Présidentielle 2022 - Marine Le Pen (RN) : "L’argent des Français doit assurer notre indépendance et notre niveau de vie"
Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement, à la mobilité ?
Marine Le Pen : La voiture est un symbole de liberté, justement parce qu’elle a représenté un accès à une extraordinaire mobilité depuis les 30 Glorieuses pour les Français. L'automobile a permis à nos compatriotes, en ville et en ruralité, de concilier leur vie professionnelle et familiale, leurs déplacement vitaux et leurs loisirs, de gagner un temps précieux et une capacité à aller où on veut quand on veut grâce à la qualité des infrastructures. Cette liberté et ces acquis ont été remis en cause au fil des ans par plusieurs politiques néfastes. Tout d’abord, une écologie dévoyée en fiscalité punitive, qui frappe injustement les automobilistes qui ont besoin de leur véhicule. Depuis la crise pétrolière, les gouvernements auraient dû anticiper le renchérissement du pétrole et les enjeux écologiques pour proposer des solutions techniques aux Français, fondées sur les savoir-faire de nos constructeurs. Au contraire, ils ont préféré taxer jusqu’à 60 % le carburant, promu le diesel avant d’expliquer qu’il fallait y renoncer !
Cette culpabilisation a ensuite été aggravée par le racket des automobilistes. Les gouvernements harcèlent les conducteurs pour des petits dépassements de vitesse mais sont laxistes avec les vrais délinquants de la route. Au final, la voiture est devenue une dépense contrainte étouffante dans les budgets de plus en plus de ménages. Je mènerai une politique strictement contraire. Je souhaite que la voiture et la mobilité redeviennent les gages de la liberté individuelle et un moyen d’avoir une meilleure vie au quotidien. Mon engagement de baisser dès mon élection la TVA sur les énergies de 20 % à 5,5 % correspond à cette philosophie : le carburant est un bien de première nécessité, pas un luxe. Ensuite, j’accompagnerai les révolutions technologiques qui permettront d’avoir des véhicules plus propres sans faire exploser les prix.
"La voiture est devenue une dépense contrainte étouffante dans les budgets de plus en plus de ménages. Je mènerai une politique strictement contraire"
A ce titre, je pense que la filière hydrogène est bien plus pertinente à terme que les batteries électriques au lithium, qui mettent la France dans une nouvelle dépendance en matières premières. Pour ce faire, il faut rebâtir une filière automobile solide, qui produise sur le sol national et crée des emplois tout en assurant la maitrise des technologies et le savoir-faire. Je mènerai en ce sens une politique de patriotisme économique : toute l’aide publique que nous avons accordée au secteur automobile doit conduire à la relocalisation de cette industrie. La mobilité ne se résume pas à uniquement à la voiture. Il faut également développer les transports en commun, et notamment les trains. Cela répondra à un triple objectif : économique, les usagers utilisant moins leur véhicule, environnemental, le train étant un moyen de transport économe, et attractif, le réseau ferroviaire contribuant à l’intégration des territoires.
Par ailleurs, les contribuables paient des impôts et méritent à ce titre des services publics de proximité. Qu’il s’agisse de la voiture ou du train, la mobilité est liée à la politique d’aménagement du territoire. Je défends la politique que je viens de vous présenter car je pense que notre pays est fort quand il met en valeur tout son territoire de façon équilibrée.
J.A. : D’ici à 2035, l’Union européenne souhaite abolir le thermique. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives potentielles qui pourraient permettre de diminuer l’usage du thermique en dehors de l’électrification ?
M.L.P. : L’Union Européenne fait tout dans le mauvais sens. Il faut d’abord faire le point sur les technologies disponibles, les atouts dont nous disposons et le meilleur chemin pour y arriver. Le gouvernement a foncé tête baissée dans les batteries sans réfléchir une seconde à la dépendance au lithium et aux problèmes de recyclage, sans compter le coût monumental pour le consommateur. Plusieurs constructeurs, dont Stellantis, indiquent que la voiture risque de devenir trop chère pour les classes moyennes car l’Etat peut subventionner massivement l’électrique quand les ventes représentent 1 ou 5% du marché, pas 100% ! Or, les économies d’échelle permises par l’industrialisation ne compenseront pas, je le crains, l’inflation des prix des matières premières qui créeront les tensions d’approvisionnement. Par ailleurs, nous sommes en train de sacrifier nos ouvriers et notre excellence industrielle dans le thermique sans réfléchir. Il faut reprendre le dossier en partant du terrain et la préservation des emplois industriels. Je pense que la France doit plutôt investir dans la filière hydrogène, filière décarbonée et utilisable comme carburant propre que nous pouvons produire nous-mêmes sans aucune dépendance à l’étranger.
