Affaire Ghosn : Greg Kelly condamné à six mois de prison avec sursis
Tout ça pour ça. Le premier volet judiciaire de l'affaire Ghosn-Nissan, qui a débuté en novembre 2018, vient d'accoucher de la condamnation de Greg Kelly à 6 mois de prison avec sursis. Dans un communiqué publié jeudi 3 mars 2022, Greg Kelly s'est dit "extrêmement surpris et choqué" de sa condamnation, répétant n'avoir "absolument pas pris part à des activités illégales". Ses avocats ont précisé qu'ils allaient faire appel.
Carlos Ghosn a dénoncé un "verdict choquant", cependant "prévisible" selon lui. "La seule incertitude résidait dans la manière dont le juge justifierait une chose pareille", a déclaré l'homme d'affaires dans une interview en ligne avec des journalistes.
Cette peine est toutefois beaucoup plus légère que les deux ans de prison ferme que les procureurs avaient réclamés à son encontre. Ce juriste américain de 65 ans, ancien responsable des affaires juridiques de Nissan, était devenu par défaut le principal accusé dans ce procès après la fuite au Liban de Carlos Ghosn fin 2019.
Greg Kelly avait plaidé non coupable, tandis que Nissan, également jugé dans ce procès en tant que personne morale, avait pour sa part reconnu sa culpabilité. Le constructeur automobile nippon a été condamné à une amende symbolique de 200 millions de yens (1,6 million d'euros), conformément aux réquisitions du parquet.
L'affaire Ghosn avait démarré au Japon par l'arrestation fracassante en novembre 2018 du grand patron de l'alliance Renault-Nissan, libéré sous caution l'année suivante. Greg Kelly, ancien responsable des affaires juridiques de Nissan, avait été arrêté le même jour que Carlos Ghosn et pour le même chef d'accusation initial : avoir omis de déclarer pendant des années aux autorités boursières japonaises des rémunérations qu'il devait percevoir ultérieurement de Nissan.
Un an et demi d'audiences
Les procureurs lui reprochaient d'avoir aidé Carlos Ghosn à dissimuler aux autorités boursières japonaises 9,1 milliards de yens (quelque 70 millions d'euros) de rémunérations différées sur la période 2010-2018.
La cour a jugé Greg Kelly coupable pour ces faits, mais seulement sur l'exercice 2017/18, estimant qu'il n'était pas au courant auparavant des "conspirations" de Carlos Ghosn et d'un autre responsable de Nissan à l'époque, Toshiaki Ohnuma, sur ces paiements différés. Ce dernier n'a pas été poursuivi par la justice japonaise, ayant bénéficié d'un statut de lanceur d'alerte.
Durant son procès dont les audiences se sont étalées sur près d'un an et demi, Greg Kelly et ses avocats avaient argué que ni les montants ni le calendrier de ces versements n'étaient gravés dans le marbre, et que donc Nissan n'avait nul besoin de publier ces informations.
Nissan cherchait un "moyen légal" de conserver Carlos Ghosn dans son giron après sa retraite, pour éviter qu'il ne rejoigne un groupe concurrent, avait encore assuré l'américain. Il avait passé un mois en détention provisoire après son arrestation au Japon, et vivait depuis en liberté sous caution avec interdiction de quitter le territoire japonais en attendant la fin de son procès.
Un acquittement aurait été "humiliant" pour les procureurs et pour Nissan
Ses avocats avaient assuré en amont du verdict qu'il ferait appel en cas de condamnation, même à une peine avec sursis. "Nous sommes soulagés que la procédure légale soit arrivée à son terme, et que les époux Kelly puissent rentrer chez eux" dans le Tennessee, a réagi jeudi dans un communiqué l'ambassadeur américain au Japon Rahm Emanuel, qui suivait cette affaire de près. "Cela a été trois longues années pour la famille Kelly, mais ce chapitre a pris fin", a ajouté sobrement l'ambassadeur.
"Kelly avait été arrêté dans l'espoir qu'il retourne sa veste et témoigne contre Ghosn", mais après la fuite de ce dernier, les procureurs s'étaient retrouvés "avec un dossier faible et restreint contre Kelly", selon Stephen Givens, un avocat d'affaires à Tokyo interrogé par l'AFP en amont du verdict. Les juges nippons faisaient face à un "dilemme" car un acquittement aurait été "humiliant" pour les procureurs et pour Nissan, avait encore estimé Stephen Givens.
Le volet des rémunérations différées ne devait être que le hors-d'œuvre des procès de Carlos Ghosn au Japon. Car la justice japonaise voulait également juger l'ancien président pour des accusations d'abus de confiance, qui ne visaient cette fois-ci que lui. L'ex-dirigeant reste concerné par deux procédures judiciaires françaises, pour des contrats de prestations de conseil conclus par RNBV, filiale néerlandaise de Renault-Nissan, et pour des abus de biens sociaux et blanchiment. Carlos Ghosn, qui clame son innocence sur toute la ligne, fait l'objet d'un mandat d'arrêt d'Interpol à la demande du Japon, mais le Liban n'extrade pas ses ressortissants. (avec AFP)
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.