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Constructeurs

24 Heures du Mans : et s’il n’en reste qu’une…

Publié le 29 juin 2007

Par Marc David
10 min de lecture
Avec une seule voiture à l'arrivée sur trois au départ, Audi signe sa victoire la plus difficile dans la Sarthe. Devant Peugeot, venu avant tout pour emmagasiner de l'expérience… On prend les mêmes et on recommence ! Comme en 2006, Emanuele Pirro (Ita), Frank...

...Biela (All) et Marco Werner (All) se retrouvent sur la plus haute marche du podium des 24 Heures du Mans. Une nouvelle victoire Audi certes, la 7e depuis 2000 et la 2e pour ce qui est du Diesel, mais une victoire acquise dans des conditions… différentes. En effet, pour la marque d'Ingolstadt, cette 75e édition des "24 Heures" ne s'est pas déroulée comme un long fleuve tranquille. Les propos de Wolfgang Ullrich, directeur d'Audi Sport, le confirment. "Par rapport à nos sept succès acquis ici, c'est la victoire la plus difficile, dit-il. Bien sûr, il y avait la qualité de la concurrence, mais c'est la première fois que nous terminons avec une seule voiture et que deux de nos autos accidentées ne peuvent rentrer aux stands pour être réparées. Nous avons été sous pression jusqu'à la fin…" Déjà, avant même les trois heures de course, il était acquis qu'Audi ne signerait pas un nouveau triplé, après ceux réussis en 2000 et en 2002. La faute au jeune Mike Rockenfeller qui, sous la pluie, terminait sa course dans le rail du Tertre Rouge, détruisant l'arrière du prototype allemand. Pas de chance pour le seul pilote français d'Audi, à savoir Alexandre Prémat, qui n'eut même pas le loisir de prendre le volant…

La sortie de route de l'Audi R10 TDi de tête a plongé le clan allemand dans l'incrédulité

Mais le pire restait à venir. Le Mans est une course difficile, impitoyable, parfois cruelle. L'équipage de l'Audi R10 n°2 (Capello-Kristensen-McNish) l'a constaté à ses dépens. En tête depuis le départ grâce à une attaque efficace mais savamment dosée de ses pilotes sur la piste, le tout conjugué à une stratégie sans faille, la numéro 2 avait pourtant creusé, durant 17 heures, un solide écart de plus de trois tours sur la numéro 1 (future victorieuse), et sept sur la première Peugeot, la numéro 7. Et puis, patatras. Peu avant 7h30 du matin, alors qu'il aborde les "S" d'Indianapolis à quelque 260 km/h, "Dindo" Capello voit la roue arrière gauche de sa voiture se détacher. Simple passager d'un bolide devenu incontrôlable, l'italien ne peut éviter le choc violent dans les pneus. Fort heureusement, il s'en sort indemne. Le clan allemand est incrédule. Certes, 15 tours avant, lors de son ravitaillement, le changement de pneus sur l'Audi de tête s'était révélé plutôt chaotique (pas dans les habitudes de l'équipe Joest qui engage les protos allemands) avec une voiture abaissée avant même que le mécanicien préposé à la roue arrière gauche n'ait eu le temps de fixer correctement celle-ci. Le filetage de l'écrou central de fixation a-t-il été endommagé dans la manœuvre ? Peut-être. Mais comme le rappelait fort logiquement le Dr Ullrich, "s'il y avait eu un problème suite à ce ravitaillement, Dindo n'aurait pas couvert quinze tours. Aussi, nous enquêtons…". Toujours est-il qu'à partir de ce moment, tous les espoirs du constructeur allemand ne reposaient plus que sur la n°1. "Une énorme responsabilité pour nous, d'autant que les




FOCUS

Aston Martin en GT1 !