J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?
M.L.P. : Ce n’est pas l’avenir que je veux construire avec les Français. Hélas, si les Français continuent à élire des dirigeants qui les appauvrissent et ruinent leur industrie, le pire est possible mais ce serait un cauchemar, une régression sociale insupportable.
J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’électrique ? Considérez-vous que ce soit l’avenir de l’automobile et d’un monde décarboné ?
M.L.P. : La voiture électrique peut paraître propre, mais en l’état actuel, elle ne l’est pas à cause de la question des batteries, qui demande l’extraction de métaux dans des quantités non-durables. A l’échelle mondiale, l’électricité n’est pas propre. La France a ici un avantage grâce au nucléaire et aux barrages hydroélectriques mais nous sommes une exception. Par ailleurs, pour passer à l’électrique dans l'Hexagone, il faut produire 100 TWh d’électricité en plus, soit une hausse de 20 % de notre production actuelle, et la production équivalente à 8 EPR ! Je suis la seule candidate qui prévoit un plan nucléaire capable de produire une telle énergie de manière fiable car croire qu’on pourra remplacer du pétrole disponible à 100 % du temps par des éoliennes qui ne marchent qu’à 25 % et des panneaux solaires à 10 % du temps, c’est mentir aux Français. Une fois encore, l’hydrogène me parait la meilleure voie, mais je ne m’interdis pas de faire des recherches sur des batteries utilisant d’autres matériaux que le lithium, ce qui rendrait moins problématique la dépendance à quelques puissances étrangères et à l’inflation des métaux rares.
J.A. : Connaissez-vous le rétrofit, qui consiste à électrifier un véhicule thermique ? Lui accorderez-vous une place dans votre programme ?
M.L.P. : Cette alternative est séduisante mais elle est plus compliquée et onéreuse qu’il n’y parait. Elle mérite toutefois d’être étudiée mais elle ne résout pas les grandes questions que j’ai soulevées sur les enjeux technologiques entre filières thermiques, électriques et hydrogènes.
J.A. : Les véhicules hybrides auront-ils encore une place dans un avenir décarboné ?
M.L.P. : Je pense que cette alternative a été sous-estimée pour la transition car elle peut réduire considérablement les émissions et la consommation de carburant sans tout en minimisant les problèmes liés à la batterie. Cette solution a aussi le mérite de permettre une bien meilleure transition avec nos savoir-faire et nos industries dans le thermique.
J.A. : Le bonus écologique va être raboté au mois de juillet, en parallèle l’étau se resserre pour les propriétaires de véhicules thermiques. Quelles sont les aides que vous pourriez apporter aux automobilistes et entreprises pour effectuer leur transition vers l’électrique ? Quelles perspectives pour la Prime à la Conversion?
M.L.P. : Il faut lier les aides à la production en France. Les impôts des Français doivent financer l’industrie française, pas le monde entier, et encore moins les délocalisations des marques françaises. En 2021, le déficit commercial des constructeurs automobiles et des équipementiers atteint 20 milliards d’euros alors que les impôts des Français ont fait plusieurs plans de soutien au secteur. La politique suivie par Emmanuel Macron sur ce sujet est irresponsable.
"Les impôts des Français doivent financer l’industrie française, pas le monde entier, et encore moins les délocalisations des marques françaises"
J.A. : Comment jugez-vous la politique industrielle actuelle pour soutenir l’approvisionnement en composants à risques ?
M.L.P. : Cela fait 10 ans que je me bats pour l’autonomie stratégique de notre industrie ainsi que la maîtrise des approvisionnements en matières premières et composants. La crise du Covid et les conséquences de l’invasion de l’Ukraine sur les marchés des matières premières démontrent de manière tragique que la dépendance est une impasse pour toute économie qui veut assurer la liberté de ses citoyens. La France doit avoir une politique de souveraineté technologique et d’autonomie sur tous les composants vitaux pour notre prospérité, y compris en nouant des politiques à la carte avec quelques partenaires bien choisis. Ma politique industrielle sera liée à ma vision du patriotisme économique : l’argent des Français doit assurer notre indépendance et notre niveau de vie.
