J’en veux pour preuve l’ouverture de 30 à 40 Terminal chaque année sur ce marché.
JA. Le marché américain explique-t-il le delta qui sépare Audi de BMW dans le classement mondial du Premium ?
LDM. En volume, BMW a effectivement de l’avance sur Audi aux Etats-Unis, comme Mercedes-Benz d’ailleurs. Ce n’est pas le cas en Europe où nous avons de surcroît bien traversé la crise. Et sur le marché chinois, nous avons l’avantage. En somme, le delta que vous évoquez vient des USA. Mais d’une manière générale, surtout quand tout se joue à quelques dizaines de milliers d’unités seulement, la question du volume ne fait plus vraiment sens et la véritable concurrence se situe sur les niveaux de marge et la rentabilité. C’est d’autant plus essentiel que cela concerne le groupe, mais aussi les distributeurs.
JA. A l’image d’autres dirigeants de marques haut de gamme, estimez-vous qu’un phénomène de Premiumisation du marché est en marche ?
LDM. C’est effectivement une tendance lourde et de surcroît, mondiale. Par exemple, nous nous développons aussi sur des marchés comme la Corée du Sud ou le Japon où nous vendons désormais près de 30 000 véhicules par an. Le marché tend à se polariser entre Premium d’une part, et gammes Entry ou Budget d’autre part. La tâche la plus difficile incombe donc aux acteurs que les Anglo-Saxons qualifient de “stuck in the middle”. Cela ne signifie pas pour autant que nous aurons la partie facile, car même si nous avons de l’avance, nous savons aussi que nous aurons à l’avenir de plus en plus de concurrents. La différence se fait sur le travail et la rigueur dans la durée et parfois aussi sur un brin de chance.
JA. Dans un autre domaine, que répondez-vous à ceux qui estiment que les constructeurs ont fait entrer le loup dans la bergerie en passant des accords avec Google ?
LDM. Je ne pense pas qu’il faille raisonner de cette manière et les enjeux méritent plus de nuances. En tant que constructeurs, nous avons le devoir d’être très vigilants sur la protection et la sécurité de la data. Mais nous devons aussi répondre aux demandes des clients, ce qui explique que nous passions des accords de nouvelle nature. C’est le sens de l’histoire. Ne pas l’accompagner reviendrait à refuser Safari dans un iPhone…
JA. Pour conclure, quel regard portez-vous sur les constructeurs français sur ce Mondial et quel modèle vous a plu chez eux ?
LDM. Je trouve que les modèles français apportent de la fraîcheur dans l’industrie automobile et certains concept-cars ne sont pas dénués d’une certaine excentricité. Dans cet esprit, je trouve la Citroën C4 Cactus intéressante.
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