Thierry Suquet, chef du département développement réseau Audi France
Journal de l'Automobile. En termes de performances commerciales, Audi s'en sort finalement mieux que ses concurrents. (Fin novembre, Audi est à 44 315 (+ 1,4 %), BMW à 38 704 (- 14,5 %), et Mercedes à 45 480 (- 4,6 %)). Cela correspond à vos attentes ?
Thierry Suquet. Nous avons battu notre record d'immatriculations de 2008. Comme nous nous étions fixé l'objectif d'une performance étale, nous l'avons donc dépassé. Nous avions par ailleurs un cap de 50 000 livraisons que nous avons, à quelques unités près, atteint. L'objectif du réseau, lui, a été rempli. Nous avons été en fait plus raisonnables en ce qui concerne les ventes directes hors réseau, notamment auprès des loueurs courte durée. Le constructeur n'a en effet immatriculé environ que 3 000 unités. Cela correspond à une stratégie d'ensemble.
JA. Quels sont vos objectifs pour 2010 ?
TS. Cette année, nous allons enregistrer la sortie de l'A8 en avril, de l'A1 en septembre, puis de l'A7 sur la toute fin d'année. Nous estimons que nos immatriculations devraient naturellement augmenter quelque peu. Nous avons ainsi une fourchette de 52 000 à 54 000 livraisons pour 2010. Mais il est difficile de faire des estimations quant aux immatriculations. D'ailleurs, cette année, un peu à l'image des évolutions qui s'opèrent actuellement dans le réseau, nous avons changé notre manière de travailler avec nos distributeurs. Auparavant, nous avions des points de passage tous les 4 mois, mais c'était l'objectif annuel qui primait. Plus maintenant. Les objectifs sont aujourd'hui quadrimestriels, de manière à mieux coller à la réalité. La rémunération a donc évolué avec le calendrier.
JA. A quel niveau se situe la profitabilité du réseau et quels sont vos objectifs en la matière, à l'issue de cette phase ?
TS. A fin septembre, la rentabilité moyenne du réseau était de 1 % du chiffre d'affaires. Le résultat pour l'année 2009 ne sera pas inférieur. Il se situera entre ce point et les 1,4 % enregistré en 2008. La quasi intégralité de ce recul est venue du VO. Sur les 4 premiers mois de l'année, le réseau a fait 0 % de rentabilité sur cette activité, là où l'année précédente, il avait enregistré une profitabilité de 1,5 à 2 points. C'est de là que vient l'écart. C'est donc quelque chose de très conjoncturel. C'est ce qui explique que nous n'avons pas déclenché de plan Orsec particulier pour aider nos distributeurs. Néanmoins, pour que le réseau préserve une capacité importante et régulière, l'idéal est de lui garantir une moyenne de 2 %. Nous avons su le faire entre 2004 et 2007. Nous devons pouvoir le faire encore. Le seuil en dessous duquel nous ne souhaitons pas voir nos distributeurs descendre, c'est 1,5 point. C'est-à-dire que l'année 2009 sera une année rouge pour le réseau. Cependant, au sortir d'une période de facilité, cela aura au moins permis de mettre en relief deux de nos faiblesses : le véhicule d'occasion et l'après-vente. Il y a matière à progresser dans le domaine. Et en volume, et en rentabilité.
JA. Comment allez-vous y parvenir ?
TS. Chez Audi, on a sans doute oublié que la rentabilité des affaires passe par l'atelier. Notre déficience en termes de capacité physique d'accueil fait que notre couverture de parc Audi en après-vente est faible. Lorsque vous appelez chez un distributeur de la marque, il est fréquent que l'on vous propose un rendez-vous sous 7 à 10 jours. Cela ne correspond pas aux exigences de l'automobile. Cette année, dans notre stratégie de développement immobilier, nous avons donc travaillé sur cette capacité d'accueil. Cela passe par trois choses. Tout d'abord, par une meilleure couverture de parc grâce à une capacité d'accueil améliorée, un nombre de réparateurs en baisse (quelques dizaines ne suivront pas), puis un parc de véhicule à la hausse. Nous estimons ainsi que chaque réparateur agréé qui sera nommé le 1er juillet prochain, aura, à échéance 2013, notre année cible, une activité après-vente 60 % supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Quant au VO, le label Audi Occasion Plus va vraiment prendre ses lettres de noblesse à l'issue de ce plan. Notamment parce qu'en grande partie, le réseau n'était pas encore exclusif et ne pouvait pas accorder à l'activité la place qu'elle méritait. Dans ces normes, la règle de base est de ne pas exposer moins de 18 VO. Mais en réalité, il n'est pas rare que l'on dépasse les 25, voire les 35.
JA. Quelle a justement été l'évolution du réseau sur l'année 2009 ?