Après trois tentatives infructueuses, Aston Martin est enfin parvenue à briser le règne de Corvette au Mans. Dans le cadre d'une lutte toujours très serrée et fort animée, c'est la DBR9 de Brabham-Rydell-Turner qui s'impose, décrochant parallèlement une fort belle 5e place (à 26 tours) au général. De son côté, la première Corvette, celle d'O'Connell-Magnussen-Fellows, pointe à un tour, seulement. Il faut d'ailleurs noter que la 2e Corvette officielle a abandonné sur problème de transmission dès la 2e heure, fait qui demeure très rare. Aussi, la 3e place de la catégorie revient à l'Aston Martin "Larbre" de Bouchut-Gollin-Elgaard, détentrice de la pole. En GT2, Porsche remporte son duel face à Ferrari, grâce à la victoire de la 997 GT3 de l'équipage Imsa Performance Long-Narac-Lietz, par ailleurs 15e au général.

conditions de fin de course ont été horribles", concédera plus tard Emanuele Pirro.
Effectivement, à 50 mn de la fin de course, la pluie refait son apparition. Des hallebardes tombent sur la piste, obligeant la direction de course à faire intervenir la voiture de sécurité… qui s'effacera à un quart d'heure de l'arrivée. Histoire de redonner un peu de piment et surtout, de faire en sorte que cette arrivée demeure "digne" pour les quelque 200 000 spectateurs courageux massés sur le circuit. Et là, ultime rebondissement. Après s'être arrêtée à son stand pour tenter de régler un problème de pression d'huile, la Peugeot n°8 alors pilotée par Sébastien Bourdais, est repartie. Mais le manceau, en liaison avec son stand, stoppe sa voiture avant le ralentisseur Ford, attendant l'arrivée de l'Audi n°1 à 15 heures pour repartir et franchir la ligne d'arrivée… en 2e position (à 10 tours) !

Les problèmes d'Audi et de Peugeot ont été "tout bénef" pour Pescarolo Sport, 1er des "essence" !

A sa descente de voiture, l'enfant du pays commente : "Sous des conditions dantesques, on partait en aquaplaning en 2e derrière la voiture de sécurité, c'était de la folie ! En plus, on a failli se prendre le moteur… il n'aurait sans doute pas supporté de faire un tour de plus". Déjà victime d'un double changement de roulement arrière, la 908 HDi FAP n°8 de Bourdais-Sarrazin-Lamy a connu en fait un problème similaire à celui qui a frappé la n°7 de Villeneuve-Gené-Minassian. Passée 2e après la sortie de route de l'Audi de tête, la n°7 (alors pilotée par Nicolas Minassian), s'était en effet retirée à un peu plus d'1h 30 de l'arrivée, moteur cassé. Dommage. Cela dit, ainsi que l'explique ci-contre Frédéric Saint-Geours, Peugeot a parfaitement réussi son retour au Mans, quatorze ans après son triplé historique de 1993. Certes, malgré la pole position arrachée le mercredi soir par Stéphane Sarrazin (en 3'26''344), les 908 HDi ne pouvaient lutter contre les Audi. Sur les premières heures de course, leurs temps restaient de deux à trois secondes inférieurs à ceux des protos allemands. Auteur dès le départ d'un freinage raté à la chicane Dunlop (il perd le bénéfice de la pole et se retrouve 4e), Bourdais déclarait même : "C'est incompréhensible, je ne retrouve pas la voiture que j'avais en préqualif. Nous avions pourtant déterminé un bon set-up. Là, elle est particulièrement instable, on n'a rien sur l'arrière". Par la suite, des réglages aérodynamiques amélioreront les choses et le manceau réalisera même le 2e meilleur temps absolu en 3'27''633 (contre 3'27''176 pour l'Audi n°2) ! Ou comment Peugeot mettra à profit sa philosophie première, celle d'emmagasiner de l'expérience en vue de 2008…
Bref, au final, les malheurs d'Audi et de Peugeot ont au moins fait le bonheur d'une équipe méritante, française de surcroît : Pescarolo Sport. Même si l'objectif avoué du grand Henri était quand même de voir l'une de ses voitures sur le podium, à l'instar de 2005 et 2006, la tâche s'avérait difficile avec trois Audi R10 et deux Peugeot 908 équipées d'un surpuissant moteur Diesel. Malgré le retard accumulé par la n°17 (pilotée par Primat-Tinseau-Tréluyer) du fait d'un problème de pompe à huile et une "chaleur" au petit matin relative à la sortie de route d'Emmanuel Collard au ralentisseur Michelin (le français s'est fait piéger par de l'huile sur la piste), mission accomplie ! La vaillante Pescarolo-Judd de Collard-Boullion-Dumas, même si elle figure à 11 tours des vainqueurs, aura largement mérité la 3e marche du podium. "En attendant pour 2008 une évolution nécessaire des équivalences (essence et Diesel, NDLR), cette 3e place est un formidable encouragement pour toute l'équipe Pescarolo Sport et ses partenaires à continuer à se battre pour une victoire", déclarait Henri Pescarolo, qui n'hésitait pas, non sans un certain humour, à remercier sur le podium les deux constructeurs présents aux 24 Heures de lui avoir laissé… une petite place.


