Présidentielle 2022 - Éric Zemmour (R!) : "J’ai l’intime conviction que la voiture va évoluer avec son temps et perdurer"
Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement, à la mobilité ?
Éric Zemmour : La voiture occupe une place importante dans la vie des Français. 80% des travailleurs (soit 18 millions de personnes) utilisent leur voiture pour se rendre à leur travail. Ils n'ont souvent pas d'autre choix, surtout en ruralité et dans les territoires de la France périphérique. Pour une très large majorité de Français, la voiture demeure donc le moyen de transport privilégié pour toutes les activités du quotidien. Au plan économique, la filière automobile tient aussi une place centrale dans notre industrie française.
Le secteur est en train de se métamorphoser comme rarement auparavant et cela impactera également la mobilité qui doit rester une liberté pour tous. Or, aujourd’hui, les disparités territoriales sont de plus en plus visibles. Ce sont les habitants des grandes métropoles profitant de la mondialisation qui sortent vainqueurs de ces évolutions. Plus on s’en éloigne, plus la mobilité devient complexe notamment en raison de la hausse du prix du carburant. Il ne faut pas oublier que la crise des Gilets Jaunes est précisément venue de cette augmentation.
"Face à l’envolée des prix à la pompe, je bloquerai les prix des carburants à son niveau d’avant-crise, soit 1,8 euro par litre"
En ces temps où nous risquons de vivre un troisième choc pétrolier, cette problématique du coût du carburant est encore plus d’actualité. C’est pourquoi j’ai formulé un certain nombre de propositions pour améliorer le pouvoir d’achat des automobilistes et les libérer d’un certain nombre de contraintes excessives. Face à l’envolée des prix à la pompe, je bloquerai les prix des carburants à son niveau d’avant-crise, soit 1,8 euro par litre, le temps nécessaire à la mise en œuvre d’un cessez-le-feu. Lorsqu’on sait qu’un Français sur quatre a déjà renoncé à un emploi à cause d’un problème de mobilité, on en saisit toute l’importance.
"Je propose de réduire la facture carburant des Français qui ont besoin de leur voiture pour travailler en faisant rembourser par les entreprises 50% de leurs frais de carburant pour leur trajets domicile-travail"
De manière plus structurelle, je propose de réduire la facture carburant des Français qui ont besoin de leur voiture pour travailler en faisant rembourser par les entreprises 50% de leurs frais de carburants pour leur trajets domicile-travail (dans la limite de 40 euros par mois) sur le même modèle que le remboursement des transports en commun qui bénéficie actuellement aux salariés citadins. Plus largement, je permettrai aux territoires périurbains et ruraux de s’insérer pleinement dans l’économie et les mobilités de demain, en désenclavant ces territoires grâce à une offre locale de transports en commun routiers, notamment en mutualisant les équipements et des services d’autres communes ou d’acteurs privés. Je veux aussi redévelopper les lignes de trains de proximité, qui sera la priorité budgétaire de la SNCF en identifiant les lignes à moderniser et en soutenant les politiques de désenclavement par le train.
J.A. : D’ici à 2035, l’Union Européenne souhaite abolir la thermique. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives potentielles qui pourraient permettre de diminuer l’usage du thermique en dehors de l’électrification ?
É.Z. : Je suis très pragmatique sur ce sujet. Ce calendrier a été décidé sans concertation avec les constructeurs. Il faudra renégocier ce calendrier européen car en l’état, il implique trop d’abandons pour nos constructeurs. Le gouvernement actuel suit une trajectoire qui sacrifie notre industrie au profit d’une technologie, l’électrique, qui va nous rendre fortement dépendant de puissances étrangères. Nous sommes en train de détruire un outil industriel ancien et puissant.
"A court-terme, le tout-électrique n’est ni possible ni souhaitable"
Je veux que l'État soit neutre et ne favorise pas une technologie alternative par rapport à une autre. A court-terme, le tout-électrique n’est ni possible ni souhaitable. Nous devons combiner les différentes technologies prometteuses, dont l’électrique, mais aussi l’hydrogène ou les carburants de synthèse. Nous favoriserons l’investissement dans des filières de développement durable innovantes, mais l’État ne doit pas forcer la main des industriels en matière de choix technologiques. Il peut donner de grandes orientations mais ne doit pas imposer une technologie. Je fais confiance aux industriels pour innover et proposer les meilleurs produits.
