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Présidentielle 2022 - Valérie Pécresse (LR) : "Je veux donner à la France les moyens de rester un grand pays automobile"

Publié le 16 mars 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
10 min de lecture
[Abonnés] La candidate Les Républicains (LR) à l'élection présidentielle, Valérie Pécresse, a répondu aux questions du Journal de l'Automobile afin de mieux connaître la place de la mobilité dans son programme. Au menu : hybride, impôts de production et permis à 16 ans.
Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l'élection présidentielle. (Photo tirée de l'affiche de campagne de la candidate)

Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement à la mobilité ?

Valérie Pécresse : Une place importante, à la hauteur de l’enjeu pour chacun des Français ! La mobilité est au cœur de notre vie quotidienne et aucune des dimensions de la vie des Français - je pense notamment au travail, à la recherche d’emploi, à l’accès aux soins ou encore à la culture et aux loisirs- ne peut être abordée sans penser à la mobilité. Quant à la voiture, elle est non seulement le moyen de transport quotidien pour une vaste majorité des Français mais aussi une filière industrielle qui pèse 400 000 emplois en France, et près du double si l’on y ajoute les activités de service.

 

J.A. : L’Union européenne souhaite interdire la vente de moteur thermique en 2035. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives qui pourraient permettre de diminuer l’usage du thermique en dehors de l’électrification ?

V.P. : L’Union européenne est dans son rôle lorsqu’elle fixe un objectif à atteindre sur le plan des émissions des véhicules, mais elle doit rester neutre sur la question des technologies. A minima, elle doit prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des véhicules. Pourquoi interdire par exemple les hybrides rechargeables dès 2035 si leur coût carbone est inférieur à celui d’un véhicule 100 % électrique ?

 

J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?

V.P. : Je n’y crois absolument pas. Plus de 80 % des déplacements des Français se font aujourd’hui en voiture. Quant aux milliers d’emplois de la filière automobile, je ne fais pas partie de ceux qui acceptent leur disparition.

 

J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’électrique ? Considérez-vous que ce soit l’avenir de l’automobile et d’un monde décarboné ?

V.P. : Je dis oui à la voiture électrique : mais son coût est encore hors de portée pour nombre de concitoyens et le réseau de bornes de recharge n’est pas là ! Compte tenu de l’ampleur du défi que nous avons à relever, je pense que le plus important dans l’immédiat est de laisser ouvert le champ des solutions, notamment vis-à-vis des véhicules hybrides conçus en France. C’est un enjeu de coût des véhicules et l’objectif est que le plus grand nombre de Français puisse rapidement s’équiper.

 

"Il faut laisser ouvert le champ des solutions, notamment vis-à-vis des véhicules hybrides conçus en France"

 

J.A. : Connaissez-vous le rétrofit qui consiste à électrifier un véhicule thermique ? Lui accorderez-vous une place dans votre programme?

V.P. : Non seulement je connais, mais je le soutiens activement ! L’an dernier, la région Ile-de-France a mis en place une prime de 2 500 euros sur le rétrofit, afin d’encourager le passage à l’électrique. Il s'agit un secteur que j’aimerais voir se développer sur l’ensemble du territoire français.

 

J.A. : Les véhicules hybrides auront-ils encore une place dans un avenir décarboné ?

V.P. : Je pense qu’il faut fixer un objectif de décarbonation ambitieux, mais laisser aux constructeurs le soin de choisir les technologies. L’hybride a toute sa place en France s’il permet la transition progressive de notre appareil industriel tout en préservant nos emplois.

 

J.A. : Le bonus écologique va être raboté au mois de juillet 2022. En parallèle, l’étau se resserre pour les propriétaires de véhicules thermiques. Quelles sont les aides que vous pourriez apporter aux automobilistes et entreprises pour effectuer leur transition vers l’électrique ? Quelles perspectives pour la prime à la conversion?

