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Présidentielle 2022 - Jean-Luc Mélenchon (LFI) : "L'électrique n'est pas la seule solution"

Publié le 22 mars 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
8 min de lecture
[Abonnés] Emilie Marche, responsable Transport dans la campagne présidentielle de La France Insoumise, a répondu aux questions du Journal de l'Automobile afin de mieux connaître la place de la mobilité dans le programme de Jean-Luc Mélenchon.
Émilie Marche, responsable du volet Transport dans la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, et conseillère régionale de la région Auvergne-Rhône-Alpes

Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement, à la mobilité ?

Émilie Marche : La mobilité et les déplacements sont une nécessité. Pour nous, ces thématiques doivent être un service public.  Nous sommes pour le retour du monopole de la SNCF et nous souhaitons abroger la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Nous sommes aussi en faveur de politiques incitatives avec un vrai financement sur un plan vélo. Il faut un développement et de l'aide, en lien avec les collectivités locales, pour amplifier et développer les transports en commun. Quant à la place de l'automobile, nous sommes favorables à une réduction de l'usage individuel de la voiture. Cette dernière engendre pollution et bouchons. On ne me fera pas croire que c'est un plaisir pour les Français, de se retrouver tous les jours une heure, voire plus, dans les bouchons. D’autant plus que ces derniers entraînent de la pollution, entre les pneus ou encore les plaquettes de frein. Donc il faut vraiment investir dans le développement des transports en commun. Mais tout le monde n'aura pas une gare à proximité. Donc nous proposons des parkings relais, reliés à des transports en commun, à l'entrée des grosses agglomérations, en remettant une incitation sur l'abonnement des transports. Nous souhaitons aussi aider et développer le covoiturage via des plateformes et des politiques publiques. De même pour l’autopartage, parce qu'il y a des personnes qui en ont besoin. Je pense à celles et ceux qui sont privées d'emploi, mais aussi aux jeunes, ils n’ont pas toujours les moyens d'avoir une voiture. Nous avons tendance à l’oublier, mais avoir un véhicule, c'est aussi un coût ! Entre 5 000 et 7 000 euros par an.

 

J.A. : D’ici à 2035, l’Union européenne souhaite abolir le thermique. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives potentielles qui pourraient permettre de diminuer l’usage du thermique en dehors de l’électrification ?

E.M. : Comme d'habitude, il s’agit d’une décision qui a été prise sans concertation avec le secteur de l'automobile et le monde de la recherche. Pour commencer, si nous voulons abolir le thermique, il faut interdire les ventes... Or, il y a en toujours sur le marché. Dans la catégorie des véhicules thermiques, l'hybride est inclus, alors que cette motorisation peut être une solution. De toute façon, nous ne croyons pas, au niveau de l'automobile comme du transport logistique, a une solution miracle. Nous croyons davantage en un mix énergétique parce que nous ne pourrons pas tout remplacer par des véhicules électriques. En arriver-là, engendrerait d'autres problèmes en matière de pollution puis, en termes d'infrastructures, notamment par le manque de bornes de recharge. Par ailleurs, si nous remplaçons le parc actuel par des modèles électriques, la demande en électricité risque d’exploser. Ce qui pose des problèmes par rapport à notre production. Personne ne parle de ce sujet parmi ceux qui font la promotion du tout électrique.

 

Concernant les solutions alternatives potentielles, nous voulons créer un Haut-commissariat à la planification écologique, parce qu'il y a encore besoin de faire de la recherche à ce sujet. Nous n’avons pas de solution miracle. Par exemple, nous pourrions étudier comment traiter les huiles végétales usagées qui ont été utilisées pour l'agriculture et qui peuvent être recyclés pour un usage automobile. Il y a aussi la question du gaz naturel ou encore de l'hydrogène. D’ailleurs, concernant ce dernier, pour le moment dans l’automobile, lorsque nous parlons avec les représentants de la filière, ce n'est pas encore mature, en particulier pour une utilisation à grande échelle.

 

J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?

