“Les DMS ne sont pas bons en CRM”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Avec 957 millions de dollars au deuxième trimestre, le chiffre d’affaires de Salesforce progresse de 31 % par rapport à l’année précédente. Comment interprétez-vous cette dynamique ?
PATRICK PELATA. Nos résultats témoignent d’une progression forte, à l’instar de toutes les entreprises spécialisées dans le cloud au contraire des plus traditionnelles qui vendent du hardware. D’ailleurs, jamais l’écart n’a été aussi important entre les deux.
JA. Vous êtes à la tête de la division Automotive, comment jugez-vous l’organisation du groupe ?
PP. J’ai eu la chance d’être en réalité l’un des deux pilotes d’une nouvelle organisation qui s’est mise en place récemment, et qui consiste à avoir une approche par industrie. Ce changement a eu pour effet de redynamiser les ventes.
JA. De manière plus opérationnelle, quel regard portez-vous sur votre secteur ?
PP. Si je regarde l’industrie automobile de très loin, il y a de grandes tendances qui se dégagent. La première nous concerne moins puisqu’il s’agit de la diminution des émissions de gaz polluants. L’autre touche l’efficacité de la communication, notre créneau. Les constructeurs veulent accroître la loyauté en apportant un meilleur service. Cela passera forcément par la simplification de la relation entre le client et sa marque.
JA. Vous dites avoir identifié deux ruptures, quelles sont-elles ?
PP. La première est relative aux réseaux sociaux qui supplantent les très coûteuses campagnes de publicité. Depuis l’après-guerre, la voix du client était étouffée sous celles-ci, désormais, c’est fini. Le consommateur prend le pouvoir et force au dialogue. Une notion sur laquelle l’automobile est en retard.
La seconde rupture, c’est l’essor des véhicules connectés. Ils permettent un échange dans les deux sens et, de fait, constituent un canal majeur d’engagement et de services, ce qu’Apple et Google ont compris et que les après-ventes des constructeurs ne doivent pas manquer, au prix d’une refonte de leurs systèmes d’information.
JA. Sont-ils si inappropriés ?
PP. Les bases de données sont très rigides et stockées sur des hardware éparpillés, ce qui rend leur exploitation difficile. Il devient impératif d’avoir une couche supérieure dans le cloud.
JA. C’est ce que vous vendez, mais comment le justifiez-vous ?
PP. La réflexion des constructeurs doit être : “Que voulons-nous faire de la donnée ?” Il leur faut désormais être en mesure de remonter la bonne information au bon moment au bon collaborateur de la concession, pour faciliter la prise de contact et le bon suivi des clients. Je vois une inquiétude monter dans les réseaux, une méfiance vis-à-vis des constructeurs qui s’apprêtent à traiter les informations publiques disponibles sur Internet. Ils s’inquiètent car les DMS ne sont pas bons en CRM.
JA. Une source proche du dossier a révélé que vous aviez signé avec Renault France, pouvez-vous nous en dire plus ?
PP. Nous travaillons avec Renault au Brésil et réfléchissons à étendre le partenariat, mais je ne peux pas commenter cette information. Il est vrai néanmoins que Renault, comme les trois Premium allemands, Peugeot, Ford et la filiale US de Nissan, a transformé son organisation pour s’adapter aux nouvelles exigences.
JA. Revenons à la voiture connectée, Vous est-il d’avis que ce terrain devient davantage celui des acteurs de l’économie numérique ?
PP. C’est une belle bataille qui se joue sur la vitesse d’exécution. Apple, Google et Facebook ont décidé de jouer sur leur capacité à capturer l’utilisateur par ses appareils mobiles et leurs services. Ils ciblent les actifs qui ont des contraintes de temps et pour qui les trajets en voiture deviennent des créneaux de création de valeur. Une fois la main mise sur ce créneau, ils pourront appliquer leur modèle économique : la vente d’espaces publicitaires. Ce n’est pas un hasard si Google et Apple viennent d’annoncer des radios numériques dédiées à l’automobile. Il y a un gros potentiel. Là, se trouve le risque pour les constructeurs car la loyauté de leur client sera mise à l’épreuve. Leur réaction ne doit donc plus se faire attendre et nous souhaitons les accompagner.
JA. Plus précisément, comment entendez-vous le faire ?
PP. Salesforce veut se positionner en leur fournissant une plateforme globale qui permet d’interagir avec le client et avec le réseau de concessionnaires, sur l’ensemble des points de contact. Cinq ou six marques, dont je ne peux révéler le nom, opèrent sous ce système. Il n’a aucun équivalent à ce jour et l’acquisition d’ExactTarget, cet été, confirme notre engagement, en attendant les annonces d’envergure qui seront faites en novembre, lors du Dreamforce à San Francisco.
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