J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?
É.Z. : Par définition, tout est possible. Les besoins évoluent avec les modes de vie. Ce qui est certain, c’est que la mobilité ne disparaîtra pas. Nos concitoyens auront toujours besoin de se déplacer pour vivre et travailler. J’ai l’intime conviction que la voiture va évoluer avec son temps et perdurer. Elle doit pouvoir continuer de remplir le même besoin fonctionnel essentiel, à savoir se déplacer d’un point à un autre, facilement, à bas coûts, quand on veut, où l’on veut, avec qui on veut.
J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’électrique ? Considérez-vous que ce soit l’avenir de l’automobile et d’un monde décarboné ?
É.Z. : Une partie de la décarbonation passe assurément par la solution électrique, grâce au nucléaire notamment, mais aussi par l’hybride, les carburants de synthèse, l’E85, les biocarburants, l’hydrogène ou toute autre innovation conçue par le génie créatif de nos entrepreneurs et ingénieurs. L’énergie électrique doit avoir sa place, mais surtout pas celle du dogme. Il faut que nos constructeurs puissent vendre à l’international des véhicules électriques, mais il ne faut pas leur imposer de technologies par la contrainte, car sinon cela pourrait conduire à des délocalisations, ce qui n’est pas souhaitable. Il y a différentes technologies possibles et de nouvelles innovations qui émergent, il faut promouvoir la combinaison des technologies prometteuses. Il faut évidemment diminuer notre dépendance au pétrole, mais le tout-électrique est une chimère. Je défends la neutralité technologique du législateur.
J.A. : Connaissez-vous le rétrofit, qui consiste à électrifier un véhicule thermique ? Lui accorderez-vous une place dans votre programme ?
É.Z. : Bien entendu. Le rétrofit est soutenu par certaines collectivités, mais il n’est pas adapté à tous les types de véhicules, car il est coûteux. Pour le moment, il est plus raisonnable de ne pas subventionner cette pratique. En revanche, il est tout à fait envisageable d’assouplir les réglementations du rétrofit.
J.A. : Les véhicules hybrides auront-ils encore une place dans un avenir décarboné ?
É.Z. : Je ne prétends pas pouvoir prédire l’avenir du marché automobile, mais les véhicules hybrides ont assurément leur place dans la phase de transition, à tout le moins. Nous suivons actuellement, hélas, une trajectoire qui sacrifie notre industrie au profit d’une technologie qui nous est vendue comme la solution unique, comme la pensée unique : je veux évidemment parler du tout-électrique. A vouloir à tout prix se diriger uniquement vers l’électrique, nous sommes sur le point de détruire un outil industriel puissant et remarquable et mettre au rebut de hautes technologies développées en Europe depuis près de 130 ans. Rappelons-le, personne ne peut prévoir le futur technologique d’une industrie. L’hybride n’est pas nécessairement dépassé, il peut encore avoir sa place dans la combinaison de technologies décarbonées que j’ai évoqué.
J.A. : Le bonus écologique va être raboté au mois de juillet, en parallèle l’étau se resserre pour les propriétaires de véhicules thermiques, quelles sont les aides que vous pourriez apporter aux automobilistes et entreprises pour effectuer leur transition vers l’électrique ? Quelles perspectives pour la Prime à la Conversion ?
É.Z. : Afin d’offrir une visibilité tant aux consommateurs qu’aux industriels, nous ne changerons pas le système de bonus/malus.
J.A. : Vous, président de la République, que proposez-vous pour décarboner l’automobile ?
É.Z. : La lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre seront évidemment une priorité de ma politique environnementale. Je souligne néanmoins que la France émet peu de gaz à effet de serre, comparativement à de nombreux pays. Cela ne signifie aucunement que nous ne devons faire aucun effort pour être encore davantage vertueux. J’ai pris un engagement fort pour diminuer encore davantage nos émissions de gaz à effet de serre, notamment en relançant notre filière nucléaire et en développant les technologies innovantes visant à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, comme l’hydrogène.
"Il faut décarboner nos moyens de transport en combinant les différentes technologies prometteuses"
Il faut décarboner nos moyens de transport en combinant les différentes technologies prometteuses (batteries électriques, piles à combustible, biocarburants et carburants de synthèse). Aujourd’hui, on observe que le tout-électrique n’est ni possible ni souhaitable à court-terme. Ceux qui vous promettent de pouvoir aisément supprimer tous les véhicules thermiques de notre parc automobile sont de dangereux idéologues. C’est la diversification du parc automobile et une aide aux technologies prometteuses qui permettra l’émergence de solutions multiples réellement pertinentes.