J.A. : Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?
M.L.P. : La relocalisation de notre industrie est au cœur de mon programme. Il faut se donner les moyens pour y arriver. La première règle, c’est la conditionnalité des aides et des marchés publics à la production en France. Je romprai avec le libre-échange déloyal au profit du juste-échange. Ensuite, je soulagerai la fiscalité des PME-TPE en supprimant la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) et certains impôts de production. Je rétablirai les primes d’aménagement du territoire pour inciter les entreprises à choisir des zones périurbaines avec des traditions industrielles fortes, délaissées depuis trop d’années mais prêtes à renaitre. J’encouragerai les jeunes à entrer dans la vie active en choisissant l’industrie en valorisant ces métiers, en donnant une prime de 200 à 300 euros par mois pour les apprentis. Enfin, je soutiendrais l’innovation, la France doit atteindre enfin en 2027 les 3 % de PIB consacrés à la R&D, et davantage ensuite pour ne pas décrocher des Etats-Unis et de l’Asie.
J.A. : Quelles actions mettrez-vous en place pour répondre à la transformation des PME et ETI des services de l'automobile face à l'impact de la digitalisation et de l’électrification : transformation des stations-service, des métiers de la réparation automobile, etc. ?
M.L.P. : J’ai défini un cadre pour la relocalisation, à laquelle j’ajouterai un allégement urgent des normes et des réglementations pour se consacrer enfin à l’essentiel. Les entreprises auront enfin un cadre clair et surtout, stable. Il est évident que l’avenir de l’automobile obligera les différents métiers qui gravitent autour à évoluer. Je souhaite que l’allégement des normes permettent aux professionnels de consacrer enfin leurs efforts d’investissements, d’innovation et de formation au développement de leur activité économique, pas à suivre les aléas de l’administration. Quand un cadre est posé, que l’Etat est fiable, l’initiative individuelle et une concurrence loyale peuvent déployer leurs effets bénéfiques. L’Etat sera aux côtés des professionnels pour anticiper au mieux les évolutions et les aider. Mais le plus grand service qu’on peut leur donner dans leur domaine, c’est une stratégie constante et stable pour éviter les interdictions surprises ou les changements radicaux en plein milieu d’un mandat, comme nous avons pu le voir Emmanuel Macron sur l’énergie.
J.A. : Le gouvernement a lancé un plan de développement de l’hydrogène décarboné. Comptez-vous poursuivre cette ambition ?
M.L.P. : J’ai été la première femme politique française à soutenir cette filière dès les années 2000. On m’a beaucoup critiqué pour cette vision avant-gardiste et maintenant, tout le monde me rejoint. Tant mieux mais il faut que les actes suivent, et Emmanuel Macron a été totalement incohérent dans ce domaine. La révolution hydrogène sera au cœur de ma politique, conjointement à la relance du nucléaire et la valorisation de l’hydroélectricité. Je mettrai fin à la gabegie des subventions aux énergies éoliennes et solaires pour consacrer nos efforts à ces politiques d’avenir. La France peut devenir la nation qui mène la révolution technologique de l’hydrogène grâce à notre puissance nucléaire. C’est un défi formidable !
"La révolution hydrogène sera au cœur de ma politique"
J.A. : Le GPL est un carburant peu médiatisé qui pourrait s’avérer être une alternative plus écologique à l’essence. En avez-vous connaissance ? Pensez-vous que c’est une alternative possible ?
M.L.P. : Je ne suis pas opposé au GPL mais force est de constater que son développement n’a pas fonctionné. Je crois plus efficace de nous concentrer sur les axes que j’ai développés mais toutes les options restent sur la table si elles vont dans l’intérêt des Français.
J.A. : Si non, que proposez-vous pour soutenir la filière ?
M.L.P. : Il ne faut pas négliger les biocarburants car la France est une puissance agricole solide. Néanmoins, nous aurons besoin de ces productions agricoles pour assurer notre souveraineté alimentaire dans un contexte mondial toujours plus tendu et aussi, je le pense, pour développer la chimie verte.
J.A. : L'accès au permis de conduire est un passeport pour l'emploi, notamment pour les jeunes, quelles actions proposez-vous sur ce sujet ?
