Marcel de Rycker, directeur Marchés Entreprises Internationales de Peugeot.
Journal de l'Automobile. Votre unité prend une place importante dans la nouvelle organisation du groupe et de la marque : quels axes d'amélioration aviez-vous identifié et pour quels objectifs commerciaux ?
Marcel de Rycker. En premier lieu, nous avons constaté que sur le marché des entreprises, dans plusieurs pays européens, nous sommes un peu en retard sur le segment VP. Il y a donc clairement un potentiel à exploiter et cela implique d'avoir une démarche vraiment orientée vers les clients. Il faut une équipe plus fournie pour rencontrer les grands comptes internationaux et leurs filiales. Au niveau des concessions, il faut aussi une démarche plus homogène et généralisée. Ce n'est pas forcément très compliqué à faire. Cela passe notamment par des Key Account Managers qui doivent être opérationnels et donc sur la route. Nous avons fixé un seuil de 9 visites client par semaine. En effet, le business se fait chez les clients et certainement pas par des présentations PowerPoint. Nous sommes donc en train de recruter une équipe internationale de Key Account Managers et nous dupliquons ce modèle au niveau national. Grâce à un fort soutien en back-office, ces managers auront vraiment le temps d'aller chez les clients. Enfin, au niveau des concessionnaires, nous allons développer les fleet centers dont l'architecture repose sur quelques basiques : standards, modèles business, formation certifiante pour les vendeurs, une offre de full-services leasing disponible, des concessionnaires formés pour pouvoir prendre le relais des contrats que nous concluons avec de grandes entreprises nationales et internationales.
JA. Par rapport aux différents segments de ce marché, quelle sera votre stratégie commerciale ?
MDR. Nous avons identifié trois segments prioritaires : les grands comptes internationaux, un niveau national et un niveau local. Pour travailler ces clients, trois niveaux correspondants ont été mis en œuvre : le siège pour les grands comptes internationaux, nos filiales pour les filiales des grands comptes internationaux et les grandes entreprises nationales, et le réseau des concessions et des succursales pour les PME, TPE et les professions libérales.
JA. Comment analysez-vous le marché actuel, caractérisé par des reports de renouvellement et un bouleversement du mix sous l'effet conjugué de l'enjeu environnemental et d'une prime à la "discrétion" ?
MDR. Le secret dans ce business, c'est le TCO. Il renvoie principalement à deux variables. Tout d'abord, les valeurs résiduelles. Et en dessous de 130 g de CO2/km, sur les six premiers mois de l'année, nous proposons la gamme la mieux positionnée. Nous sommes donc idéalement placés, d'autant que les modèles à venir sont aussi très performants dans leur catégorie. La seconde variable incontournable réside dans la consommation. Cet élément joue aussi en notre faveur et j'en veux pour preuve la success-story du 3008, le modèle, par excellence, pour attaquer la concurrence germanique. En outre, le 5008 va nous ouvrir un nouveau segment. Sur ces bases, nous allons donc partir en conquête sur le marché des flottes, mais aussi des sociétés de leasing, captives et non captives, que nous ne négligerons pas. Parallèlement, nous faisons de gros efforts de professionnalisation sur le volet re-marketing pour être en mesure de bien gérer la vague des retours dans un an ou deux.
JA. On connaît la tendance globale très attentiste du segment des PME et TPE, mais quel est l'impact de la crise sur celui des grands comptes ?
MDR. Concernant les grands comptes, il faut savoir que les appels d'offres abondent ! Entre l'an passé et le début de 2009, on doit dépasser les 70 appels d'offres d'envergure internationale. En fait, tout le monde s'inscrit dans une stratégie de réduction des coûts. Il y a donc de réelles opportunités à saisir et vu la compétitivité de notre offre, nous pouvons nourrir des ambitions sérieuses.
JA. Il y a un paradoxe dans les discours sur le marché des entreprises : une fois, il faut y aller car le potentiel de conquête est vaste et une autre fois, il faut modérer son engagement car les marges sont trop faibles. Dès lors, comment démêler le vrai du faux ?
MDR. D'une part, il n'y a pas de paradoxe à mes yeux et j'y reviendrai. D'autre part, quand un groupe comme PSA investit autant en ressources sur ce segment, pour Peugeot comme pour Citroën, ce n'est pas pour faire un ou des coups, mais la démarche s'inscrit vraiment dans la durée. Il s'agit d'une vision à long terme. Par ailleurs, par mon expérience passée, je sais que le potentiel que j'évoquais est réellement considérable. Et si la volonté de la direction générale est manifeste, il est encore plus facile d'avancer. Enfin, vous soulevez la question de la marge et cela mérite un éclaircissement. Vous avez les volumes d'un constructeur, la marge unitaire par véhicule et les coûts, qui sont constants sur les voitures fabriquées. La marge générée suit un cycle : dans un premier temps, la marge est importante et ensuite, on commence à aller vers d'autres canaux et la marge retombe donc forcément un peu. Maintenant, si on augmente les volumes, on augmente les remises, ce qui peut être perçu de prime abord comme une catastrophe par des financiers. Mais il faut bien prendre en compte la marge supplémentaire ainsi générée, marge impossible à faire en se limitant en volume. En plus, ce sont des voitures dans le parc qui entraînent de l'activité après-vente, des voitures qui jouent pour l'image et la notoriété, des voitures qui favorisent un bon taux d'occupation des usines et on sait tous que ce n'est pas anodin en ce moment. Bref, je pense que le business plan est relativement simple et limpide !
JA. Si c'est si simple, pourquoi cela n'a-t-il pas été fait avant ?
MDR. J'évoquais la volonté de la direction générale et c'est effectivement un point clé. Or nous sommes persuadés que ce business-model fonctionne et que cela génère du volume et de la marge pour le groupe. L'indicateur de la marge moyenne par véhicule n'est pas une valeur absolue et en schématisant, on peut poser la question ainsi : préférez-vous vendre 100 fois pour 100 euros de marge ou 300 fois pour 80 euros de marge ? Le calcul est vite fait de notre point de vue.
JA. Par rapport au véhicule électrique, vous êtes au cœur du sujet car on sait qu'ils se diffuseront principalement par le biais des flottes : quelle est votre ambition ?
MDR. Nous allons d'abord débuter l'aventure avec des grands comptes et des partenaires stratégiques. Et c'est le court terme puisque nous pourrons livrer dans un an ! Nous serons quasiment les premiers et cela nous ouvre un potentiel énorme pour bien nous positionner. Nous en discutons déjà avec les clients, flottes, leasing, entreprises, collectivités. Une cellule a été créée, sous la direction de Ayoul Grouvel, pour travailler sur le sujet et nous sommes opérationnels.
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