TS. Nous avons 173 points de vente pour 101 investisseurs. Nous avons un réseau relativement peu concentré. A fin 2008, par exemple, 65 partenaires n'avaient ainsi qu'un seul contrat. D'ailleurs, nous terminons l'année avec seulement 4 changements de main. C'est peu. Il y a eu également quatre fermetures de site dans l'année. A savoir Sarrebourg (57), Forbach (57), Figeac (46) et Maubeuge (59). Des sites "relais". D'autres fermetures vont suivre. Dans le premier semestre 2010, nous allons fermer une vingtaine de points. A deux ou trois exceptions près, il s'agit à chaque fois de sites satellites, avec un volume moyen de 110 VN par an, sachant que la moyenne du réseau Audi est plutôt sur un rythme annuel de 300 VN. C'est conforme au plan de route 2015 que nous avons annoncé en 2006. Un plan qui passe par une réduction du nombre de points de vente, de manière à donner à chaque site une taille plus importante, des volumes, des activités et une profitabilité en hausse. En 2010, nous allons donc fermer une trentaine de sites, dont une vingtaine sur le premier semestre. A la fin de l'année, nous aurons atteint notre configuration cible. Nous serons donc entre 145 et 150 points de vente. Au passage, deux ou trois partenaires vont disparaître, mais cela reste marginal.
JA. Quel sera, à terme, le visage du réseau Audi ?
TS. Globalement, l'annonce du plan en 2006 a généré quelques changements d'opérateurs. Pour des questions d'âges, économiques ou stratégiques, certains se sont en effet posé la question de continuer avec nous ou non. Certains ne souhaitaient pas rempiler pour 15 ans d'engagements bancaires. Mais le mûrissement de ce plan 2015 s'est fait petit à petit. Aujourd'hui, après étude précise, certains partenaires arrivent au bout de leur réflexion. Les changements profonds vont démarrer. Je pense que dans les 5 ans qui viennent, 30 % du réseau changera de main. D'abord, parce que la pyramide des âges joue, mais également à cause de l'importance du changement de la marque. Car ce n'est pas seulement une évolution architecturale. Certes, cela nécessite des investissements importants. Mais pas uniquement. Nous changeons également nos méthodes de travail. Il s'agit de faire passer le réseau Audi au 21e siècle.
JA. Quelle est votre politique au niveau du recrutement ?
TS. La priorité sera naturellement donnée aux opérateurs du réseau. Mais nous n'avons pas de logique régionale ou de stratégie de plaques. On ne s'arrête pas là. Le jeu est complètement ouvert. La priorité absolue, c'est la compétence et le savoir-faire du candidat. C'est-à-dire qu'entre un partenaire moyen du réseau et un investisseur extérieur, mais très performant dans ses marques, nous pencherons davantage vers l'opérateur extérieur.
JA. Vous avez lancé il y a près d'un an une phase d'évolution architecturale du réseau. Patrice Franke nous disait alors qu'il y avait un besoin d'action sur 130 des 175 sites en France. Qu'en est-il ?
TS. Sur nos 150 sites distributeurs à fin 2010, 100 % doivent investir pour la route 2015. Aujourd'hui, les plans sont clairs pour 110 d'entre eux. A fin 2009, une trentaine avait finalisé ses investissements. Nous aurons donc 80 chantiers cette année. C'est à dire plus de la moitié du réseau. Sur ces 110 projets arrêtés, 40 % sont des extensions et 60 % sont des créations de nouvelles concessions. En terme de surface d'exposition, nous avions en 2008, 40 000 m2 cumulés sur l'ensemble des 175 sites français. Au sortir de ces chantiers, nous aurons une surface de 75 000 m2 répartis sur 150 sites. C'est-à-dire que nous aurons moins de sites, mais plus de surface. De manière générale, nous invitons nos distributeurs à ne pas construire que pour 2013, mais construire un bâtiment évolutif. C'est ce qui nous avait fait défaut précédemment.
JA. La crise et la fragilisation de certains distributeurs ne vous a-t-elle pas incité à opérer quelques ajustements ?
TS. Depuis un an, nous avons optimisé le concept. On a appris en marchant. Le principe du concept Terminal, c'est qu'il s'adapte. Il sied aux villes comme aux campagnes et aux faubourgs. Mais face à la crise, il nous fallait être pragmatiques. Etant donné l'importance des investissements à consentir, certains aménagements ont été réalisés. Nous avons en effet obtenu de l'Allemagne d'avoir des sites avec uniquement la façade "résille alu". C'est une initiative franco-française. Quand nous avons commencé à parler de cette éventualité, cela s'est répandu comme une traînée de poudre. Nous avons rapidement eu beaucoup de demandes et cela nous a finalement un peu forcé la main. Le meilleur exemple, c'est le groupe Cobredia. C'est un concessionnaire jeune, dynamique, avec une vision à long terme. Il met les moyens en face de ses ambitions. Le projet de Morlaix (29), initialement neutre en terme architectural, a été revu en cours de route et l'opérateur a finalement décidé d'opter pour cette façade façon Terminal. Le distributeur développe actuellement un projet similaire à Saint-Brieuc (22), puis un projet de Terminal complet à Brest (29). Pour tout dire, nous avons beaucoup de distributeurs enthousiastes. Au début, nous avions pensé le Terminal seulement pour les grandes villes. Mais certains ont absolument tenu à en avoir un. Beaucoup de nos partenaires vont au delà de nos exigences. Ils tirent le réseau vers le haut. Mais nous avons veillé à ne pas fragiliser nos distributeurs. Nous avons ainsi revu certains projets pharaoniques à la baisse, de manière à ce que la représentation de la marque soit tout aussi valorisante, mais à un coût moindre. D'ailleurs, reconnaissons que nos partenaires bénéficient des effets de la crise en matière de coût de construction. Sur le gros œuvre, qui représente les deux tiers de l'investissement, les prix ont chuté. Ils ont ainsi réalisé une économie de 15 à 20 % par rapport à leur investissement initial.