M.L.P. : C’est toujours une difficulté pour beaucoup de jeunes et de personnes précaires. Beaucoup de collectivités proposent des aides dans ce domaine, il y a aussi des bourses pour les étudiants en apprentissage ainsi que les crédits à la formation qui pourraient être mieux utilisés en finançant des permis. Il faut unifier tous ces dispositifs saupoudrés qui empêchent les jeunes de s’y retrouver. Au final, nous pouvons arriver à trouver une solution abordable pour tous les jeunes et les personnes qui ont besoin de ce sésame pour travailler.
J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôle que d’alternatives ? et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accrocs ?
M.L.P. : Ces dispositions sont une honte, une injustice sociale indigne de la France. J’y mettrai fin dès mon arrivée au pouvoir. Il faut accompagner la transition en offrant des solutions technologiques abordables dans la durée, mais surement pas punir les plus modestes d’entre nous qui bien souvent, ont une empreinte carbone bien plus faible que bien des bobos qui font le tour du monde.
"Les ZFE sont une honte, une injustice sociale indigne de la France. J’y mettrai fin dès mon arrivée au pouvoir"
J.A. : Certains candidats souhaitent limiter la vitesse sur les autoroutes. Êtes-vous en accord avec cette proposition ? Si non, pourquoi ?
M.L.P. : Je suis en désaccord avec cette idée. Les autoroutes sont payantes parce qu’elles permettent d’emprunter un axe beaucoup plus rapide que les routes secondaires. Diminuer la vitesse n’aurait aucun sens. Il faut d’ailleurs aussi rétablir les 90km/h sur les départementales, en donnant liberté aux départements d’identifier les tronçons dangereux où il faut limiter la vitesse. Plutôt que de punir encore les automobilistes, il faudrait assurer des routes en bon état pour la sécurité routière, en particulier pour les motards qui méritent qu’on les écoute enfin.
J.A. : Les entreprises ont une place importante sur le marché de l’automobile. Que pourrait faire l’Etat pour soutenir leurs efforts dans l’électrification de leurs flottes ?
M.L.P. : L’Etat doit accompagner ce changement avec des mesures incitatives, pas des mesures couperets ou des délais impossibles à tenir. Il faut là encore être pragmatique, écouter les professionnels et ne pas changer constamment de doctrine. On peut imaginer un pacte gagnant-gagnant de patriotisme économique. En échange de commandes fermes de véhicules avec un accompagnement de l’Etat, les constructeurs automobiles pourront accélérer leur relocalisation en France.
J.A. : Quelles propositions pour soutenir la distribution automobile alors que la digitalisation des ventes est en progression ? Comptez-vous instaurer un cadre réglementaire pour ces entreprises comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?
M.L.P. : Il y a une quinzaine d’années, beaucoup disaient qu’il n’y aurait plus de vendeurs physiques et que tout serait digitalisé. Malgré énormément de difficultés, le secteur a tenu grâce au professionnalisme des distributeurs. Il reste que la pandémie a mis un nouveau un coup d’arrêt dans le domaine de la distribution automobile. L’Etat doit bien entendu soutenir ce secteur et, là aussi, le soulager de normes et de taxes étouffantes, souvent injustes par rapport aux acteurs numériques. Il faudra une grande réunion des principaux acteurs du secteur afin d’établir une stratégie commune à laquelle l’Etat pourra s’associer.
J.A. : Les politiques en faveur de l'usage sont en progression : mesures en faveur du covoiturage, de l'autopartage, location, etc. Quelle politique comptez-vous mener ? Souhaitez-vous renforcer le Forfait Mobilité Durable ? Comment faire passer ces nouvelles mobilités (covoiturage, VAE, ...) à l'échelle territoriale, alors qu'elles sont surtout cantonnées aujourd'hui aux métropoles ?
M.L.P. : Il faut faire confiance aux acteurs de terrain et à la société pour innover dans ce genre de domaine. Si nos concitoyens veulent choisir ces formes d’usage, ils le feront et des entreprises traceront leur route.
J.A. : Un important tissu de start-up de la mobilité existe en France et innove pour transformer les mobilités. Quelle politique mènerez-vous pour soutenir ces innovations, et pour faire naître des licornes françaises ?
M.L.P. : Je mènerai une politique de patriotisme économique qui mise sur l’industrie et l’innovation, en ciblant sur ce secteur les baisses d’impôts et les allégements normatifs. Par ailleurs, les jeunes actifs jusqu’à 30 ans seront exonérés d’impôt et les jeunes entrepreneurs de moins de 30 ans verront leur impôt sur les sociétés supprimé pendant les cinq premières années.
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