Jean-Luc Gérard, président de Ford Motor Company France
Journal de l'Automobile. Vous avez clos 2009 sur une performance en hausse de 18.7 % à 133 000 unités. Quelle a été la clé de voûte de ce succès ?
Jean-Luc Gérard : Plusieurs éléments expliquent ce résultat. Nous avons d'abord bénéficié d'un outil de production bien calibré avec la prime à la casse. Ce qui nous permit de beaucoup augmenter les ventes de petites voitures puisque nous avons lancé deux nouveaux modèles, Ka et Fiesta, au meilleur moment et avons donc remporté de beaux succès avec ces deux véhicules. Par ailleurs, nous avons également pu compter sur une gamme bien positionnée en termes d'émissions de CO2, et sur une stratégie commerciale innovante qui nous ont permis d'obtenir des volumes plus importants.
JA. Vous avez également bien démarré l'année, avec une croissance de +19 % à fin février. Le rythme des commandes suit-il cette progression ?
J-LG : L'année 2010 ne démarre pas du tout sur la même lancée. En immatriculations, nous continuons de progresser parce que nous livrons le carnet que nous avons constitué en fin d'année dernière. Mais au niveau des prises de commandes, nous sommes sur une baisse de 20 à 30 %. Il est certain qu'il y a eu en 2009 des achats d'anticipation. Nous pensons que, en termes d'immatriculations, le marché global va donc se tenir sur le 1er semestre, mais va reculer au second, pour terminer l'année en recul de 10 à 12 %. Sur la base de cette prévision, nous aimerions faire à peu près la même part de marché. Actuellement, hormis Kuga, nous souffrons surtout sur les gros véhicules. Nous perdons du terrain sur C-Max, S-Max et Mondeo. En revanche, nous attendons une reprise sur le VU. Mais quelle sera la reprise économique et quel sera le poids des flottes ? C'est difficile à dire. La bonne chose, c'est que les taux d'intérêt restent relativement bas. Ce qui me paraît fondamental.
JA. Forte de son succès, la Ka a connu quelques soucis de livraison (6 mois de délai). Qu'en est-il aujourd'hui ?
J-LG : En effet. Sur la Ka, notamment, nous avons eu des délais très longs. Cela a vraiment été tendu pendant une bonne partie de l'année. Mais ça n'était pas entièrement de notre fait. Il s'avère que le système de commandes de Fiat (N.D.L.R. : la Ka est produite à l'usine de Tychy, en Pologne, aux côtés de la Fiat 500 et de la Fiat Panda) n'est pas très flexible. En cours d'année, nous avons ainsi décidé d'épurer la gamme en limitant le nombre d'option. Ce qui a réduit ces désagréments et les délais ont ainsi été raccourcis en fin d'année. Mais, en même temps, il faut signaler que le segment des petites voitures a doublé en France en peu de temps. On peut difficilement réaliser des prévisions de cet ordre et aucun appareil de production ne peut donc réagir aussi rapidement.
JA. On a vu Ford très actif voilà quelques années sur la question du bioéthanol. Depuis, le vent a tourné et ce sont d'autres solutions, telles l'hybridation ou le tout électrique, qui semblent trouver grâce aux yeux du public. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?
J-LG : Nous avons toujours l'offre bioéthanol la plus large du marché. Mais, tant que les biocarburants de 2e génération ne seront pas au point, il apparaît peu vraisemblable que cette alternative se développe. Cependant, nous avons des projets sur toutes les nouvelles technologies. D'ailleurs, nous dévoilons sur ce salon que la Focus électrique sera lancée aux Etats-Unis en 2011, sur la base de la nouvelle Focus, puis en 2012 en Europe. D'ici là, sur nos marchés, nous aurons le Tourneo Connect électrique. A partir de 2013, ensuite, il y aura trois voitures hybrides ou hybrides rechargeables à venir. En fait, nous avons développé tout un plan produit global, nommé One Ford. Et l'Europe devrait bénéficier des avancées technologiques des Etats-Unis, toujours sur les mêmes plates-formes. Car nous ne souhaitons pas développer des plates-formes spécifiques pour l'électrique mais au contraire nous appuyer sur des plates-formes existantes. L'une d'elles est la plate-forme C, celle du Grand C-Max ou de la nouvelle Focus - qui devrait se vendre à 2 millions d'unités à travers le monde, dont seront dérivés 9 ou 10 véhicules différents, dont des projets de véhicules électriques.
JA. En attendant, quels sont les moyens dont vous disposez pour faire parler de Ford et d'environnement ?
