Mondial ou Global, il faut choisir
...une fois, nous avons séché le Mondial, parce qu'au regard de ce qui est en train de se passer dans l'industrie automobile à l'échelle du globe, un Salon, aussi prestigieux qu'il ait pu être dans le passé, est très certainement un endroit hors du temps. D'ailleurs, il y a assez peu de modèles authentiquement nouveaux, ce qui est un progrès certain par rapport à l'édition précédente qui, elle, fut riche en objets métalliques satisfaisants pour l'esprit de ceux qui les avaient créés, mais destinés à un avenir déplorable, faute de clients. Peut-être les constructeurs sont-ils occupés, entre une négociation avec leurs confrères et l'ouverture d'une usine au Cathay, à revoir leur stratégie produit. On le leur souhaite, parce qu'il est important pour tout le monde de sortir du piège de la multiplication irrationnelle des modèles qui a caractérisé l'offre du secteur ces dernières années. L'emballement de l'offre ("un produit toujours plus complexe, une gamme toujours plus vaste, un renouvellement toujours plus rapide") n'a, comme prévu, rien réglé, et les constructeurs français ont perdu en peu de temps l'avantage qu'ils avaient sur nombre de leurs collègues. Laissons donc le Mondial à ses affaires, et parlons globalisation.
Riches ou pauvres, mais consommateurs
Commençons par une révélation : il y a des riches dans les pays pauvres et des pauvres dans les pays riches. En outre, d'aucuns en arrivent à imaginer que les valeurs appartenant à une même civilisation créent un lien entre les personnes, au-delà de la barrière des revenus. Repos. Si tout cela est vrai, et bien d'autres choses tout aussi éblouissantes encore, il n'y a rien de plus irrationnel que de choisir les marchés de destination d'un modèle en fonction du revenu moyen ou médian des habitants. C'est pourtant ce qu'on a parfois commis… Or, la première chose à considérer, d'un point de vue commercial, ce sont les attentes des consommateurs, notamment de ceux qu'on connaît le moins, et plus précisément les moins aisés d'entre eux dans les pays occidentaux et presque tout le monde partout ailleurs. La réalité est certainement variée. Ainsi, un consommateur contraint économiquement a droit au rêve, au même titre que les autres. S'il s'agit d'un immigré, il est possible qu'il ait le souci de démontrer à ceux qui sont restés au pays que tout va bien. La voiture qu'il pourra se permettre ou la maison qu'il construira seront ses cartes de visite. Mais d'autres feront des choix différents. La question qui se pose à ce stade concerne donc l'existence éventuelle de catégories de consommateurs transfrontalières, identifiables en France comme au Brésil ou en Inde, et suffisamment pratiques pour inspirer la création de nouveaux modèles d'automobiles commercialisables sous toutes les latitudes.
La voiture mondiale est morte, vive la voiture globale !
Les "world cars" ont échoué. Le contraire eût été surprenant, dans la mesure où elles naissaient dans l'univers calfeutré des officines de l'automobile sophistiquée, lesquelles ne connaissaient de la réalité extérieure que ce qu'on pouvait lire dans les livres. Mais peut-il y avoir des voitures globales, qui puissent être appréciées sinon partout en tout cas dans de nombreux pays ? On rétorquera qu'il y en a déjà beaucoup, puisque l'on produit et commercialise des modèles classiques de la production automobile, ici comme en Chine ou en Afrique. C'est une vérité partielle, distordue par le fait qu'on ne peut acheter que ce qu'on trouve sur le marché. En Europe Centrale, il y a 25 ans, on achetait surtout des Skoda et même des Trabant. On a vu ce qui s'est passé par la suite. La production actuelle ne court évidemment pas le même risque, mais elle pêche par deux insuffisances. D'une part, faute d'une offre différente (à inventer !), les consommateurs qui en ont les moyens achètent ce qu'on leur propose, mais rien ne dit qu'ils ne s'orienteront pas sur autre chose dès que l'occasion se présentera. D'autre part, la clientèle qui n'a pas les moyens est rejetée vers le VO ou rien. C'est aux constructeurs qu'il incombe de savoir si le sujet mérite réflexion. Dans les deux cas.
Ernest Ferrari, Consultant
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