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Présidentielle 2022 - Anne Hidalgo (PS) : "Je crois à une sortie des véhicules individuels thermiques à moyen terme"

Publié le 15 mars 2022

Par Jean-Baptiste Kapela
12 min de lecture
[Abonnés] La candidate socialiste (PS) à l'élection présidentielle, Anne Hidalgo, a répondu aux questions du Journal de l'Automobile afin de mieux connaître la place de la mobilité dans son programme. Au menu : "leasing social", TVA carburant à 5,5 % et intermodalité.
Anne Hidalgo, candidate du Parti Socialiste à l'élection présidentielle. (Photo tirée de l'affiche de campagne de la candidate)

Journal de l'Automobile : Quelle place accordez-vous à la voiture dans votre programme ? Et plus largement, à la mobilité ?

Anne Hidalgo : Je souhaite répondre conjointement aux crises sociales et écologiques, convaincue qu’elles sont indissociables pour mener à bien la transition écologique. Les mobilités jouent un rôle crucial puisque les transports représentent encore 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France (hors transport international maritime et aérien). La voiture individuelle est particulièrement concernée car elle représente toujours plus de 80 % des trajets quotidiens des Français, et même la quasi-totalité des déplacements dans les zones rurales et périurbaines. Je propose donc la création d’un "leasing social" pour permettre aux automobilistes de changer de véhicule sans barrière financière à l’achat. Ce dispositif sera complété par un prêt à taux zéro pour le changement de motorisation, y compris le rétrofit, et le déploiement d’un million de bornes électriques sur tout le territoire sur le quinquennat, avec une priorité aux zones rurales. Il s’agira également de partager la voiture, par exemple, grâce au covoiturage. Enfin, cette nouvelle politique automobile nécessitera de grands échanges avec les constructeurs pour réorienter complètement leur stratégie industrielle vers des véhicules plus légers. En cas de flambée des prix du carburant, nous diminuerons le prix de l’essence de 12% dans l’ensemble des stations-service du territoire en abaissant la TVA de 20 à 5,5 %.

 

"Je propose la création d’un "leasing social" pour permettre aux automobilistes de changer de véhicule sans barrière financière à l’achat"

 

La transition doit aussi passer par le report de la voiture vers les modes actifs, de la marche au vélo : l’adaptation des chaussées et des stationnements, l’éducation au vélo à l’école, ou encore la dotation de vélos par les collectivités pour les collégiens et lycéens habitant à moins de 10 km de leur lycée. Vient enfin l’enjeu de la mobilité collective. Je souhaite augmenter significativement nos investissements dans le transport ferroviaire en lien avec les régions. Il faut continuer de décarboner les TER qui fonctionnent encore trop souvent au diesel, développer les trains de nuit, redynamiser les petites lignes, et développer des lignes "intercités" transversales qui ne passent pas par Paris. Je propose notamment de diminuer le prix des billets de train de 12 % en passant la TVA à 5,5 %. Concernant les mobilités du quotidien, je privilégierai la connexion des zones peu denses aux aires urbaines en organisant de l’intermodalité au profit des trains et cars interurbains. Les gares devront ainsi être fortement pourvues en garages à vélo sécurisés.

 

À lire aussi : Présidentielle 2022 : quel avenir pour l’automobile ?

 

J.A. : D’ici à 2035, l’Union européenne souhaite abolir le thermique. Est-ce un objectif réalisable selon vous ? Quelles sont les alternatives potentielles qui pourraient permettre de diminuer l’usage du thermique en dehors de l’électrification ?

A.H. : Les véhicules thermiques restent l’unique moyen de se déplacer pour beaucoup de citoyens en France, a fortiori dans l’Union européenne. Il ne s’agit pas de leur enlever ce moyen, mais d’offrir une alternative qui soit à la fois moins émettrice de carbone et plus accessible. Outre la transition vers les véhicules électriques, le principal levier pour atteindre ce but, c’est le report modal, vers des mobilités moins émettrices : train, bus, tram, vélo, etc. L’usage collectif des véhicules, via le covoiturage par exemple, fait aussi partie de la solution. Il s'agit d'une transition majeure, qui ne se fait pas d’un claquement de doigts : il faut renforcer le maillage de nos réseaux de transports, multiplier les bornes, les aides à l’achat ou au leasing, les aires de covoiturage. En clair, il faut investir massivement ; c’est ce que je porte dans mon projet.

 

"Outre la transition vers les véhicules électriques, le principal levier pour atteindre ce but, c’est le report modal"

 

J.A. : Selon vous, un avenir sans voiture est-il possible ?

A.H. : Je crois à une sortie des véhicules individuels thermiques à moyen terme. Il est indispensable de respecter cet objectif que nous nous sommes fixés et sur lequel l’Union européenne s’engage avec la stratégie "Fit for 55". Nous devons atteindre la neutralité carbone. Pour autant la voiture individuelle continuera d’avoir une place importante dans les espaces peu denses (ruraux et périurbains). Il conviendra de développer les solutions alternatives à l’autosolisme en parallèle de mon plan pour la décarbonation des véhicules. Il faut par ailleurs travailler avec les industriels pour développer des voitures différentes : réduire au maximum la production de SUV et développer de nouveaux véhicules intermédiaires.

