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"L'électromobilité implique un important changement d'habitudes"

Publié le 20 juin 2012

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Didier Blocus, responsable du développement véhicules électriques & ALD sharing chez ALD Automotive France - Pilotant le développement du véhicule électrique et de ses services associés pour ALD, Didier Blocus fait valoir une précieuse double vision, à la fois conceptuelle et globale, tout en restant au contact concret et permanent des clients. Morceaux choisis.
Didier Blocus, responsable du développement véhicules électriques & ALD sharing chez ALD Automotive France - Pilotant le développement du véhicule électrique et de ses services associés pour ALD, Didier Blocus fait valoir une précieuse double vision, à la fois conceptuelle et globale, tout en restant au contact concret et permanent des clients. Morceaux choisis.

JOURNAL DE L'AUTOMOBILE. Pouvez-vous nous présenter votre itinéraire professionnel et nous dire dans quelles circonstances vous vous êtes orienté vers le véhicule électrique ?

DIDIER BLOCUS. Après des études sur les technologies de l'information, les nouveaux médias – enfin, les nouveaux médias de l'époque faudrait-il dire ! – et la programmation informatique, j'ai intégré General Motors en 1991, un peu par hasard à tout dire. J'ai beaucoup aimé ce que je faisais au sein de Banque de Crédit GM, aujourd'hui devenue GMAC, autour des sujets du crédit classique, de la LOA (location avec option d'achat). Cela générait une réelle réflexion sur les clients et j'ai d'ailleurs pris par la suite la direction d'un département clients. En fait, dans un premier temps, mon parcours s'est articulé autour de l'automobile et des finances.

Par la suite, Temsys, qui n'était pas encore ALD, m'a contacté parce qu'il voulait créer une nouvelle structure dédiée aux professionnels. J'ai donc rejoint le groupe et pris la direction de ce département. En 2003, alors qu'on commençait à entendre parler de façon régulière de l'environnement et du développement durable dans les entreprises, j'ai rejoint le département international d'ALD. Déjà, les appels d'offres prenaient en compte la dimension environnementale, et toutes les entreprises mettaient en place des départements dédiés à cet enjeu. En 2008, j'ai été promu à la tête du département international et j'ai acquis des compétences de coordination qui se révèlent précieuses aujourd'hui.

Enfin, lors du Mondial de l'Automobile 2010, nous avons tous senti une très forte prégnance du véhicule électrique. Jean-François Chanal a alors décidé de spécialiser un collaborateur à cet enjeu d'avenir et j'ai accepté sa proposition. Mon rôle consiste notamment à coordonner le développement des nouvelles mobilités au sein du groupe et auprès de ses clients.

JA. Comment avez-vous appréhendé ce chantier d'envergure où tout était à faire et où, dans une certaine mesure, tout reste encore à faire ?

DB. J'ai immédiatement réalisé que c'était un gros chantier, car l'électromobilité implique un important changement d'habitudes. J'ai d'ailleurs coutume de dire que c'est la principale différence entre le VE et les hybrides : l'hybride se rapproche plus des véhicules traditionnels alors que le VE change les habitudes.

L'appréhension du VE nécessitait aussi une approche très transversale, avec un volet juridique, un volet fiscal, un volet services très spécifique, sur la maintenance, l'assurance ou l'assistance par exemple.

Ensuite, il a fallu rendre cette nouvelle offre digeste, ludique même, pour que notre force commerciale se l'approprie en toute connaissance de cause et que les clients reçoivent des informations et des conseils très clairs. Surtout que le VE a des caractéristiques propres et qu'il n'a pas les mêmes services que les véhicules thermiques. Ce serait d'ailleurs dommage de se priver des atouts du VE à cause de cela. En outre, on parle bien d'un écosystème, qui dépasse le seul véhicule.

JA. Quelles ont été les premières réactions de vos clients ?

DB. Nos clients, qui connaissent généralement bien l'automobile, étaient vraiment demandeurs de conseil, un conseil très pointu même. Notre rôle a donc aussi consisté à démystifier beaucoup de choses. Par la suite, un fort accompagnement a été nécessaire.

Par ailleurs, loin de tout green-washing, les entreprises ont majoritairement compris que cette démarche pouvait être mise au service de leur image, ce qui est mesurable auprès des collaborateurs comme vis-à-vis de l'extérieur. Les coûts d'investissements ont donc parfois été partagés en partie avec le budget communication. C'est valable pour les grands groupes comme pour des entreprises de taille plus modeste.

