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Via ID : "Le MaaS nous intéresse au plus haut point"

Publié le 24 octobre 2018

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Fidèle au salon Autonomy, ViaID a une nouvelle fois fait étalage de sa diversité. Plus que jamais son rôle d'agrégateur de savoir-faire dans le domaine de la mobilité a attiré les visiteurs. Jean-François Dhinaux, le directeur de la stratégie de ViaID, est revenu sur une décennie d'accompagnement des start-up et sur la ligne directrice qui s'impose désormais.

 

Tout d'abord, faisons un focus sur Xee, cette start-up que ViaID incube depuis ses débuts et qui vient d'opérer un changement ambitieux. Comment percevez-vous cette rotation ?

Jean-François Dhinaux.  ViaID est l'actionnaire historique de Xee et nous nous en félicitons. Ils ont connu une longue période de R&D, rendue possible par une confiance solide de notre part. Nous avons compris que le marché du BtoC n'existe pas, car dans une société qui fait désormais attention à l'usage, force est d'admettre que le consommateur n'y voit pas l'intérêt. L'usage, en réalité, repose sur un schéma BtoBtoC et, dans ce registre, Xee équipe tous les leaders du service après-vente, en attendant d'autres marques, comme Speedy depuis tout récemment. Ce n'est donc pas un pivot, mais un approfondissement de la verticale métier qui est maîtrisée par toutes ces années d'expertise.

 

Quels sont les nouveaux champs ?

J-FD. Xee sera capable de libérer ou de générer de la donnée depuis n'importe quel véhicule du parc roulant, du deux-roues à l'engin de chantier, selon des cahiers des charges déterminés par les clients et sans forcément avoir recours à son propre boîtier. Le besoin peut être formulé par les services techniques ou les responsables métier. La plateforme va s'adapter et apporter de la valeur par le service, car aucun acteur en Europe ne détient une réserve de données riches aussi volumineuse que celle de Xee. 

 

Comment ViaID va-t-il aider Xee à aller plus loin ?

J-FD. Nous allons essayer de leur amener de l'intelligence et de la connexion avec les acteurs de la ville intelligente. Des contacts sont nés des études de projets en cours de préparation.

 

ViaID s'est fait une place de choix dans le paysage, quel bilan tirez-vous ?

J-FD. Nous avons bientôt 10 ans. Ce qui représente beaucoup sur notre marché, car nous étions précurseurs dans ce mouvement de connexion entre les start-up et un grand groupe. Nous sommes un mix entre un fonds d'investissements, un Corporate Venture et un accélérateur, soit un pur financier qui investit sur du long terme, sur du patrimoine. Notre rêve n'est pas de sortir des entreprises en faisant une substantielle plus-value, mais de voir chacune de nos start-up devenir une référence de son domaine, relatif aux nouvelles mobilités. Notre mission consiste donc à faire de Mobivia l'actionnaire important des chefs de file de la mobilité.

 

Il y a dix ans, le contexte était tout autre…

J-FD. L'iPhone fêtait ses 2 ans et avec lui le modèle économique des applications. Les jeunes commençaient à repousser l'âge d'obtention du permis. L'économie du partage animait les réflexions du moment. Ce foisonnement a donné naissance à notre structure, qui constitue un second pilier au groupe Mobivia, déjà acteur principal de l'entretien. Dix ans plus tard, nous avons un portefeuille de start-up dans lesquelles nous avons investi. Certaines sont devenues des incontournables, telles que Drivy, Heetch, Smoove, certaines sont en pleine accélération, comme Trusk sur la livraison du dernier kilomètre, Swiftly sur l'optimisation du trajet des bus ou Ector sur les valets de parking. Et certaines entament le phénomène de montée en puissance, à l'instar de Félix et Cyclofix, le service de réparation de vélo à la demande. Ce n'est qu'un bilan intermédiaire, nous sommes fiers du travail accompli, mais il faut rester humble car la route est encore longue.

 

Que reste-t-il à accomplir ?

J-FD. La mobilité est devenue un des secteurs les plus appétissants, pour un grand nombre de personnes. Plusieurs raisons à cela : c'est un besoin vital, il y a une pression sociétale croissante et les solutions de demain ne sont pas d'ajouter des infrastructures, mais d'optimiser les ressources existantes, en exploitant mieux les transports publics, puis en les conjuguant à des nouvelles formes de mobilité et en plaçant de la technologie au-dessus pour améliorer l'expérience utilisateur en l'amenant vers de la mobility-as-a-service. L'efficience et la durabilité au service des déplacements sont les deux enjeux à garder dans le viseur.

 

Mobility-as-a-Service ou MaaS, dans le jargon, le terme est lâché. Il est dans toutes les conversations du salon Autonomy, mais ce concept se concrétise-t-il pour autant ?

J-FD. Dans notre métier, on a coutume de dire des projets qu'ils sont "early stage", pour décrire les prémices. Cela pourrait être transposé à l'état d'avancement du MaaS, ce domaine qui nous intéresse au plus haut point, car si des moyens de locomotion sont rendus possibles par les technologies, il faut concevoir une expérience utilisateur qui en facilite les utilisations. Pour comprendre, faisons une analogie avec un autre secteur, celui de l'e-commerce. Au début des années 2000, il apparaissait une dizaine de nouveaux sites par semaine. Ce qui a engendré les comparateurs d'offres, puis les places de marché ensuite. La mobilité suit le même chemin. La phase de foisonnement a fait naître moult services que des agrégateurs comme Citymapper ont fédéré en une interface. La prochaine étape sera de renseigner sa carte bancaire pour ne pas avoir à passer d'une application à une autre. La voie est toute tracée, mais le cycle est compliqué.