 

J.A. : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’électrique ? Considérez-vous que ce soit l’avenir de l’automobile et d’un monde décarboné ?

A.H. : À partir du moment où je partage le constat, que beaucoup font, de la persistance de la voiture, oui les véhicules électriques peuvent être un puissant levier de mobilité qui concilie transition écologique et mobilité pour toutes et tous. À ce titre, je renforcerai les aides à l’acquisition de véhicules électriques ainsi qu'au retrofit grâce à un prêt à taux zéro pour la mobilité durable et je déploierai un million de bornes électriques supplémentaires dans tout le pays, avec une priorité pour les zones rurales.

 

J.A. : Connaissez-vous le rétrofit, qui consiste à électrifier un véhicule thermique ? Lui accorderez-vous une place dans votre programme ?

A.H. : Oui je connais le principe du retrofit qui permet, en changeant la motorisation, de passer d’un véhicule thermique à un véhicule électrique. Il s'agit d'un modèle dans lequel je crois beaucoup. En effet, depuis plusieurs années, au sein de la Mairie de Paris nous intégrons ces possibilités dans le plan de déplacement de nos agents et nous rencontrons régulièrement des entreprises qui proposent ces services. Je souhaite par exemple dans mon programme que des aides au rétrofit soient renforcées par la création d’un prêt à taux zéro pour la mobilité durable.

 

J.A. : Les véhicules hybrides auront-ils encore une place dans un avenir décarboné ?

A.H. : Les véhicules hybrides sont utiles à la transition, mais à long terme l’objectif est bien de sortir de l’ensemble des énergies fossiles.

 

J.A. : Vous, présidente de la République, que proposez-vous pour décarboner l’automobile ?

A.H. : Je souhaite créer un système de "leasing social". Les particuliers pourront louer des voitures électriques (avec option d’achat) pour un coût mensuel inférieur aux frais d’un véhicule à essence. Je propose également de créer un prêt à taux zéro pour la mobilité durable et de déployer un million de bornes électriques supplémentaires, une priorité pour les zones rurales. Par ailleurs, parce que la voiture gardera une vraie place dans les mobilités individuelles, je souhaite engager une politique de "socialisation de la voiture". La décarbonation ne passe pas simplement par la motorisation mais également par l’utilisation : covoiturage notamment sur des lignes régulières, autopartage, etc.

 

J.A. : Comment jugez-vous la politique industrielle actuelle pour soutenir l’approvisionnement en composants à risques ?

A.H. : Je suis convaincue que nous pouvons regagner une plus grande souveraineté économique, en mettant en œuvre un plan d’autonomie méthodique. Selon la nature des biens pour lesquels nous sommes vulnérables, soit nous relocaliserons la production, soit nous renforcerons les stocks, soit nous poursuivrons une stratégie de diversification de l’approvisionnement ou d’alliances stratégiques. Je pense par ailleurs que certaines stratégies de production doivent se concevoir avec nos partenaires européens. C’est le cas des composants électroniques, devenus indispensables dans la production automobile, pour lesquelles la France seule aura des difficultés à créer une industrie. Dans cette perspective, je salue l’initiative de la Commission européenne en matière de semi-conducteurs, dont il faudra s’assurer de la bonne exécution et de l’efficacité.

 

J.A. : Quelles sont les options proposées pour la relocalisation de certains outils industriels ?

A.H. : Nous devons activer plusieurs leviers pour lancer l’effort de relocalisation. Les grandes entreprises doivent enfin se responsabiliser. Les prélèvements obligatoires ont beaucoup diminué ces dernières années, par la baisse des impôts de production, les allégements de cotisations et la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Il est encore moins acceptable aujourd’hui que certaines entreprises délocalisent leur production, pour réaliser des économies. Cela affaiblit notre pays et c’est de surcroît un calcul court-termiste. Nous devons inciter, notamment en mobilisant les financements publics et privés, pour accompagner les réimplantations. Premièrement, la commande publique doit intégrer des critères de qualité, de durabilité ou d’impact écologique qui permettent de favoriser les productions qui créent le plus de valeur économique en France. Deuxièmement, à travers la création d’un livret de développement industriel, je permettrai aux Français qui le peuvent de contribuer au financement de cette réindustrialisation. Les fonds collectés iront vers les PME et les ETI.

 

"Les grandes entreprises doivent enfin se responsabiliser"

 

J.A. : Le GPL est un carburant peu médiatisé qui pourrait s’avérer être une alternative plus écologique à l’essence. En avez-vous connaissance ? Pensez-vous que c’est une alternative possible ?