V.P. : Je reviendrai sur le rabot prévu en juillet sur le bonus écologique qui doit être maintenu pour continuer à encourager l’acquisition de véhicules propres. Il faudra ensuite déterminer comment ajuster ces aides en fonction de l’évolution des prix et des ventes. Notre grand défi est celui de cette transformation progressive de notre parc de véhicules et l’Etat doit être au rendez-vous, tant au niveau des aides aux ménages que pour soutenir nos constructeurs.

 

J.A. : Vous, présidente de la République, que proposez-vous pour décarboner l’automobile ?

V.P. : Je vais bien évidemment poursuivre les aides à l’acquisition de véhicules propres, qui sont un maillon essentiel de la réussite de la décarbonation de l’automobile. Mais l’un des grands enjeux consiste à accompagner cet essor du véhicule électrique par la réalisation d’un réseau maillé de bornes électriques. C’est le principal frein à l’achat aujourd’hui. Le gouvernement avait promis 100 000 bornes électriques sur le domaine public à fin 2021 et a réalisé à peine la moitié de cet objectif. Je lancerai un plan d’investissement massif pour la réalisation de bornes rapides et ultra-rapides sur les grands axes de notre réseau, mais j’encouragerai aussi leur développement dans les copropriétés. Il faut rassurer les Français sur le fait qu’ils pourront recharger facilement leurs véhicules, pour tous leurs trajets.

 

"Je lancerai un plan d’investissement massif pour la réalisation de bornes rapides et ultra-rapides sur les grands axes de notre réseau"

 

J.A. : Comment jugez-vous la politique industrielle actuelle pour soutenir l’approvisionnement en composants à risques ?

V.P. : Depuis deux ans, les annonces du gouvernement se multiplient, mais les pénuries persistent ! L’industrie automobile française est l’un des seuls secteurs qui n’a pas bénéficié d’un rebond de la demande en 2021 : la production est restée aux niveaux de 2020 et la pénurie de semi-conducteurs l’explique en partie. Il y a aujourd’hui un risque que nos capacités de production soient durablement revues à la baisse.

 

J.A. : Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?

V.P. : Mon objectif est d’agir significativement sur le niveau de la fiscalité des entreprises : nous ne pouvons pas continuer de prétendre vouloir réindustrialiser notre pays tout en maintenant des impôts qui n’existent nulle part ailleurs ! J’ai dit que je voulais m’attaquer aux impôts de production (10 milliards de baisse dès la première année de mon mandat) car ils sont pour moi l’incarnation d’un système anti-économique qui handicape le redémarrage de notre économie. Mais je souhaite aussi moderniser l’administration et simplifier, voire supprimer quand c’est possible, pour réindustrialiser la France. Je veux aussi que l’Etat retrouve son rôle de pilotage de l’innovation industrielle : cela passe par un fléchage de l’argent public vers les technologies et les industries prometteuses.

 

"Je vais m’attaquer aux impôts de production (10 milliards de baisse dès la première année de mon mandat)"

 

J.A. : Le gouvernement a lancé un plan de développement de l’hydrogène décarboné. Comptez-vous poursuivre cette ambition ?

V.P. : L’hydrogène est un vecteur qui jouera un rôle dans la décarbonation des mobilités, mais a priori davantage pour les poids-lourds, les bus, ou les flottes de taxis et VTC qui ont besoin de rouler très régulièrement avec des recharges rapides. Je souhaite donc accompagner la mise en œuvre d’électrolyseurs de grande capacité et d’un réseau de distribution axés sur ces besoins spécifiques de mobilité, en lien bien évidemment avec les industriels.

 

J.A. : Le GPL est un carburant peu médiatisé, pensez-vous qu'il puisse être une alternative à l'essence ?

V.P. : Le GPL fait partie des alternatives, de même que le GNV, ce dernier ayant notamment bien percé pour tout ce qui concerne les poids lourds et les bus. Je reste toutefois sur la même ligne. Le politique doit donner un cap, fixer un objectif. Ce n’est en revanche pas à lui, mais aux industriels, qu’il appartient de définir les technologies qui permettront de répondre à cet objectif.

 

J.A. : L'accès au permis de conduire est un passeport pour l'emploi, notamment pour les jeunes, quelles actions proposez-vous sur ce sujet ?

