Antje Egle, directrice de la Mercedes-Benz Academy en France
Journal de l'Automobile. Depuis que Mercedes a rompu ses liens avec Chrysler, comment s'organise la formation ?
ANTJE EGLE. La Daimler Chrysler Academy créée en 2004 est devenue, en 2007 la Mercedes Benz Academy. Auparavant, la formation était organisée par division : vente VP, formation technique et services. Nous faisions essentiellement des formations sur le produit, aujourd'hui nous proposons beaucoup plus. Le service formation est devenu une entité à part entière du groupe. Chaque pays, (dont la France, l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre, les USA, le Japon et la Chine), dispose de son propre centre de formation. Mais nous sommes tous liés à Global Training, basé en Allemagne et qui compte 150 personnes. En France, nous reprenons de nombreux plans de formations développés par Stuttgart.
JA. Quels types de formation organisez-vous ?
AE. Nous faisons des formations en face à face et nous proposons également du e-learning. Nous relayons bien entendu toutes nos offres au réseau. Cela nous permet de leur transmettre les évolutions des produits et les dernières nouveautés technologiques. Nous avons développé des parcours de certification pour les vendeurs, les conseillers service après-vente (réceptionnistes) et les techniciens diagnostics. Ainsi, nous pouvons évaluer et développer leurs compétences. Dans notre réseau, tous ces employés sont d'ailleurs certifiés, ou en cours de certification. Chez nous, un nouveau vendeur doit être certifié dans les 18 mois suivant son arrivée.
Depuis mai 2009, nous sommes le deuxième marché de la marque, après l'Autriche, à avoir le droit de certifier également les managers du réseau au travers du cursus C-Management.
JA. Concrètement, qu'est ce qui change ?
AE. Nous avons un meilleur suivi des connaissances. Avant, les vendeurs avaient surtout de la formation sur le produit. Là, nous insistons davantage sur la satisfaction client. Nous exigeons que nos vendeurs adoptent un comportement à la hauteur des standards. Nous leur faisons passer systématiquement un test d'entrée dans un parcours certifiant. Ainsi, les hommes du réseau ne vont qu'aux formations dont ils ont réellement besoin. Lors de l'audit de certification, nous organisons des jeux des rôles, des mises en situation face à différents types de clients afin de valider le niveau requis. En cas d'échec, les vendeurs ont la possibilité d'avoir deux essais supplémentaires. Mais le résultat au niveau de la certification est bon : nous sommes à 80 % de réussite.
JA. Avez-vous changé l'orientation de vos formations ?
AE. Oui. Avant la création de la MB Academy nous n'avions aucune formation sur le management. Or l'évolution du réseau ne peut que passer par des managers qui exercent leur profession de façon exemplaire. Nous avons développé des modules sur le leadership, la satisfaction client, l'optimisation de l'après vente, la connaissance des indicateurs financiers ou encore la façon de recruter un collaborateur. Et, depuis 2008, nous proposons un module de formation sur le droit social, ce qui répond à une demande de nos distributeurs.
JA. Cette arrivée du management dans la formation a-t-elle été adoptée par le réseau ?
AE. Depuis juin 2008, 32 managers (sur 300, soit 10 % du réseau) ont réalisé le cursus C-Management, c'est déjà une très grande satisfaction. Ces 32 managers ont véritablement envie de développer leur stratégie, ils adoptent un comportement plus positif sur le sujet. Malheureusement, tous nos managers n'ont pas cette attitude. Certains se contentent encore de suivre les résultats de vente au jour le jour. Notre rôle est de leur permettre de se projeter. En plus, ce cursus de management motive les managers, nous le voyons bien. En cette période de crise, nous devons renforcer leur confiance en eux-mêmes.
JA. Comment attirez-vous les distributeurs dans ce type de formation ?
AE. Le programme management que nous avions mis en place en 2006-2007 (avant la certification et la crise, NDLR) ne les avait pas beaucoup séduits. Mais cette année, avec la crise, nous avons enregistré un pic de participation, notamment sur le module gestion de conflit et de stress. Quand le distributeur doit tout gérer, il est sous pression et nous devons l'aider. Nous avons remarqué qu'ils se sentent très seuls lorsqu'il y a un conflit entre des collaborateurs. Nous leur apprenons donc à mieux gérer ce type de situation. Il faut savoir que la satisfaction du client est fortement liée à la satisfaction de chaque employé du réseau. Le rôle principal du manager est alors de bien motiver son équipe. Et puis, nous devons apprendre à fidéliser nos collaborateurs clés. Le distributeur doit aussi savoir cerner les bons éléments et les stratégies à mettre en place pour les conserver. Nous souhaitons que nos cadres apprennent à gérer tous les cas de figure, du recrutement, à la séparation avec un collaborateur
JA. Lors des formations, sentez-vous les distributeurs prêts à recruter à nouveau ?