J.A. : Comment jugez-vous la politique industrielle actuelle pour soutenir l’approvisionnement en composants à risques ?
É.Z. : Je déplore une disparition progressive de l’Industrie comme portefeuille gouvernemental prioritaire, les derniers gouvernements n’ayant pas nécessairement nommés de ministre ou de secrétaire d’Etat dédiés, ce qui illustre l’absence de vision industrielle. Ce morcellement des responsabilités se traduit inévitablement par des dispositifs d’action et des objectifs trop flous par la création de nombreuses structures ministérielles et administratives. La crise du Covid et maintenant la crise en Ukraine ont démontré les faiblesses de l’industrie française et en particulier l’extrême fragilité de nos chaînes d’approvisionnement globales et notre dépendance aux puissances étrangères. Il est urgent que l’Etat porte une vraie vision industrielle offensive et cohérente, en donnant une forte visibilité aux problématiques industrielles. La politique industrielle exige de la constance et de la cohérence, elle ne doit pas être menée de manière opportuniste en fonction du sens du vent. S’agissant de l’approvisionnement des composants stratégiques, nous créerons un stock minimal permanent de biens stratégiques pour lesquels le risque de rupture est inacceptable.
J.A. : Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?
É.Z. : Pour redonner rapidement des marges de manœuvre à nos entreprises, nous baisserons immédiatement de 30 milliards d’euros les impôts de production qui frappent les entreprises, en supprimant en priorité la C3S et CVAE. Ce sont des impôts injustes, sans aucune logique économique, et qui sont les premiers responsables du déclin de notre tissu industriel. Face à l’urgence, nous créerons des zones franches industrielles sur le modèle des zones franches urbaines pour recréer de l’activité dans les territoires sinistrés par la désindustrialisation. Pas d'impôt de production et pas d'impôts sur les sociétés pendant 5 ans pour toute industrie qui s’installe dans une de ces zones.
"Pas d'impôt de production et pas d'impôts sur les sociétés pendant 5 ans pour toute industrie qui s’installe dans une de ces zones"
Nous protégerons nos fleurons industriels en créant notamment un comité dédié chargé de contrôler tous les investissements étrangers. Et nous assurerons le financement de notre industrie en transformant l’Agence des Participations de l’État un véritable fonds souverain qui investira en priorité dans les entreprises stratégiques françaises, notamment du secteur automobile, et dont les moyens seront renforcés en utilisant une partie des fonds du Livret A. Nous inciterons par ailleurs à investir dans les start-ups et les PME françaises en permettant de déduire 50 % de son investissement de son Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), le dispositif IFI-PME. Le tissu industriel innovant du secteur automobile pourra pleinement en bénéficier.
J.A. : Quelles actions mettrez-vous en place pour répondre à la transformation des PME et ETI des services de l'automobile face à l'impact de la digitalisation et de l’électrification : transformation des stations-service, des métiers de la réparation automobile, etc. ?
É.Z. : La numérisation de notre économie concerne évidemment les PME et ETI du secteur automobile. Je créerai les conditions de notre souveraineté numérique en investissant massivement dans des solutions souveraines, en particulier dans le Cloud et la cybersécurité. On sait que la voiture connectée sera demain une cible de choix des cyberattaquants. En matière de recherche, nous lancerons de grands programmes d'innovation en intelligence artificielle dans la robotique mobile, afin de répondre aux enjeux de l’usine 4.0 de demain et à la transformation des métiers de la réparation automobile notamment. Sur l’électrification, je pense qu’il faut poursuivre le plan de 100 000 bornes installées sur tout le territoire.
J.A. : Le gouvernement a lancé un plan de développement de l’hydrogène décarboné. Comptez-vous poursuivre cette ambition ?
É.Z. : Je soutiendrai le déploiement de la filière hydrogène dans l’industrie et le transport lourd (ferroviaire, transport, maritime et aérien). Nous développerons l’hydrogène en particulier dans les transports en commun pouvant profiter facilement d’un système de recharge (bus, navettes, cars). L’hydrogène est une des technologies décarbonées dans laquelle nous devons continuer d’investir et d’explorer. Dans cette recherche, l’État apportera l’aide nécessaire et poursuivra le plan initié.