A.H. : Le GPL est une alternative au diesel en ce qu’il émet moins de particules fines mais reste issu d’énergies fossiles. S’il peut être utile dans la période actuelle de tension sur les prix et le pouvoir d’achat, notamment parce qu’il est moins cher, il ne peut constituer une vraie alternative sur le long terme. Je lui préfère la transformation du parc vers les véhicules électriques et le travail sur la réduction de l’autosolisme.

 

J.A. : L'accès au permis de conduire est un passeport pour l'emploi, notamment pour les jeunes, quelles actions proposez-vous sur ce sujet ?

A.H. : Une dotation en capital de 5 000 euros sera attribuée à chaque jeune à l’âge de 18 ans, pour leur permettre de financer leurs projets professionnels et personnels et notamment bien sur le code de la route et le permis de conduire qui est une dépense essentielle qui coûte en moyenne 1 800 euros.

 

J.A. : Progressivement, certaines ZFE banniront les véhicules diesels, puis essence, de leur agglomération d'ici à 2025, en accord avec la loi climat. Est-ce une bonne chose selon vous ? Comment allez-vous soutenir les métropoles qui les mettent en place ? Tant en termes de contrôle que d’alternatives ? Et que proposez-vous pour que les citoyens puissent poursuivre leur mobilité sans accrocs ?

A.H. : Je soutiens le principe de la mise en place des ZFE parce qu’il y a un impératif de réduire la pollution dans les grandes agglomérations, et d’abord la pollution aux particules fines. La métropole du Grand Paris a d’ailleurs décidé de mettre en place une ZFE à l’intérieur de l’A86 mais d’en reporter sa mise en place pour les Crit’Air 3 à 2023, notamment pour cette raison d’équipement des ménages qui ont besoin de leur véhicule pour circuler quotidiennement. C’est la raison pour laquelle je veux puissamment accélérer le développement des mobilités alternatives dans les grandes zones urbaines (marche, vélo, mobilités collectives…) et pour les "assignés" à l’automobile transformer le plus rapidement possible le parc automobile avec les solutions que j’ai pu évoqué précédemment, complémentaires de celles mises en place par les collectivités.

 

J.A. : Certains candidats souhaitent limiter la vitesse sur les autoroutes. Êtes-vous en accord avec cette proposition ? Si non, pourquoi ? 

A.H. : Il faut avant tout concilier les besoins de déplacements des français et leur sécurité. Je demanderai au gouvernement de mener une large concertation avant toute décision, qui devra en tout état de cause prendre en compte les spécificités locales.

 

J.A. : Les entreprises ont une place importante sur le marché de l’automobile. Que pourrait faire l’Etat pour soutenir leurs efforts dans l’électrification de leurs flottes ?

A.H. : Nous soutiendrons l’électrification des flottes en facilitant l’usage de la voiture électrique et en soutenant la production automobile électrique par la commande publique. Pour faciliter l’usage en France, un million de bornes électriques supplémentaires seront déployées dans tout le pays, avec une priorité pour les zones rurales, dans un plan national pour les infrastructures électriques construit avec les collectivités territoriales et basé sur l’hydrogène. Pour soutenir la production de voitures électriques, nous inclurons un critère de motorisation électrique dans l’ensemble des appels d'offres publics.

 

"Un million de bornes électriques supplémentaires seront déployées dans tout le pays, avec une priorité pour les zones rurales"

 

J.A. : Les politiques en faveur de l'usage sont en progression : mesures en faveur du covoiturage, de l'autopartage, location, etc. Quelle politique comptez-vous mener ? Souhaitez-vous renforcer le Forfait Mobilité Durable ? Comment faire passer ces nouvelles mobilités (covoiturage, VAE, ...) à l'échelle territoriale, alors qu'elles sont surtout cantonnées aujourd'hui aux métropoles ?

A.H. : Oui il faudra par la loi renforcer le forfait mobilité durable, il s’agit d’une mesure d’ordre national. Et si je suis bien sûr extrêmement favorable au développement des nouvelles mobilités sur tout le territoire - l’une des clés de la réussite de la transition des mobilités - il s’agit de politiques à mener dans les territoires par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), locales ou régionales. L’Etat devra donc permettre aux AOM de se doter d’ingénierie pour développer des solutions de mobilité les plus adaptées à leurs territoires.

 

J.A. : Un important tissu de start-up de la mobilité existe en France et innove pour transformer les mobilités. Quelle politique mènerez-vous pour soutenir ces innovations ?

A.H. : Parmi les quatre odyssées industrielles que je lancerai, il y a les mobilités. Nous mettrons le paquet, notamment financièrement, pour développer des solutions de mobilité durable adaptées à chaque territoire. Cela offrira des débouchés naturels à ces start-ups. Si certaines d’entre elles deviennent des licornes, tant mieux, mais ce qui m’importe avant tout, ce sera leur apport concret aux usagers et les milliers d’emplois que ces entreprises créeront en France.

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