La garantie fait sa transition énergétique !
Malgré une croissance annuelle de plus de 25 % des ventes de véhicules électriques neufs depuis 2015, la maturité du marché du VE d’occasion reste faible, observe Daniel Blanckart, responsable commercial France de Covéa Affinity. Le segment demeure anecdotique, abondent Albert Etienne, directeur général d’Opteven, et son directeur marketing, Guillaume Cazenave. Il totalisait moins de 1 % des transactions l’an dernier et devrait atteindre les 7 % d’ici 3 ans, concentrant principalement des modèles de moins de 4 ans. Pour autant, l’enjeu est de préparer le terrain face à l’arrivée attendue des véhicules électrifiés, en particulier des hybrides d’ici 2 ans. "L’évolution sera progressive", d’après les dirigeants.
Pour l’heure, le poids des modèles électriques dans les stocks de VO est corrélé au parc circulant. Avec près de 57 000 véhicules électriques de seconde main vendus en France, "les ventes ont doublé entre 2020 et 2021", observe Pierre Syssau, directeur général adjoint d’Icare. Du côté du garantisseur, l’électrification des gammes est une évolution étudiée de près depuis 2014. "Nous souhaitons soutenir ce marché en devenir du VO et aider nos partenaires à réduire toute incertitude liée à son évolution."
Un manque de données consolidées
Exception faite de Tesla, les constructeurs généralistes ou premium déploient leurs gammes électriques depuis seulement un an ou deux. Avec pour conséquence, un décalage attendu sur le marché de l’occasion. À titre d’exemple, la nouvelle Megane E‑Tech se retrouvera dans les parcs VO d’ici 24 à 36 mois. Pour les garantisseurs, la volumétrie limitée engendre forcément une moindre connaissance des risques. Si l’impact de la première vague d’électrification reste faible dans le périmètre du véhicule d’occasion, les garantisseurs s’attachent donc à capitaliser sur les data multimarques de sinistralité de ce marché. L’objectif est de constituer des bases de données robustes.
Car les véhicules électriques se comportent différemment. Par nature, les pannes concernent moins l’aspect mécanique, mais davantage l’électrique et l’électronique. Si 60 % des composants sont communs aux modèles thermiques, avec un risque de panne équivalent, la sinistralité traditionnelle se complète des pièces spécifiques. La batterie de traction retient particulièrement l’attention. Mais les prises et les trappes de recharge utilisées plusieurs fois par jour, les faisceaux électriques, les convertisseurs… alimentent aussi les défaillances. "A priori, les pannes sont moins fréquentes, mais les coûts d’intervention apparaissent plus élevés, observent les dirigeants d’Opteven qui soulignent le manque de données consolidées. Nous attendons de voir comment vieillissent ces modèles sur la partie électrique et électronique. Nous pensons également que les batteries de traction pourront être réparées à l’avenir."
Un coût des réparations 30 % plus élevé
À ce jour, la prudence statistique s’impose, remarque Pierre Syssau. "Il y a un manque de recul sur les technologies de mobilité électrique », explique pour sa part Daniel Blanckart, d’autant que des plateformes techniques spécifiques apparaissent aujourd’hui sur les nouveaux VE. Toutefois, les premiers enseignements laissent entrevoir un nombre de pannes sur ces motorisations électriques inférieur à celui sur un modèle thermique. Le niveau d’usure serait aussi moindre, notamment en matière de freinage. En revanche, les taux de fréquence tendent à augmenter sur les accessoires spécifiques au véhicule électrique, comme les systèmes de pompe à chaleur ou de refroidissement de la batterie. L’évolution impacte le coût des réparations qui se révèle environ 30 % plus élevé sur une électrique, avec des composants facturés en moyenne 500 euros (hors main‑d’œuvre).
La démarche pionnière d’Icare entend donc répondre aux préoccupations exprimées par les acheteurs, notamment en matière d’autonomie des batteries de traction. "Un VE n’a pas la même couverture d’organes qu’un modèle thermique, poursuit son dirigeant. La différence majeure entre une voiture thermique et une électrique est le groupe motopropulseur, dont la batterie." Ce dernier élément, qui représente près de 40 % de la valeur d’un modèle 100 % électrique, peut bénéficier d’une couverture pouvant atteindre 10 ans. Au regard de l’âge actuel des VE d’occasion, la majorité d’entre eux jouit encore de la garantie constructeur. La question porte sur l’avenir, souligne Daniel Blanckart. Les réflexions engagées concernent la mise en place d’une couverture additionnelle sur des Zoe de plus de 8 ans par exemple. L’évolution fait sens également en cas de financement long d’un achat. Un VO de 12 mois, dont la batterie est couverte pendant 5 ans et qui est financée sur 6 ans, devra disposer d’une extension de garantie de sa batterie.