JA. Partagez-vous l'idée que les entreprises comme les collectivités sont la rampe de lancement idoine pour le VE ?

DB. On peut sans doute penser que le VE se développera dans un premier temps rapidement via les collectivités et les entreprises, donc via les acteurs de la LLD, mais il ne faut pas penser que c'est une incantation !

Il faut travailler pour le réaliser concrètement et, pour cela, il faut trouver, ou parfois inventer, les bons usages du VE. A un moment, il y avait un décalage entre les discours et la réalité, et c'est vraisemblablement pour cela qu'il a fallu un peu de temps avant les premières concrétisations.

JA. Après le – long – temps de la communication, on constate une première accélération concrète dans l'émergence du VE. Dès lors, redoutez-vous encore le spectre d'un nouveau rendez-vous manqué avec lui ?

DB. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir un nouveau rendez-vous manqué avec le VE. D'autant que nous sommes déjà dans le concret. Chez ALD, par exemple, nous gérons d'ores et déjà plus de 500 VE. En revanche, il est difficile d'avoir des certitudes sur la cadence de développement du VE en volume. Je ne saurais pas vous dire combien de VE seront à la route en 2020…

En fait, l'accélération que vous évoquez s'explique par la convergence de plusieurs facteurs et de plusieurs volontés. Les constructeurs élargissent et affinent leurs offres et les infrastructures se développent. Sur ce dernier point, par rapport à la fameuse réassurance des clients, il est important de mettre des bornes sur la voie publique. En effet, avec votre voiture thermique, vous faites presque toujours le plein dans la même station-service, mais vous êtes rassuré de savoir qu'il y a des stations-service un peu partout.

De plus, le volet sanitaire prend de l'ampleur, l'enjeu de la santé publique trouvant sa juste place. De même, la dimension économique prend aussi de l'envergure et, selon le prix du baril, et surtout le prix des carburants à la pompe naturellement, on voit de vrais ajustements de comportements chez les consommateurs.

Bref, je ne crois pas au risque d'un rendez-vous manqué avec le VE. En revanche, ne nous méprenons pas, chez ALD, nous ne pensons absolument pas qu'il va remplacer les véhicules thermiques à court ou moyen terme. De même, la voiture individuelle ne disparaîtra pas. L'enjeu, c'est de lui associer des solutions nouvelles.

JA. Parmi l'éventail des nouvelles solutions, ALD propose notamment un service d'autopartage, pourquoi cette diversification ?

DB. Au-delà de notre activité et de notre mission de conseil, il était aussi de notre ressort d'avoir un rôle de démonstration concrète. D'où l'autopartage avec ALD sharing, d'où les formations à l'éco-conduite avec ALD drive. D'où encore les journées ALD expérienze : des journées d'essai du véhicule électrique chez les clients pour faire voir et conduire les véhicules, faire connaître les infrastructures et leur utilisation. Même si le TCO (Total Cost of Ownership) et les VR (valeurs résiduelles) restent les juges de paix pour nos clients, l'essai a souvent un réel effet déclencheur.

JA. Par rapport aux valeurs résiduelles, ALD prend-il un risque financier en promouvant le VE ?

DB. Nous prenons un risque, mais c'est un risque maîtrisé. D'autant que nos spécialistes des valeurs résiduelles ont une lourde expérience sur le marché. Cela correspond aussi à une démarche volontaire, volontariste même, d'ALD. Même si le coût d'un VE en termes de TCO reste plus élevé que celui des véhicules thermiques. Par contre, il faut rester lucide et ne jamais déroger à la mission de conseil que j'évoquais. Pour certains clients, le VE ne convient pas, pour diverses raisons, et il faut savoir le dire.

JA. Quelle est votre vision des perspectives qu'ouvre le VE par rapport à des environnements de type smartgrid, par exemple ?

DB. Smartgrid, car to grid, deuxième vie des batteries, roaming... c'est passionnant et c'est assurément l'avenir. Un avenir à vingt ans et au-delà même pour certaines de ces technologies. Cependant, il ne faut pas brûler les étapes et mieux vaut progresser pas à pas, dans le respect d'un juste équilibre économique. Dans un premier temps, il est aussi important de ne pas perdre de vue les demandes concrètes des clients. Il ne faut pas les décevoir, précisément pour ne pas hypothéquer la suite passionnante qui s'annonce.

Article écrit pour la Newsletter du véhicule électrique - Collaboration Avere-France - Journal de l’Automobile

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