Garder un fond d’humanité
"Lors de vos achats en magasin, sollicitez-vous l'aide d'un vendeur pour vous accompagner dans votre achat ?" A 86 %, la réponse à cette question est "non". Les Français bouderaient-ils les vendeurs sur le lieu de vente ? Il faut le croire, en partie tout au moins. Ce constat résulte d'une étude sur la qualité de service et les attentes des consommateurs, menée par l'institut, à la fin du mois de mai, pour le compte d'Elyon, spécialiste mondial en logiciel pour le métier de la distribution. Réalisée auprès de 1 006 personnes, elle retranscrit les grandes tendances du moment.
Si les clients tardent à s'adresser à un vendeur, c'est d'abord, parce qu'à 52 % ils savent exactement ce qu'ils vont acheter. Ensuite, il y a une méfiance évidente à l'égard des conseillers en point de vente. Presque 7 Français sur 10 sont d'avis que les vendeurs orientent selon leur logique commerciale, privilégiant leur commission ou leur marge. A noter que cette tendance n'est pas liée au sexe du client. Les hommes se font aussi méfiants que les femmes. Enfin, notons que 86 % des Français déclarent se retrouver bien trop souvent face à des professionnels qui ne connaissent pas leurs produits.
Les clients arrivent donc en point de vente de plus en plus informés. De surcroît, les sondés affirment à 60 % que le vendeur n'exerçe aucune influence sur leur décision finale (67 % chez les CSP +, cadres supérieurs et profession libérale). En poussant l'enquête un peu plus loin, l'institut Ifop a fait rejaillir un paradoxe assez intéressant. Si, comme beaucoup s'accordent à le dire, Internet tend à prendre le pas et si, 55 % des interrogés ont confirmé avoir déjà abandonné un achat en cours à cause du comportement du vendeur, le rapport humain reste privilégié. On juge encore que la meilleure qualité de service se trouve dans un point de vente physique, à 71 % contre 29 % pour Internet.
Cette bonne appréciation des efforts réalisés autour du service provient en partie de la disponibilité des équipes et des produits. Les horaires d'ouverture se placent en tête des items, avec 87 % de satisfaction.
Et dans l'avenir, quelles seront les attentes des clients ? En tête vient la connaissance des produits par les vendeurs (69 %), la capacité de conseil (37 %), la politesse (27 %), la disponibilité (24 %), l'écoute (16 %) et enfin l'accueil (11 %). Autant d'espoirs qui abondent en fin de compte dans un seul sens : conserver une grande part d'humanité dans l'acte d'achat.
Mercedes grimpe, l'automobile chute
Cette étude de l'Ifop avait été précédée de quelques semaines par une enquête de Bearing Point en partenariat avec TNS Sofres. Pour la septième année consécutive, celle-ci a sondé 4 000 clients de marques issues de onze secteurs d'activités parmi lesquelles figurait l'automobile. Nous avons déjà relayé cette information (journalauto.com), mais rappelons tout de même que c'est Mercedes qui a imposé son style. Mieux, les clients ont élu leur constructeur, champion toute catégorie. Un beau doublé.
La marque à l'étoile en avait besoin. Il n'y a encore pas si longtemps, les analyses et études consommateurs aboutissaient à des notes qui, il faut le dire, n'étaient pas à la hauteur de sa notoriété. Mais c'est peut-être son succès, le fantasme que l'étoile inspire, qui lui a joué des tours. Mercedes a dû adapter ses outils aux exigences pour parvenir à ce résultat en 2010. "Les process ont été standardisés et appris de tous dans le réseau", soulignait Harry Salamon, en marge de cette remise de prix. Le directeur général services de Mercedes France a été le grand ordonnateur de la révolution Mercedes.
Eric Falque, associé de Bearing Point et spécialiste de la relation client, abonde dans ce sens. Il souligne l'efficacité de la stratégie de Mercedes qui a consisté à "personnaliser l'approche clientèle en étant performant sur la qualité de contact et la gestion des retours à l'après-vente". Un traitement vis-à-vis duquel les clients de la marque ne sont pas restés insensibles, attribuant une note "proche de 7,5/10", révèle Eric Falque.
Outre Mercedes, dix autres marques ont atteint le seuil de représentativité pour apparaître dans cette étude : Renault, Peugeot, Citroën, Fiat, Ford, Nissan, Opel, Audi, BMW et Toyota, l'habituel premier qui a "probablement fait les frais de ses ennuis médiatiques du début de l'année", commente-t-on chez Bearing Point. Surprenant lorsque l'on connaît la manière dont le constructeur et son réseau ont géré la campagne de rappel.
Quant à Audi, en phase de conquête, il abordera sous peu la deuxième étape, celle qui consiste à se structurer en fonction des volumes réalisés. "Ce qui reste complexe", défend Vincent Dupray, directeur du développement de TNS Sofres. En attendant, les chiffres ne plaident pas encore en faveur de la marque aux anneaux, "qui montre du mieux", nuance-t-il.
Autre constatation faite par l'étude du Service client de l'année 2010, c'est que l'automobile n'échappe pas à la tendance qui veut que tous les secteurs soient en recul dans leur notation. "Le jugement et les attentes des consommateurs se sont endurcis avec la crise", rapporte Eric Falque. L'automobile passe d'une note moyenne de 7,4 à 6,77 et cède la première place à la distribution spécialisée, pour terminer sur la troisième marche du podium.
