"Le système de l’enseignement supérieur ne s’est pas adapté assez vite"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Que représente le Mondial pour l’Isat ?
LUIS LE MOYNE. Cela fait douze ans que nous sommes présents au Mondial. C’est une vitrine pour nous, un lieu où nous pouvons montrer l’état de l’école, ce qui s’y fait. Cela n’a pas un objectif commercial comme peuvent l’avoir les constructeurs. C’est uniquement une question de visibilité : faire connaître l’école et, par effet ricochet, recruter des élèves ou nouer des partenariats avec des industriels. Disons que ce n’est pas en y étant que l’on gagne quelque chose, mais c’est en n’y étant pas que l’on perd quelque chose. C’est aussi là que la renommée de l’école se construit.
JA. Quelle est la typologie des entreprises qui recrutent vos élèves et qu’est-ce qui les attire ?
LLM. Jusqu’à ces dernières années, nous avions 30 % de nos diplômés qui partent chez les grands constructeurs, 30 % chez les équipementiers de rang 1, entre 10 et 15 % dans des PME, 15 % dans des grands groupes aéronautiques. Le reste partait dans d’autres structures. Les années récentes glissent indéniablement vers les grands constructeurs.
Compte tenu de la géopolitique actuelle, il est vital que les entreprises du secteur ne restent pas uniquement sur le moteur de l’innovation. Les étudiants de l’Isat ont cette particularité d’être formés au terrain. Sur l’aspect technique, ils peuvent être opérationnels tout de suite.
JA. Le profil des étudiants évolue-t-il ?
LLM. Ce qui se passe au recrutement de l’Isat est très symptomatique du contexte actuel. Nous constatons que les voies classiques, telles que les classes préparatoires ou les grands concours, sont abandonnées par un public d’étudiants potentiellement intéressés par l’Isat. Ils ne s’y retrouvent pas. Cela pose problème, parce que des étudiants très motivés ne trouvent pas de réponse dans les cursus classiques, et se tournent ainsi vers la technique.
Le système de l’enseignement supérieur ne s’est pas adapté assez vite. Du coup, l’établissement s’est ouvert aux DUT et aux BTS, et plus en amont aux Bac STI et STT, où sont souvent orientés des collégiens qui sont tentés par l’ingénierie automobile. Cependant, les classes préparatoires et grands concours restent majoritaires dans notre recrutement.
Lorsque les effectifs ont diminué, avec un très net détachement des cursus scientifiques, nous avons eu le choix de soit baisser le niveau, soit recruter ailleurs. Nous n’avons pas hésité. Mais l’ensemble des écoles n’a pas encore fait sa mutation. L’Isat sera véritablement opérationnel de ce point de vue l’an prochain. En France, nous avons toujours le mythe de la sélection hyper dure. Or, nous constatons que nos majors de promotions ne viennent pas toujours des classes préparatoires…
JA. Qu’en est-il de la parité dans vos effectifs ?
LLM. La réponse est claire, les filles sont quasiment inexistantes. Aujourd’hui, certaines écoles se targuent d’être à 12 %. Concernant l’Isat, nous sommes cette année autour de 4 % de filles. Nous constatons l’échec de tous les efforts qui sont faits pour les accueillir. Le paradoxe est total, parce qu’il y a une vraie demande en collaboratrices de la part des entreprises. Pour tout dire, à niveau égal, une femme ingénieur a même un petit avantage lors de l’embauche. Notamment parce que les grands groupes ont des exigences en termes de parité.
JA. Vous êtes une école publique, est-ce que, dans les conditions actuelles, votre viabilité est assurée ?
LLM. Nous avons une viabilité assurée, la question de la survie n’est pas posée. Même si le grand luxe n’est plus possible. Désormais, nous étudions sérieusement chaque investissement. Nous allons chercher nous-mêmes nos propres ressources, parce que les dotations de l’Etat sont de moins en moins élevées. Et puis, par exemple, nous proposons des formations payantes à destination des entreprises.
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