AE. Franchement, ils sont encore très frileux. Dès que le marché repartira, ils devraient recommencer à lancer des campagnes de recrutement pour le VP. Je n'ai pas la même vision des choses pour le VI, qui reste un marché difficile. Il ne devrait pas y avoir un besoin de recrutement dans l'immédiat.
JA. Projetons-nous dans l'avenir. Prévoyez-vous de nouveaux modules de formation pour le réseau ?
AE. Je souhaiterais proposer un accompagnement pour les managers après leur certification. Nous avons en projet de renforcer la satisfaction client, en collaboration avec l'équipe basée à Stuttgart. Nous avons envie de mettre en place des séances de coaching. Pour l'instant c'est à l'état d'expérimentation. Nous allons choisir 5 à 6 managers en France pour voir ce que ça donne. Ils seront autour d'une table et pourront échanger leurs expériences, difficultés, et se donner des conseils. Un coach les accompagnerait à plusieurs reprises sur site. Ce coaching permettra, in fine, d'améliorer encore la satisfaction client.
JA. Pourquoi renforcer vos modules sur le comportement des employés ?
AE. Depuis la fin 2007, nous travaillons avec la Direction générale services de Mercedes-Benz France sur le projet "attitude et comportement". Les employés savent qu'il faut dire bonjour merci et au revoir, mais cela ne suffit plus. Lorsque nous allons travailler les sites avec un coach, nous nous rendons compte des erreurs que les employés peuvent commettre. Ils sont tellement immergés dans leur travail quotidien, qu'ils oublient par exemple de regarder le client ou de lui porter une écoute, à des moments déterminants dans l'achat d'un véhicule par exemple.
JA. Quel est l'impact de ces nouveaux modules de formation sur l'activité du réseau ?
AE. D'après le cabinet d'expertise américain J.D.Power, nous sommes le premier constructeur premium et le 4e au classement général en France sur l'après vente, tout constructeurs confondus. Les modules de formation ont sans aucun doute joué un rôle, puisque nous donnons les moyens aux distributeurs pour obtenir des résultats. Dans chaque formation, qu'elle porte sur un nouveau produit ou le management, une part de celle-ci est systématiquement réservée à la satisfaction client.
JA. La formation est-elle un des axes de développement de la marque ?
AE. Bien entendu. Lors du lancement de la Classe E à Majorque, nous avons invité tous les vendeurs pendant 48 h. C'est très important. Ils doivent avoir toutes les connaissances nécessaires avant de s'adresser au client. Cette année, nous avons également invité les conseillers service après-vente. C'est une façon de valoriser leurs postes et de créer une cohésion entre eux. Jusqu'à présent, ils n'avaient droit qu'à une présentation sur site. Avant de se rendre à l'Eurotraining, tous doivent participer à un module e-learning sur le nouveau produit. En 2010, l'actualité produits sera plus calme, mais nous reprendrons en force en 2011, avec le lancement de nouveaux produits et donc de nouvelles formations.
JA. La crise risque-t-elle de diminuer le budget de la formation ?
AE. Cette année nous avons déjà réduit de 15 % l'offre de modules mais cette baisse était en même temps liée à la diminution du nombre d'inscriptions. Pour l'année prochaine, nous resterons sur la même offre. Dans tous les cas, il existera toujours des formations techniques obligatoires pour tout le réseau. Les autres modules restent facultatifs. Il faut que les distributeurs jouent le jeu et soient consciencieux dans leur parcours de formation. Sans formation, ils n'auront pas tous les éléments techniques et ne pourront plus s'adapter à la demande du client. Il est impossible de rattraper le retard pris, s'ils n'ont pas suivi les formations dans les temps. La technique évolue si vite…
JA. Les distributeurs ont-ils pris conscience de l'importance de la formation, avec toutes les nouveautés que vous leur proposez ?
AE. Oui, lorsque nous les rencontrons lors des conventions et formations, nous en parlons beaucoup avec eux. S'ils nous font des remarques, nous en tenons compte et nous pouvons réajuster les formations. Nous insistons également sur les formations à l'attention des jeunes techniciens, qui travaillent chez eux en alternance. Nous voulons qu'ils comprennent l'importance de fidéliser ces jeunes pour la marque pour qu'une fois formés, ils restent dans le réseau Mercedes-Benz.
JA. Comment vous démarquez-vous de la formation proposée par les autres constructeurs ?
AE. Je pense que le cursus de C-Management fait véritablement la différence. Dans le module stratégie nous faisons des analyses du marché pour renforcer les forces et remonter les faiblesses du réseau. Et puis nous allons directement sur le site avec un coach et ça, c'est une valeur ajoutée très importante.
FOCUSTop des 5 modules les plus suivis en 2008 • En vente : Formation tous produits, Lancement Actros 3, Eurotraining 2009 (Classe E), Evaluation VO sur un site de distribution, Savoir être pour mieux vendre, Certification vendeur. |
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