Marc David


Légende photo ci dessus : A l'instar de 2006, la 75e édition des 24 Heures a consacré Emanuele Pirro, Frank Biela et Marco Werner. Un podium partagé par Wolfgang Ullrich, le patron d'Audi Sport.





QUESTIONS A

Frédéric Saint-Geours, Directeur général Automobiles Peugeot.


"Au bout d'une certaine distance, nous sommes rentrés dans l'inconnu le plus total"


Journal de l'Automobile. On vous a vu très présent autour de votre équipe. Comment avez-vous vécu ces "24 Heures" ?
Frédéric Saint-Geours. D'abord, je tiens à apporter cette précision. Cet engagement au Mans repose bel et bien sur un projet Peugeot dans son ensemble, et pas seulement sur un projet Peugeot Sport. Aussi, je tenais à être là pour bien montrer que l'ensemble de la marque est derrière ce défi que nous nous sommes lancés. Maintenant, vient se greffer l'aspect passionnel. Les "24 Heures" représentent une course très spéciale, assez envoûtante. Il s'agit d'une épreuve qui allie le sprint dans la mesure où il faut aller le plus vite possible, et l'aventure sur une longue durée. Les rapports humains sont donc très riches car nous vivons ensemble durant 24 heures, à la manière d'une communauté qui va dormir, se restaurer, vibrer ou pleurer, en fonction des résultats. Dans ce registre, les dernières minutes ont été terribles, car les conditions météo amplifiaient le caractère dramatique de la situation, au sens théâtral du terme. Un instant magique, qui s'est bien terminé.


JA. Justement, au départ, Peugeot venait cette année au Mans pour emmagasiner de l'expérience. Que pouvez-vous dire sur ce magnifique résultat ?
FS-G. Je suis époustouflé et au risque de me répéter, nous partions de rien il y a encore 18 mois. Nous n'avions vraiment rien ! La voiture a roulé pour la première fois il y a 6 mois, on arrive à gagner les deux courses en LMS auxquelles nous avons participé (Monza et Valence, NDLR), et nous faisons la pole au Mans. Après, en course, notre rythme est élevé puisque nos temps au tour sont très proches de ceux de la concurrence. Le tout pour obtenir cette 2e place finale. Je dis vraiment bravo à l'équipe Peugeot Sport, ce qu'elle a fait est inimaginable. Maintenant, lorsque nous disions "jouer la prudence", ce n'était pas pour cacher notre jeu. Nous avons bien vu que nos voitures étaient très juste sur le plan de la durée. Dès que nous avons dépassé un certain temps de course (au-delà de la barre des 3 500 km, record absolu d'une 908 sur une simulation de 24 heures, NDLR), nous sommes rentrés dans l'inconnu le plus total. Nous avons réussi à sauver cette 2e place du bout des cheveux.


JA. Après un débriefing sérieux concernant l'aspect technique et l'analyse des données, vous disposez dorénavant d'un an pour affûter vos armes. Les objectifs 2008 demeurent-ils inchangés ?
FS-G. Tout à fait. Dès le départ, nous avions annoncé nos objectifs 2008, à savoir se battre pour la victoire, et surtout gagner. Nous allons faire en sorte de mettre tous les moyens dont nous disposons pour atteindre cet objectif, sur lequel est bâti notre défi. Alors effectivement, nous allons désormais décortiquer le comportement technique de notre voiture pièce par pièce, et aussi analyser notre compréhension de la course, notre adaptation aux conditions climatiques, etc., sans oublier le comportement de la concurrence, bref, des plans d'actions qui devraient nous permettre de figurer sur le devant de la scène en 2008. Le tout dans le cadre d'un programme à long terme.

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