E.M. : Non, ce n'est clairement pas possible. Il y a des personnes qui ne pourront pas faire autrement vis-à-vis de leur travail. Si je prends par exemple les aides à domicile, face au vieillissement de la population, comment vont-elles faire pour se déplacer sans voiture ? Et puis il n’y a pas que des citadins en France. Une personne qui vit à la montagne ne peut pas se déplacer sans véhicule. Le vélo, c'est bien, mais dans une côte de 12 %, c’est une autre histoire. Il faut réfléchir à comment on organise la mobilité des Français et changer les habitudes. Je tiens à rappeler que la moitié des déplacement se font à moins de dix kilomètres et ce n’est pas normal que nous ayons 46 % des Français qui se disent obligés et contraints de prendre la voiture pour aller à leur travail, en étant seul dans le véhicule, faute de solutions alternatives.  Il ne faut donc pas contraindre et faire culpabiliser, mais plutôt offrir une solution. Auquel cas, nous risquons de revoir les Gilets jaunes investir les ronds-points. Car pour le moment, ils ne sont pas au courant des ZFE. Mais le jour où ils le seront… Moi, je le vois, je suis conseillère de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et certains me disent qu’ils n’ont même pas de solution de transport, pour aller de leur ville à la sous-préfecture.

 

J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’électrique ? Considérez-vous que ce soit l’avenir de l’automobile et d’un monde décarboné ?

E.M. : L’électrique est une solution, mais ce n’est pas la solution. Au niveau des batteries déjà, il faut des ressources en matières premières. La manière dont elles sont extraites, je parle notamment du lithium, sont loin d'être vertueuses. Surtout lorsque l'on regarde les conditions sociales de travail et les dégâts au niveau environnemental. Le tout électrique nécessite de doubler, voire de tripler notre production d’électricité. Comme nous sommes pour une sortie du nucléaire, autant vous dire que ce sera compliqué. Et puis au niveau pratique, sur le réseau des bornes rechargeables, il n'y en a pas assez. Pour recharger une voiture électrique, il faut au minimum une demi-heure. Si nous remplaçons tous les véhicules thermiques par des véhicules électriques tout en gardant le parc automobile constant... au moment des départs en vacances, sur les aires de repos, ça va être folklorique. Les bouchons, c'est pareil ! Aujourd’hui, un plein prend environ cinq minutes. Entre cinq minutes et une demi-heure, ce n’est pas la même logistique. Personne n’y pense, mais c’est un vrai sujet. Alors oui, l’électrique a sa place, mais nous sommes en faveur un mix énergétique. Nous avons besoin de planification et de réflexion avec tout le monde pour réfléchir, en fonction des usages, à ce qui est le mieux.

 

J.A. : Comment jugez-vous la politique industrielle actuelle pour soutenir l’approvisionnement en composants à risques ? Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?

E.M. : Depuis plusieurs décennies, la France n’a plus de stratégies industrielles. Nous sommes sur une économie à très court terme. Il faut remettre du temps long et faire une politique de relocalisation. Mais une réelle, pas comme le plan France Relance où l’on fait des chèques aux grandes entreprises et personne ne sait où l'argent finit. Sur l’aspect relocalisation, nous proposons le protectionnisme solidaire. Aux frontières, pour les produits qui entrent,  nous regardons la différence de salaire et les normes écologiques de production. Par exemple, entre la France et la Chine, les normes écologiques ne sont pas les mêmes. Ainsi, aux frontières, il y aura une taxe et le produit vaudra le même prix, qu’il soit en France ou en Chine. Il faut imposer à Renault et Stellantis de reproduire en France. S’ils sont taxés à un moment donné, ils vont revenir. Il nous faut une politique de stratégie industrielle qui soit juste. Nous avons un commissariat au plan, mais nous ne l'entendons pas. Nous, nous en aurons un, mais avec des objectifs sur le long terme.

 

J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôle que d’alternatives ? Et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accrocs ?

E.M. : Nous supprimerons les ZFE telles qu'elles sont mises en place aujourd’hui car nous estimons que nous allons droit vers un nouveau séparatisme social. Il y a 43 millions de véhicules impactés et tout le monde ne pourra pas changer de voiture. Nous ne pouvons pas contraindre les Français. Toutefois, nous ne pouvons pas continuer à polluer autant en agglomération. Il faut donc diminuer l’usage individuel de la voiture en développant le transport en commun. Je suis persuadé que si le réseau de transport en commun était mieux organisé, les Français le prendrait davantage. Pour ceux qui ont besoin, nous les accompagnerons et les aiderons dans l’achat de véhicules moins polluants. Actuellement, les délais sont absurdes et les réglementations différentes entre métropole sont un casse-tête. Nous entamerons dans le Commissariat au plan, la transition nécessaire et que ce soit accessible à toutes et à tous.

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