J.A. : Le GPL est un carburant peu médiatisé qui pourrait s’avérer être une alternative plus écologique à l’essence. En avez-vous connaissance ? Pensez-vous que c’est une alternative possible ?
É.Z. : Le GPL existe depuis un certain temps déjà et peut être utilisé au gré d’une modification relativement peu coûteuse. Néanmoins, il pâtit de plusieurs inconvénients, dont celui d’être sujet, comme le pétrole, au contexte international et de devoir être importé. Notons que le GPL n’est pas neutre en carbone.
J.A. : L'accès au permis de conduire est un passeport pour l'emploi, notamment pour les jeunes, quelles actions proposez-vous sur ce sujet ?
É.Z. : C’est juste, et un Français sur 4 a déjà renoncé à un emploi à cause du transport. Je propose de supprimer le permis à points, qui n’a pas rempli ses objectifs de sécurité routière, puisque la mortalité baisse au même rythme dans tous les pays européens, permis à points ou permis normal.
J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôle que d’alternatives ? Et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accrocs ?
É.Z. : Les Français continueront à circuler librement. Je supprimerai toutes les contraintes excessives sur les automobilistes. Nous ne mettrons pas en œuvre ces ZFE-m. Je refuse d’empêcher des millions de Français de circuler dans leur propre agglomération.
J.A. : Certains candidats souhaitent limiter la vitesse sur les autoroutes. Êtes-vous en accord avec cette proposition ? Si non, pourquoi ?
É.Z. : Non, la vitesse est déjà suffisamment limitée sur cette partie du réseau, qui est, rappelons-le, la moins accidentogène. Et concernant l’accidentalité, la vitesse n’y arrive, de surcroît, qu’en cinquième position. Une étude estime que diminuer la vitesse maximale à 110 km/h coûtera près d’un milliard d’euros, à cause du temps perdu.
J.A. : Les entreprises ont une place importante sur le marché de l’automobile. Que pourrait faire l’Etat pour soutenir leurs efforts dans l’électrification de leurs flottes ?
É.Z. : Je souhaite maintenir les aides existantes, tant sur le prix des certificats d’immatriculation que sur la TVS.
J.A. : Quelles propositions pour soutenir la distribution automobile alors que la digitalisation des ventes est en progression ? Comptez-vous instaurer un cadre réglementaire pour ces entreprises comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?
É.Z. : Je souhaite accompagner ces entreprises dans le cadre de leur numérisation, avec les propositions que j’ai évoqué sur le numérique, notamment au travers du développement de solutions digitales souveraines. D’une manière plus générale, en baissant les impôts de productions de 30 milliards d’euros par an, nous donnerons une véritable bouffée d’oxygène aux entreprises qui pourront investir dans leur transformation numérique. Les politiques en faveur de l'usage sont en progression : mesures en faveur du covoiturage, de l'autopartage, location, etc.
J.A. : Quelle politique comptez-vous mener ? Souhaitez-vous renforcer le Forfait Mobilité Durable ? Comment faire passer ces nouvelles mobilités (covoiturage, VAE, ...) à l'échelle territoriale, alors qu'elles sont surtout cantonnées aujourd'hui aux métropoles ?
É.Z. : Je considère que ces mesures sont à prendre par les collectivités et non par l’Etat.
J.A. : Un important tissu de start-up de la mobilité existe en France et innove pour transformer les mobilités. Quelle politique mènerez-vous pour soutenir ces innovations, et pour faire naître des licornes françaises ?
É.Z. : Le secteur automobile est en effet très riche de ses start-ups et de ses PME innovantes. Mon programme est résolument tourné vers le soutien à l’innovation. Je veux notamment permettre aux Français d’investir sans aucune fiscalité dans les entreprises innovantes en créant un Livret Innovation. Je propose également aux créateurs de start-ups de se financer sans perdre le contrôle de leur entreprise et de s’introduire en bourse, en autorisant deux classes d’actions en bourse à droits de vote différents. Je veux permettre aux jeunes entreprises d’impliquer et de retenir les talents en élargissant les conditions de l’actionnariat salarié. Nous sanctuariserons d’ailleurs la fiscalité de l’actionnariat salarié afin que la plus-value réalisée ne soit jamais considérée comme un salaire par l’administration fiscale.
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