 

Pourquoi est-ce si compliqué ?

J-FD. Le passage à l'échelle, d'abord, et la sécurité des usagers, ensuite. Il faut des garanties et des assurances pour convaincre le public, comme on a pu le voir avec les services de covoiturage. Le monde de la mobilité est un écosystème qui a besoin de faire bouger trois secteurs, les start-up qui amènent l'innovation, les grandes entreprises qui maîtrisent les services historiques et les territoires qui conservent leur rôle de donneur d'ordre, de régulateur et de financeur des moyens de transport. Si on ne fait pas coïncider ces trois éléments, alors on s'expose à des tsunamis. Rappelons-nous qu'il y a un an, les vélos partagés en flotte libre de GoBee Bike ont débarqué dans les villes françaises, suivis par d'autres opérateurs. Quelques mois après, s'amorçait la phase de reflux, laissant derrière elle des cadavres de bicyclettes.

 

Il en reste toutefois quelque chose de constructif, ne pensez-vous pas ?

J-FD. En effet, il en reste une législation qui évolue. Il en reste une idée de free floating intéressante et les opérateurs ont appris qu'on ne peut arriver de manière trop violente en Europe, au risque d'être rejeté par l'écosystème. En tant qu'acteur fort d'une vision à long terme, nous ne spéculons pas sur de tels phénomènes, aussi attractifs soient-ils. Mais pour revenir sur le sujet de fond, le MaaS, il faut impliquer les transports publics, c'est-à-dire négocier des contrats de très longs termes, puis encourager un élan d'ouverture des données et une digitalisation du parcours d'achat jusqu'à l'utilisation elle-même du billet. Les acteurs historiques ne sont pas forcément fermés à cette évolution, mais ces changements entraînent une modification de leur équation économique inscrite dans les contrats signés avec les villes. Ni les territoires ni les opérateurs ne sont responsables de cette problématique.

 

D'aucuns dénoncent l'impact des contrats de délégation de service public sur l'innovation, partagez-vous ce point de vue ?

J-FD. Elle atteint en partie ses limites. Elle doit ouvrir la porte à des champs d'expérimentation. Nous avons soutenu cette idée durant les Assises de la mobilité pour permettre à des usages d'exister. La future Loi d'orientation des mobilité (LOM) ira dans ce sens, en respectant les modèles économiques existants. Par ailleurs, il convient de respecter les étapes naturelles de développement progressif. Il faut un niveau de maturité suffisant pour amener les populations à lâcher leur voiture.

 

Epousant cette vision, quel genre de start-up cherchez-vous chez ViaID ?

J-FD. Durant toutes ces années, nous avons assemblé des briques de moyens de transport. Désormais, il est question de plateforme, de planification de trajet, de réservation et de billetterie, mais aussi d'agrégation d'offres. Les places de marché fonctionnent grâce au métier des agrégateurs. La mobilité voit émerger cette fonction et nos investissements anticipent ces mouvements, à l'instar de nos dernières start-up en date, Mobeelity et Webreathe.

 

Pouvez-vous nous en dire davantage ?

J-FD. Beaucoup de services de mobilité ont débuté par le BtoB. Uber a eu comme premiers clients des professionnels en déplacement, peut-on dire. Avoir une plateforme qui agrège les moyens de transport des collaborateurs présente un intérêt. Raison pour laquelle nous accompagnons Mobility depuis quelques semaines. C'est aussi le cas de Webreathe, une jeune pousse amiénoise qui s'est spécialisée dans le comptage de voyageurs à bord des véhicules de transport.

 

ViaID a tissé un réseau international, quelles sont les actualités ?

J-FD. Nous venons de signer, il y a quelques jours à peine, un accord avec une société du nom d'Ivéo. Elle nous permettra d'avoir une veille sur l'innovation technologique et les opportunités qui se présentent au Canada. Nous fréquentions les mêmes grands rendez-vous, ce partenariat tombe donc sous le sens. C'est une logique d'optimisation des ressources au bénéfice de nos start-up.

 

Le bureau de Singapour a favorisé votre entrée chez Go-Jek, qu'en est-il de celui de Berlin ?

J-FD. Nos responsables d'implantations ont avant-tout un devoir de veille. Les investissements ne sont pas des indicateurs majeurs de leur performance. Le bureau de Berlin nous permet de suivre l'actualité du nord et de l'est de l'Europe. Toujours est-il qu'une prise de participation pourrait se faire dans les mois à venir. 

 

Justement, dans les mois à venir, quels sont les chantiers à livrer ?

J-FD. Nous allons relancer le prix européen des start-up avec la député européenne Karima Delli. Ce prix contribue à rapprocher les entrepreneurs des institutionnels. Pour sa part, ViaID va accélérer à l'international. Nous allons donner des moyens à nos bureaux, réaliser des prises de participation à l'étranger et favoriser l'exportation de nos entreprises françaises.

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