"Les compétences sociales font la différence"
Journal de l’automobile. Pouvez-vous nous parler de l’offre en alternance du Garac ?
Liliane Rivière. Les effectifs en apprentissage sont désormais quasiment aussi importants que ceux des lycées. L’apprentissage est un contexte où il faut une autonomie suffisante. Certains jeunes doivent être plus encadrés, quand d’autres ont très vite besoin d’être confrontés à l’ambiance professionnelle.
Nous proposons des diplômes de niveau V jusqu’au niveau ingénieur, avec des cursus en deux ans pour le CAP par exemple, ou trois ans pour le Bac professionnel. Cela concerne la formation à la maintenance automobile ou à la maintenance des VI. Aujourd’hui, 700 emplois sont non pourvus dans tous les domaines de la maintenance industrielle. Nous avons donc 500 jeunes en apprentissage et un petit portefeuille concernant les certifications de qualification professionnelle (CQP). On y constitue des groupes homogènes avec les réseaux constructeurs, pour répondre au besoin immédiat de personnel qualifié.
JA. Quel est le niveau d’insertion professionnelle à l’issue des différents cursus ?
LR. Nous avons, pour le CFA, un taux de réussite de 92 %, et nous constatons que 80 % des jeunes sont intégrés. Nous faisons un réel travail sur les compétences techniques, avec une pédagogie de projet. Il y a un suivi, effectué avec les entreprises, pas moins de 850 visites par an faites par les professeurs, en plus du livret d’apprentissage. Nous mettons en avant, aussi, les compétences sociales : le civisme, le sens du contrat, le présentéisme… Elles peuvent faire la différence dans l’insertion des jeunes. Concernant les CQP, le taux de réussite monte à 95 %.
JA. Comment obtenez-vous ces résultats ?
LR. Nous nous reposons sur les enquêtes de l’Education nationale et de la Région. On est obligé de gérer une partie pour eux. Nous surveillons les taux de réponse, et complétons parfois ces enquêtes.
Dans ce contexte global, 80 % d’insertion est un taux qui nous satisfait. Le Garac n’a pas à rougir puisque le taux moyen est établi à 70 %. C’est le résultat d’un plan pédagogique. Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est que beaucoup de jeunes sont diplômés, avec un niveau théorique d’acquisition du savoir, mais pour le savoir-faire, on est moins sûrs.
Il y a eu trop de regards critiques sur l’entreprise qui nourrissent une vision des jeunes les exonérant de faire le minimum. Or, il faut juguler ce travers.
JA. Constate-t-on des différences significatives selon les diplômes ?
LR. Les plus vulnérables sont incontestablement les CAP. Ils sont souvent fragilisés par le manque de culture générale, ils n’ont pas les acquis fondamentaux. Du coup, beaucoup échappent à la profession. Pour le Bac professionnel, cela se stabilise, même si parfois le constat est le même que pour le CAP, un socle de culture générale faible. Il faut bien parler, bien écrire. Or, beaucoup des apprentis du Garac ont été cabossés par le système scolaire au collège.
JA. Quelle part la typologie des entreprises joue-t-elle dans l’insertion professionnelle ?
LR. Les petites structures sont très volontaristes pour former des jeunes. Mais elles déplorent que leurs bons éléments soient accaparés par les entreprises de capacité supérieure. Notre profession, de manière générale, est volontariste. Nous avons encore 25 000 apprentis. Le principal frein est bien le manque d’activité, mais le secteur a tenu le choc ces dernières années. Pour l’année en cours, il y a cependant une grande incertitude.
Pendre des apprentis, c’est une réelle posture d’investissement de la part des entreprises. Mais elles ne le peuvent que s’il y a activité. La branche est très lucide : la profession a pris position par rapport aux objectifs en mettant en avant sa culture de l’apprentissage. Ensuite, à nous d’essayer de faire mieux sur le qualitatif.
JA. Comment anticipez-vous et tentez-vous d’empêcher une sortie de la branche ?
LR. Il y a des évaluations tout au long du cursus, et les formateurs alertent dès que cela est nécessaire s’il y a des jeunes en perdition. L’accompagnement individuel permet ainsi de comprendre pourquoi l’apprenti se démotive, si cela est associé à un manque de rigueur. Et pour cela, il faut une entente en bonne intelligence entre l’école et l’entreprise. L’action conjointe est fondamentale, d’autant plus que quelques jeunes s’imaginent que ce sont des métiers faciles. Enfin, il faut faire particulièrement attention à la vision que donnent les entreprises aux apprentis sur leurs possibilités d’évolution dans leur environnement.
Il faut se demander s’il est souhaitable que le jeune reste dans l’entreprise à tout prix. L’apprentissage, c’est le savoir et le savoir-faire dans un contexte donné. Les maîtres d’apprentissage ont un rôle précieux. On se sert des outils qu’offre la profession pour leur formation, on organise des réunions, ils ont accès à notre base de données où sont réunies toutes les informations sur chaque apprenti, dont les bulletins de notes.
JA. Que pensez-vous des mesures associées prises par le gouvernement en 2011 dans le cadre de la valorisation de l’apprentissage ?
LR. A priori, nous n’avons pas de critiques à formuler, tout ce qui va dans le sens des jeunes ou des entreprises est positif (carte étudiant des métiers, bonus de 400 euros par contrat et par an pour les entreprises dépassant l’obligation légale de 4 % d’alternants dans l’ensemble de l’effectif, N.D.L.R.). Notre souci, c’est d’être conscient que, dans nos métiers, la dimension de service doit être équivalente à la dimension industrielle. Sur les annonces d’effectif, viser 800 000 jeunes en alternance à l’horizon 2015, notre seule contradiction concerne le suivi. Serons-nous capables de continuer à bien accompagner les jeunes avec des effectifs supérieurs ? Il faut donc mesurer l’effort qu’il y a à faire, toujours donner le sens de la curiosité aux jeunes, être conscient que tout ne peut pas relever de l’apprentissage.
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