J-LG : Nous n'avons aucune raison d'être discrets. Nous sommes très bien positionnés en termes d'émissions de CO2. Ford est une des marques dont la gamme émet en moyenne le moins de CO2. Nous sommes à 135 g en moyenne. Et les nouveaux moteurs que nous lançons sur Mondeo sont tous en dessous de 140 g CO2/km. Nous sommes dans le marché.
JA. Quelle a été la rentabilité moyenne du réseau l'an dernier ?
J-LG : Elle devrait ressortir à 1,3 % du chiffre d'affaires pour 2009. Peut-être même légèrement au-dessus. Pour un réseau de généraliste, c'est plutôt très bien. C'est même au-delà de l'objectif des 1 % que nous fixons traditionnellement. Cela s'explique par l'augmentation du volume, une activité VO bien maîtrisée, le travail qui a été fait depuis un certain nombre d'années sur les coûts, puis par une lente, mais pas encore suffisante, rentabilité des services avec quelques points d'excellence comme la vente de pièces. Beaucoup de concessionnaires ont, en effet, développé un système de ventes extérieur. L'objectif est de rester au-dessus de 1 %.
JA. Le réseau Ford est l'un des plus discrets en France. Peu de mouvement, peu de cessions, pas de remous. Est-ce une spécificité inhérente à la marque ou est-ce le fruit d'une politique qui mise sur la stabilité ?
J-LG : Les deux. Nous n'avons pas volonté de faire des mouvements intempestifs. La stabilité se ressent sur le relationnel avec le client. Après il y a des mouvements naturels, dus à l'âge ou à une certaine lassitude. Je crois que le fait d'avoir un réseau constitué en majorité d'opérateurs familiaux, qui ont le souci de la transmission, nous permet d'avoir cette stabilité.
JA. En juin dernier, certains regrettaient néanmoins un certain "transfert de charges" vers les distributeurs. Qu'en pensez-vous ?
J-LG : Il y a eu des petites tensions sur des procédures de garanties qui sont un peu exigeantes, mais je crois pouvoir dire qu'il y a une relation très saine avec le réseau. Et je pense que ce sentiment de "transfert" n'est pas partagé par tous. Les marges de pièces sont correctes. La rentabilité des ateliers sur la main-d'œuvre est assez faible, mais au global, le résultat n'est pas mauvais. Cela fait plusieurs années que le réseau affiche 1 % de rentabilité. C'est d'ailleurs aussi un objectif de la société. C'est-à-dire croître profitablement à la fois pour Ford et pour le réseau, parce que nous pensons qu'un réseau solide et pérenne est un gage de progression dans le marché. D'autant plus en France. Nous nous efforçons donc de les accompagner. Il y a quatre ans, par exemple, nous avons mis en place des mesures pour soutenir le sous réseau, c'est-à-dire les agents. Aujourd'hui, les ventes par agents représentent près de 15 % du total des ventes.
JA. Le taux de couverture service du réseau demeure relativement bas (en deçà de 60 %). Est-ce une préoccupation pour vous ?
J-LG : Nous avons effectivement l'ambition de faire croître le taux d'absorption service de 1 % chaque année. Nous ne l'avions pas fait en 2008, mais nous l'avons presque réalisé en 2009. Après, l'une des composantes essentielles de cette équation, c'est la taille du parc. Nous étions arrivés sur un niveau de parc modeste, dû aux années de vente 2003-2004 durant lesquelles nous ne vendions pas 150 000 véhicules par an. Cela joue. Aujourd'hui, le parc devrait redonner des couleurs à l'après-vente.
JA. Quelles sont les clés du succès pour 2010 ?
J-LG : L'ensemble des affaires est désormais aux standards de la marque. Beaucoup d'investissements ont, en effet, été réalisés. Il faut continuer à travailler sur les coûts. Cela doit être une constante. Le remplacement des DMS, qui doit permettre de mettre en place le CRM, est à mon sens un enjeu crucial. En 2010, ceux qui réussiront sont sans doute les concessionnaires qui travailleront leur base clients de la manière la plus professionnelle qui soit. Mais il n'y a pas que les distributeurs qui doivent répondre à cette problématique. Nous devons aussi développer un CRM sur la base de ce que nous faisons avec notre site internet. C'est-à-dire attirer plus de trafic vers notre site et l'exploiter le mieux possible, pour nous et pour les concessionnaires. C'est pour cette raison que nous avons mis en place des call-centers qui permettent de dresser des contacts qualifiés pour les opérateurs. Nous devons améliorer constamment le traitement du client, travailler en qualité, et fidéliser le plus possible à l'après-vente.
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