De l’influence du financement
Par ailleurs, le coût d’achat des modèles électriques se révèle supérieur en moyenne de 30 % à celui d’une version thermique équivalente. Si de tels tarifs favorisent la LOA (location avec option d’achat), ils voient aussi la LLD (location longue durée) à particulier revenir en force. "Dans le cadre de ces financements, les loueurs sont propriétaires des véhicules", rappelle Daniel Blanckart. De fait, les véhicules loués doivent être en parfait état de fonctionnement pendant toute la durée de la location. S’ils ne peuvent pas commercialiser d’extensions de garantie aux clients locataires, les garantisseurs réassurent donc les leasers.
Sur un marché "en devenir" où les distributeurs avancent timidement, les spécialistes de la garantie défendent des stratégies différentes. Pour certains, les couvertures panne mécanique intègrent déjà un certain nombre d’éléments électriques et électroniques. "Tous nos programmes, de la moteur‑boîte‑pont à la tout‑sauf, appliqués aux véhicules thermiques sont compatibles avec les modèles électrifiés (dont les hybrides rechargeables)", explique Gil Warembourg, directeur de CarGarantie pour la France. Un choix qui se retrouve également du côté de Covéa et d’Icare. Outre la batterie de traction, le convertisseur de tension, le module de pompe à chaleur ou encore le connecteur ont rejoint ainsi la liste des pièces garanties par ce dernier. Plus récemment, les toits solaires ou photovoltaïques ont fait leur rentrée. Pour d’autres comme Opteven (ou C2A Garantie avec Eco Green), la mise en place de contrats spécifiques guide l’orientation. Et pour cause. "Couvrir un moteur thermique sur un véhicule électrique n’a pas de sens", estiment ses dirigeants.
Baptisées e‑Move et Blue Power (du côté de Garantie M), les formules bénéficient des enseignements issus des flottes grands comptes. Deux ans après leur présentation, des évolutions sont promises au cours de l’année. Car il apparaît encore nécessaire de lever les appréhensions des automobilistes en matière d’électromobilité. "Les interrogations concernent principalement la durabilité de la batterie de traction", observe Guillaume Cazenave.
Si la prise en charge totale d’un organe qui représente plus d’un tiers de la valeur d’un VE ne figure pas à l’ordre du jour, le garantisseur intervient à hauteur de 5000 euros au‑delà de la garantie du constructeur en cas de remplacement. Pour être en adéquation avec les tendances de demain, il sera utile de disposer d’une garantie exclusivement consacrée à l’électrique, reconnaît Gil Warembourg. CarGarantie prévoit ainsi de lancer une couverture pensée et dédiée aux véhicules électriques. En cours d’élaboration, le futur programme entend répondre à un marché du VE de seconde main appelé à prendre de l’ampleur. L’évolution se fera sans révolution, mais elle devrait corriger certains bémols comme l’absence de couverture de la batterie de traction ou des câbles de recharge dans les contrats généralistes actuels du garantisseur.
Anticiper les évolutions énergétiques et commerciales
En matière de garantie commerciale, la vente de modèles électriques d’occasion favorise d’ores et déjà la souscription des garanties au "forfait". "Sur le VE, la proportion des garanties perte pécuniaire demandées par les distributeurs est plus significative que pour des modèles thermiques", constate Pierre Syssau. Par ailleurs, le besoin de réassurance des professionnels comme du client final sur ces nouveaux véhicules entraîne une "surpénétration" des garanties, analyse Daniel Blanckart. La tendance pourrait conduire à dynamiser le marché dans un premier temps. "Il faut rassurer les clients avec des contenus adaptés pour ce qui est des garanties, en incluant de nouveaux éléments comme le câble de recharge ou même les prises murales qui font partie de l’environnement des VE", indique‑t‑il.
La problématique est aussi liée à la valeur résiduelle des modèles électriques à une échéance de 5 à 7 ans, un paramètre peu anticipé par les constructeurs, mais qui est intégré dans le calcul des couvertures. À terme, les évolutions énergétiques, de commercialisation via l’autopartage et de financement en LOA/LLD des VO de demain pourraient bien repenser la garantie panne mécanique actuelle. Avec un élément supplémentaire à prendre en compte. La garantie panne mécanique constitue un outil de fidélisation. Elle sera encore plus stratégique à l’avenir, estime Gil Warembourg. Les ateliers assurent un taux de couverture des frais fixes des distributeurs de l’ordre de 80 %, nous rappelle‑t‑il. L’essor du VE, dont l’entretien se limite aux pneumatiques, aux balais d’essuie‑glace et dans une moindre mesure au freinage, promet de remettre en cause cet équilibre.
Ludovic Bellanger
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