Harry Salamon, directeur général services de Mercedes-Benz France
Journal de l'Automobile. Où en est le déploiement de votre stratégie après-vente ?
Harry Salamon. Notre programme général se poursuit, avec, en ligne de mire, toujours les deux mêmes objectifs fondamentaux. Tout d'abord, la qualité de service, qui se doit d'être au niveau de nos véhicules, c'est-à-dire premium. Nous continuons donc à travailler sur la professionnalisation de notre réseau. Et, au-delà de la qualité même du réseau en après-vente, il faut aussi parvenir à faire prendre conscience au client final de notre valeur ajoutée. L'amélioration de cette perception passe indéniablement par la communication, le sourire à l'accueil du client, l'empathie envers lui, bref, divers petits détails qui, mis bout à bout, constituent un ensemble important. Je tiens beaucoup à ce que notre réseau de distribution tisse une relation chaleureuse avec le client. La proximité restant évidemment un facteur déterminant en après vente.
Le second objectif consiste à faire progresser les affaires de tous, bien sûr. Nous avons, par exemple, doublé, voire triplé dans certains cas, les taux de pénétration de contrats de services en France, ce qui est fondamental pour moi, car les contrats sont des produits de fidélisation et de satisfaction client importants. En volume, le réseau affiche 25 % de contrats de service en VP, 15 % en VUL, et 45 % en PL, un chiffre record.
JA. Quelle est votre politique pour les véhicules de plus de cinq ans, qui, d'ordinaire, sortent du giron constructeur ?
HS. Ce sujet représente effectivement l'un de nos axes forts de réflexion. Bien entendu, je souhaite qu'un maximum de Mercedes, quel que soit leur âge, vienne dans notre réseau. Mon discours vis-à-vis des concessionnaires consiste donc à les "surmotiver", pour considérer encore plus cette clientèle. Je leur dis : "Profitez de vos efforts réalisés sur la confiance et le service au client, pour capter cette clientèle."
Et pour les aider, Mercedes-Benz France, développe un nouveau produit, baptisé SPPS, Standard Package Pricing System. C'est un système basé sur Internet, qui permettra à chaque distributeur, au plan local, de créer facilement et de façon performante, des forfaits avec ses propres tarifs, selon sa zone de chalandise. Le concessionnaire choisit ainsi les pièces qu'il souhaite proposer pour une opération d'entretien, il regarde les temps barémés, assemble le tout, et forme lui-même sa politique de prix pour le client final. Je lance également, dans un futur très proche, une action de communication via un nouveau site Internet, spécialisé dans l'après vente. Tous ces packages, ces forfaits, y seront transparents et bien expliqués. Le client final cliquera sur la région dans laquelle il veut se rendre pour faire l'opération, et il basculera de façon invisible sur le portail du concessionnaire concerné, et sur son offre spécifique.
L'idée, c'est de se mettre au même niveau de praticité, d'ergonomie que toutes les chaînes de type fast-fitters, qui basent leur compétitivité sur la communication, les prix chocs. Mais le site contiendra, également, les accessoires, la boutique (modèles réduits…), les contrats de services, les assurances, les packages, et toutes nos nouvelles idées sur l'après vente. Tout cela sera opérationnel dès le début d'année prochaine.
JA. Outre l'outil SPPS, aidez-vous le réseau dans sa mise en place ?
HS. Effectivement, quand je propose au réseau de revoir sa stratégie après-vente, je lui demande de s'investir, il est donc normal que Mercedes-Benz France apporte son soutien. Tout d'abord, dans la connaissance du marché sur lequel se trouve son client. Nous proposons pour cela toute une palette d'outils géomarketing qui donnent le parc, l'âge, le potentiel pièces selon l'âge… Cet outil, développé en interne, en partenariat avec Polk, nous permet, en outre, de voir si un distributeur enregistre une sous performance par exemple, par rapport à son potentiel.
JA. Prévoyez-vous d'autres actions pour capter les véhicules sortis de la garantie contractuelle ?
HS. Oui, je veux aussi organiser, en 2010, un vrai mélange des genres, dans le sens positif du terme. C'est le cas notamment avec "Regard de pro". Il s'agit d'un service de distribution de pièces dans le réseau indépendant. Le marché est là, avec des représentants très sérieux, qui ne sont pas réparateurs agréés Mercedes. Pour autant, il ne faut pas les négliger car ils drainent une clientèle qui ne vient pas dans notre réseau, certes, mais à qui on peut vendre des pièces. Ces voitures dont on parle, doivent avoir accès aux pièces d'origine, si le réparateur et le client le désirent. Forts de ce constat, nous poursuivons la communication auprès des indépendants. Nous leur louons des appareils de diagnostic, leur offrons le catalogue pièces sur le web, ils peuvent ainsi commander, demander un avis technique, et ils peuvent même arborer un panneau "Regards de pro". On ne veut négliger personne et, si un garage utilise nos pièces dans de bonnes conditions, nous le considérons comme un professionnel.
JA. Justement, y a-t-il une politique pièces spécifiquement adaptée aux véhicules de plus de 5 ans, chez Mercedes ?
HS. Nous sommes très clairs sur ce point. Il n'y a pas deux marques distinctes, et deux qualités différentes pour les véhicules récents et ceux de plus de 5 ou 10 ans. Nous ne vendons que de la pièce d'origine. Notre tarif est d'ailleurs reconnu comme étant très compétitif, pour de la pièce d'origine. L'un de vos confrères a même comparé avec des prix sur Internet et notre écart était le plus faible.