V.P. : L’absence de permis de conduire est souvent un véritable frein à l’entrée dans la vie active pour de nombreux jeunes. Malgré plusieurs réformes, l’obtention du permis reste encore trop souvent un parcours du combattant. Je souhaite le permis de conduire pour tous, en abaissant l’âge de passage à 16 ans, en supprimant la surprime d’assurance pour les jeunes et en permettant d’apprendre le code dès le collège. On doit pouvoir évaluer la dernière réforme de 2019 et engager un dialogue, en association étroitement les auto-écoles, pour voir si nous pouvons aller plus loin et simplifier davantage dans l’intérêt de nos jeunes.

 

"Je souhaite le permis de conduire pour tous, en abaissant l’âge de passage à 16 ans"

 

J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence, de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôles que d’alternatives ? Et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accroc ?

V.P. : Ce sujet des ZFE me préoccupe beaucoup car cette mesure, si elle est parfaitement légitime sur le plan de la lutte contre la pollution de l’air, est profondément anti-sociale dans ses conséquences. Dans ma région, plus de 50 % des habitants de certains territoires en Seine-Saint-Denis, en Seine-et-Marne ou dans le Val d’Oise, ont des véhicules qui seront exclus de Paris et de la première couronne à très brève échéance. Ce sont les plus modestes qui vont être frappés par la mise en œuvre de ces ZFE avec des échéances extrêmement rapides. Je ne veux pas faire rimer écologie avec exclusion. C’est pourquoi la priorité est d’accompagner les Français qui souhaitent changer de véhicule.

 

J.A. : Certains candidats souhaitent limiter la vitesse sur les autoroutes. Êtes-vous en accord avec cette proposition ? Si non, pourquoi ?

V.P. : Je ne souhaite pas imposer de nouvelle limitation de vitesse sur les autoroutes françaises. Ce type de mesure braque inutilement les Français et génère de fortes oppositions qui discréditent le combat pour la transition énergétique, le tout pour des gains limités par rapport à d’autres mesures.

 

J.A. : Mesures en faveur du covoiturage, de l'autopartage, de la location, etc. Quelle politique comptez-vous mener dans ce cadre ? Souhaitez-vous renforcer le Forfait Mobilité Durable ? Comment faire passer ces nouvelles mobilités à l'échelle territoriale, alors qu'elles sont surtout cantonnées aujourd'hui aux métropoles ?

V.P. : C’est un point très important dans le cadre de ma politique des transports. Il est crucial d’encourager les mobilités partagées. Le forfait "mobilité durable" que j’ai mis en place en Ile-de-France est une bonne mesure, mais il est encore insuffisamment connu des entreprises. Concernant le covoiturage, le plus important est de développer  massivement les voies réservées, notamment sur les autoroutes. Le covoiturage marche sur longues distances comme le montre la réussite de Blablacar, mais pour les trajets du quotidien, seul un gain de temps grâce à une voie dédiée plus rapide permettra de motiver les conducteurs à ouvrir leurs portières. Je compte aussi encourager le covoiturage et l’autopartage sur tous les territoires, ce qui impliquera sans doute des aides au démarrage de la part de l’Etat ou des collectivités locales.

 

J.A. : Un important tissu de start-up de la mobilité existe en France et innove pour transformer les mobilités. Quelle politique mènerez-vous pour soutenir ces innovations et pour faire naître des licornes françaises ?

V.P. : L’industrie automobile française est à un tournant de son histoire ; elle va devoir se réinventer durant la prochaine décennie et aller vers des technologies qui sont absolument stratégiques pour son avenir, comme par exemple la conduite autonome. Je veux donner à la France les moyens de rester, dans le futur, un grand pays automobile. Je veux redonner à l’Etat la capacité de pouvoir mener une véritable politique de soutien à la R&D et aux industries naissantes. Mais je souhaite également redonner des outils aux collectivités, et notamment aux régions, pour agir au plus près des industriels locaux et des bassins d’emploi.

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