JA. Le grand Terminal à Vélizy (78) est-il lui aussi concerné par cette révision des projets ?
TS. Nous avons déconstruit, dépollué, puis avons aujourd'hui le permis de construire. Les travaux vont donc commencer prochainement. La livraison est prévue pour fin 2011, début 2012. Comme d'autres sites, ce projet a été optimisé. Notamment parce que les contraintes y sont très importantes et que nous ne voulons pas en faire une simple vitrine, mais bien une véritable concession. Un outil de travail, fonctionnel et rentable. A terme, cette affaire devra immatriculer 1 000 VN par an. Mais elle devra aussi vendre du VO, recevoir la clientèle après-vente… Nous avons donc revu certaines petites choses, mais nous demeurons sur un terrain de 6 000 m2, et un projet de 2 sous-sols, un rez-de-chaussée, 2 étages plus un toit terrasse. Au sujet de son exploitation, notre décision n'est pas encore arrêtée. Nous ne savons toujours pas si nous prendrons la distribution à notre charge ou si nous confierons l'exploitation à l'un de nos partenaires.
JA. En termes d'environnement, ces chantiers ont-ils fait des sacrifices ?
TS. Au contraire. Nous avons agréé un 3e cabinet d'architecture récemment. La collaboration avec celui-ci a ouvert une voie que nous n'avions finalement pas explorée totalement jusqu'à présent. Avec ce cabinet nous avons réalisé une étude précise de l'impact environnemental de nos affaires, en nous appuyant notamment sur un cas concret, à savoir la construction du Terminal de Lyon Nord. Là encore, c'est une initiative franco-française. Il s'agissait de déterminer toutes les possibilités environnementales sans dénaturer le projet et l'architecture Audi. Ce ne sont pas les normes HQE qui nous ont poussés. C'est l'envie d'aller le plus loin possible. L'étude a montré que même sur les choses les plus simples, on pouvait gagner quelque chose. De cette étude, nous sommes en train de faire naître des propositions concrètes pour le réseau, que nous annoncerons aux distributeurs lors de la convention qui se déroule à Val d'Isère entre le 25 et le 29 janvier prochain. Il s'agit de 4 packs environnement, qui vont du plus simple, comme la gestion des lumières ou du chauffage, au plus complexe, c'est-à-dire incluant un système d'énergie solaire. Dans chacun de ces packs, nous détaillons un certain nombre d'aménagements et les renseignons sur les amortissements de chaque option. Ces packs seront disponibles à partir du mois de mars.
JA. Même sur la base du volontariat, beaucoup d'investissements ont été "proposés" aux distributeurs. Comment parvenez-vous à convaincre vos partenaires ?
TS. Comme nos méthodes, les mentalités évoluent. Nous discutons beaucoup, mais comptons beaucoup sur le conseil de marque. Jusqu'ici, il était composé de 7 distributeurs et était élu tous les deux ans. En 2010, nous allons changer cela. Le nouveau conseil de marque comportera 10 distributeurs, correspondant aux 10 districts formant le réseau et sera élu tous les ans. Par ailleurs, nous allons également lancer des groupes d'experts thématiques (vente, après-vente, formation, qualité…) au sein même de cet organe. Le conseil aura ainsi un fonctionnement plus lisible et davantage porté sur l'opérationnel. Nous avions en effet besoin d'un conseil plus efficace et de relations plus fructueuses avec nos partenaires.
ZOOMNouvel investisseur à Monaco Depuis le départ de Marc Foggionato, voilà un an, Audi ne disposait plus de représentation à Monaco. En février prochain, la marque aux anneaux sera de nouveau visible dans la principauté, puisque le constructeur vient de nommer un nouvel opérateur. C'est en effet désormais le groupe Second, très important distributeur Porsche à Monaco et Antibes (06), qui y commercialisera la marque. Le distributeur ouvrira parallèlement un atelier dédié, dans la cité voisine de Beausoleil. |
Photo : En poste depuis un an, Thierry Suquet incarne, par sa mission, les ambitions du constructeur pour le marché hexagonal.
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