L'autre réponse à votre question, c'est : est-ce que j'ai envie que les véhicules Mercedes de plus de 5 ans aient encore une longue vie. Je souhaite voir encore longtemps des 190 par exemple. Et pour éviter de fragiliser cette pérennité, il faut maintenir la politique de pièce d'origine, avec sa garantie. Pas de compromis.
Notre réponse au vieillissement, c'est le package, le forfait. Plutôt que de vendre au détail, on fait du semi gros, c'est-à-dire qu'au lieu de changer le coude, le collier d'échappement…, on vend le tout ensemble, on diminue la marge globale et le prix baisse pour le client final.
JA. Serait-il pertinent par exemple, de créer des contrats de services pour les véhicules de plus de 5 ans ?
HS. Nous n'avons pas vraiment de demandes pour ce type de produits. Les clients ont acheté une Mercedes un peu plus cher qu'une autre voiture. Ils attendent en retour une courbe d'obsolescence plus lente. Et, au bout de cinq ans, la voiture a épuisé ses "défauts de jeunesse", donc nul besoin de contrat spécifique. Il suffit au client de suivre le planning traditionnel d'entretien courant. Enfin, la qualité des pièces d'origine, leurs intervalles de remplacement, ne justifient pas de tels contrats. Mais techniquement, nous pourrions le faire. Cela existe d'ailleurs, en camions, jusqu'à 800 000 km, parfois. Une règle d'or : si le client/le marché le demande, nous le ferons tout de suite !
JA. Parlez-nous un peu de la logistique des pièces de rechange, qui est également de votre ressort et votre domaine de prédilection ?
HS. Nous enregistrons actuellement un taux de service de 93 % en disponibilité immédiate. En disponibilité à un jour, on arrive à 98 % et pour J+12 h, on fait 99 %. Cette réactivité est notamment due au dynamisme dont nous avons fait preuve auprès de l'Allemagne pour disposer d'un second centre logistique en France, basé à Valenciennes, qui couvre aussi la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas… C'était parfaitement justifié, par la taille du pays, la rapidité de déplacement, la volonté croissante de Just in time… L'investissement a représenté pas loin de 40 millions d'euros, mais les résultats sont là. A part l'Allemagne, justement, qui utilise 4 sites de stockage, nous sommes le seul pays d'Europe à exploiter 2 centres (Etoile sur Rhône et Valenciennes). Nous travaillons sur le modèle d'une logistique "camion". Ce qui signifie que nous mettons tout en œuvre pour que les bonnes pièces arrivent au bon moment. Cela paraît une évidence, mais mérite une explication. En termes d'enjeu économique, il est souvent bien plus grave qu'un client camion ait un véhicule en panne, plutôt qu'un client voiture. Son chargement peut, en effet, se révéler périssable, les tournées doivent être modifiées, le camion ne s'amortit plus quand il est immobile… Tout cela peut donc présenter des conséquences dramatiques au plan financier. Donc, obligation de résultat très rapide. C'est donc notre expertise de la logistique PR poids lourds, qui a amené notre qualité de logistique PR dans le VP. Avec un fonctionnement identique et la même rigueur. Par exemple, si, sur une requête, on ne trouve pas la pièce immédiatement en France, le centre logistique la cherche, partout en Europe. Quitte à la rapatrier en taxi ou même en avion. Et si le caractère d'urgence se révèle encore plus extrême, dans le cas d'une ambulance immobilisée par exemple, il nous est même arrivé d'affréter un hélicoptère. Nous disposons en effet, d'une option logistique capable de s'affranchir de la notion de coût. C'est assez proche de ce qu'on pourrait faire dans le secteur pharmaceutique, pour la logistique d'un médicament vital pour une personne.
JA. Peut-on faire un bref point sur la situation du CTRC de Stains ?
HS. Stains présente actuellement 70 000 heures de facturation en carrosserie peinture, et 27 000 heures en mécanique, avec 100 personnes qui travaillent sur le site, pour un chiffre d'affaires qui se monte à environ 16 millions d'euros.
Le seuil de rentabilité du Centre Technique de Réparation et de Carrosserie est aujourd'hui atteint, et il l'est d'autant plus depuis que nous avons ouvert le site aux clients en direct, en plus de l'activité de transfert initiale, qui servait à désengorger les sites parisiens.
Dans l'atelier mécanique, le centre enregistre maintenant 70 % de clients directs, notamment les taxis, qui apprécient la proximité de Roissy, les parkings…
En carrosserie peinture, le centre accueille autour de 30 % de clients directs, ce qui est déjà énorme, car nous n'avons jamais fait de publicité autour de ce site ! Et, conséquence de ces chiffres encourageants, en 2008, Stains présente un bilan à -1 % pièces et MO, ce qui est une belle performance compte tenu du contexte. Et, si la fin de l'année confirme nos attentes, je peux espérer voir 2009 au même niveau, ce qui serait, cette fois, un exploit dans une situation économique encore dégradée.
Au rang des activités, "l'oldtimer", la rénovation de véhicules anciens, nous occupe beaucoup sur place. Nous avons énormément de demandes, à tel point que les clients ont parfois environ 6 mois d'attente. Nous récupérons même des clients qui faisaient faire leurs rénovations en Allemagne auparavant, et qui font désormais appel à nous pour la qualité du travail. Sans compter qu'une restauration complète peut coûter jusqu'à 30 % moins cher à Stains…
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