50 000 emplois perdus dans les services en 2035 ?
En septembre 2020, l’Observatoire des métiers de l’automobile (OBSA) publiait une étude sur l’impact des changements de motorisations sur l’activité et l’emploi dans les services automobiles. Une modélisation réalisée à l’époque selon trois hypothèses d’évolution des motorisations des véhicules vendus à l’horizon 2026 et 2036. Las, le paquet Climat de la Commission européenne est intervenu entre‑temps, le 14 juillet 2021, faisant voler en éclats les scénarios de modification du parc automobile en France. L’OBSA a donc décidé de revoir sa copie.
Nouveau scénario
"Notre nouveau scénario s’appuie désormais sur une fin rapide du thermique, une radicalisation politique sur le sujet et des industriels qui adoptent le standard électrique et "tuent" le thermique. C’est un scénario extrême, mais que nous devions étudier afin de mieux comprendre les conséquences de cette évolution plus rapide que prévu sur l’emploi dans les services automobiles", explique Jocelyn Gombault, responsable de projet de l’Anfa pour le compte de l’OBSA.
Les derniers chiffres du marché automobile en 2021 ne peuvent que donner raison à cette nouvelle analyse. En effet, les ventes de véhicules électriques ont représenté 9,8 % des immatriculations de VN, soit 162 106 unités, auxquelles doivent s’ajouter 141 012 voitures hybrides rechargeables (8,5 % des immatriculations) et 286 525 hybrides non rechargeables (17,3 % du marché). Cinq ans plus tôt, la part cumulée des motorisations hybrides et électriques n’était que de 5,1 %.
1,8 million de véhicules
Restait à savoir sur quel volume de marché les projections devaient s’appuyer. Pour 2022, les prévisions sont encore faibles (1,7 million), avant de remonter en 2023, entre 1,8 million et 2 millions d’unités. Mais dès 2025, ce scénario "très électrifié" prend comme base une répartition des ventes qui laisse peu de place aux véhicules thermiques. L’OBSA estime qu’à cette date, le marché sera composé de 800 000 véhicules électriques, 200 000 hybrides rechargeables et 200 000 hybrides non rechargeables. Il ne resterait alors que 600 000 à 800 000 véhicules thermiques mis à la route.
"Selon nos projections, le parc automobile sera stagnant, voire en légère décroissance avec 40 millions de véhicules au maximum. Avec des effets contradictoires sur les services en général et la réparation et l’entretien en particulier", poursuit Jocelyn Gombault.
Tout d’abord, le vieillissement du parc automobile va bénéficier aux MRA. En passant de 11 ans d’âge moyen en 2021 à 11,3 en 2025, puis 12 ans à l’horizon 2035, la composition du parc, pour la très grande majorité avec des véhicules thermiques, protégera ces acteurs. Mais après 2025, la part des électriques et hybrides va monter en puissance pour atteindre 39 % du parc roulant en 2035.
Une perte de 8 milliards d’euros de CA après‑vente
Mais les distributeurs sont en première ligne des effets d’une forte poussée des véhicules électriques. La baisse des heures de main‑d’œuvre dans l’après‑vente pourrait atteindre les 15 % dans les quinze prochaines années, avec une chute de chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros (‑21 %) dans ce même laps de temps pour tomber à 38 milliards d’euros.
Cette baisse n’est pas linéaire. La contraction du chiffre d’affaires est d’abord lente : environ ‑1,8 milliard d’euros entre 2020 et 2025, puis ‑1,7 milliard d’euros entre 2025 et 2030, avant de chuter de 3,3 milliards d’euros entre 2030 et 2035.
En 2035, si les véhicules électriques pèsent 39 % du parc, ils ne comptent que pour 28 % de l’activité de l’après‑vente. Et les dépenses moyennes par véhicule se réduisent de 19 %.
Dans ce nouveau scénario, la part de marché des réseaux de marque passe de 30 à 26 % entre 2020 et 2035. Avec 60 % des entrées en atelier composées de véhicules électriques, ce sont les premiers à pâtir de cette nouvelle répartition du marché. Les réseaux indépendants restent stables, mais voient leur chiffre d’affaires amputé de 10 %. Enfin, la part de marché des MRA progresse en passant de 33 à 37 %, même si la baisse de chiffre d’affaires se ressent à hauteur de ‑2 %. Par ailleurs, parmi les véhicules électriques mis à la route, beaucoup possèdent des aides à la conduite qui feront augmenter le panier moyen par véhicule entretenu.
On considère ainsi qu’un véhicule électrique coûte 363 euros par an en après‑vente, mais en 2035, cette montée en gamme ferait grimper la facture moyenne à 572 euros. Par comparaison, la valeur moyenne pour un véhicule essence atteint 811 euros et 1 061 euros toujours par an pour un diesel.
50 000 emplois perdus
Dans la première étude réalisée, l’OBSA faisait observer que la branche des services de l’automobile pourrait perdre 30 000 emplois dans les quinze années à venir. Dans cette nouvelle projection, ce sont près de 50 000 postes qui pourraient disparaître.
"Ces dernières tendances sont très claires et témoignent d’une vérité aveuglante : la distribution et les services de l’automobile n’échapperont pas à la nette accélération des mutations à l’œuvre. Aucun acteur n’est immunisé à l’égard d’une métamorphose globale du marché et des modèles économiques et il est de ce fait urgent que l’État en prenne toute la mesure en assumant également ses responsabilités. Les risques sur l’emploi, qui peuvent s’avérer plus importants que prévu, sont en partie le résultat des choix politiques qui ont été opérés. Avec les impacts évalués au niveau de l’industrie, le cumul des risques est particulièrement élevé en termes de coût social", observe Xavier Horent, délégué général de Mobilians.
Pour les deux tiers de ces emplois perdus, la cause majeure serait le changement de motorisation et le vieillissement du parc.
Mais d’autres phénomènes doivent également être pris en compte : la baisse du kilométrage parcouru, la fiabilité des véhicules et la diminution des pas d’entretien. À ce titre, la baisse du kilométrage parcouru est assez impressionnante. De 13 759 km en 2001, les Français sont passés à 11 924 km en moyenne en 2019. Sans parler des chiffres de 2020 qui tombent à 9 882 km par véhicule et par an, à cause des périodes de confinement instaurées par le gouvernement lors de la crise sanitaire.
Pour autant, la baisse de ces emplois ne signifie pas non plus des plans massifs de suppression de postes comme nous l’indique Jocelyn Gombault. "La population des mécaniciens sera sans doute la plus affectée par l’électrification du parc, mais dans le même temps, cette dernière vieillit et le nombre de départs en retraite va augmenter. 2,6 % par an de ces salariés quitteront naturellement leur fonction entre 2020 et 2030", estime‑t‑il.
Tout n’est donc pas noir dans ce scénario. D’autant que les carrossiers seraient assez peu affectés, car les véhicules électriques sont, de manière générale, plus accidentés que les thermiques comme nous l’enseignent les statistiques des compagnies d’assurance suédoises. Enfin, ces chiffres bruts ne présagent pas de la manière dont les distributeurs vont s’emparer d’autres déploiements et notamment des activités de mobilité et de véhicules d’occasion.
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