La relation digitale en ligne de mire
Comme à chaque élection du Service client de l'année, une thématique est choisie. Cette 7e édition aura accordé de l'importance à la relation digitale. Un angle d'enquête qui aura eu le don de cristalliser des lacunes dans le secteur auto. "L'automobile est bien notée sur le critère de la relation humaine, celle où il y a un fort enjeu sentimental", rapporte Alexandre Goy, consultant automobile chez Bearing Point. Si les constructeurs excellent dans la réactivité et la qualité des relations, ils pèchent quand il s'agit de faciliter la prise de contact et l'accès à l'information et aux services proposés. Cela doit devenir une priorité pour eux dans un contexte où la demande des consommateurs pousse en ce sens. Les sondés ont déclaré vouloir recevoir plus d'offres promotionnelles de la part de leur marque. A 41 %, ils privilégient le canal du courrier électronique, 17 % ont une préférence pour Internet, 16 % souhaitent encore que cela se fasse par voie postale et 4 % apprécient la communication par SMS. 43 % aimeraient en définitive être tenus informés en temps réel, à en croire les résultats de TNS Sofres.
Autre donnée édifiante : l'adhésion au concept d'espace clients en ligne. 83 % des 4 000 sondés ont activé un compte personnalisé auprès d'au moins une marque. Le secteur bancaire réalise une pénétration de 70 %. Dans l'automobile, cette part fait une chute abyssale, à 8 % ! Sachant qu'en moyenne, un consommateur possède quatre espaces clients, toutes marques confondues. A quoi est-ce imputable ? "Probablement à la relation entre constructeur et concessionnaire, qui sur le sujet n'est pas très claire, avance Alexandre Goy. Il faut dire qu'en Europe, nous sommes encore trop concentrés sur le produit et pas assez sur l'individu", précise-t-il, en prenant les Etats-Unis en point de comparaison. Le système de transaction, le relationnel et l'expérientiel sont trois dimensions qu'il convient de "travailler en parallèle, sans s'attacher particulièrement à l'une ou l'autre", conseille Eric Falque. Pour la première, il s'inspirerait du procédé mis au point par le site d'e-commerce, Amazon.fr. Un "modèle du genre", reconnaît-il. En second lieu, il évoque Mu by Peugeot et enfin en troisième lieu, il répète l'intérêt des "concept-store" comme on en rencontre sur l'avenue des Champs-Elysées (Mercedes, Toyota, Renault entre autres et, depuis peu, Fiat) ou dans le réseau MINI.
Toyota repart de zéro
Mercedes remporte un beau succès. Indéniable. Mais le caractère presque surprenant de cette annonce ne saurait estomper l'autre grande nouvelle : la défaite de Toyota. Ce champion que l'on croyait incontestable, celui qui servait de référence, a été battu sur ce terrain qu'il a fait sien au fil des années. Cependant, la marque prépare sa contre-attaque, à en croire les récentes confidences de Daniele Schillaci, président de Toyota France. Une réforme des plus ambitieuses, tant la méthode de travail du Japonais s'en trouvera changée. Une nouvelle approche stratégique qui entrera en vigueur au fil du second semestre 2010.
Selon des sources proches du dossier, Toyota a identifié toute une série de faiblesses dans son actuel process. En tête de cette liste, se trouverait le manque de couverture des temps forts de la relation client. Le constructeur estimerait également qu'il y a un manque de communication entre les services dirigeants et le réseau de concessionnaires, ce qui d'ailleurs débouche sur la troisième problématique, à savoir le manque de coordination entre la politique commerciale dictée et les impératifs de la gestion de la relation client (GRC). Tout ceci restant relatif au regard d'autres marques. Enfin, la direction nationale déplorerait l'absence de fonds destinés à récompenser la fidélité des clients.
Quatre points qui menacent la performance relative aux taux de fidélisation et de rétention des clients de la marque, et tout autant de déficiences qui exigeaient des réponses. Les premières n'ont pas tardé à venir. En effet, depuis le mois de mai, le site Internet, clubtoyota.fr, a subi une refonte. Le rubriquage, la web TV, la gestion de comptes personnalisés ou même le e-Mag ont évolué pour être rendus plus attractifs. Devraient s'en suivre, au mois d'octobre et le Mondial de l'Automobile, des ajouts tels que la possibilité de prendre rendez-vous, une interface de gestion du véhicule (par exemple, le carnet d'entretien), un module de réclamation et suivi de dossier, ainsi que des vidéos didactiques.
C'est à peu près à cette échéance que la marque lancera deux autres grands projets. D'un côté, il y aura un consumer magazine et d'un autre, on parle d'un programme de fidélité visant à récompenser les conducteurs de Toyota qui consomment des produits et services, en concession ou sur le web. Plus proche de nous dans le calendrier et tout aussi révolutionnaire chez le constructeur nippon : le système de parrainage. Selon notre source, Toyota chercherait à tirer profit au maximum du bouche à oreille en l'encourageant de la sorte. Tout cela s'accompagnera d'un renforcement des campagnes de mailing, à la fois pour souhaiter la bienvenue, mais aussi pour informer en continu sur l'évolution de la marque, de sa gamme de produits et de ses services. A la fin, Toyota se veut en mesure de définir un profil précis de chaque client dans le but de savoir exactement quel sera le moment idéal pour le contacter et lui faire une proposition.
Bien entendu, il y aura des garants de la bonne application de cette réforme. Un comité de pilotage de la GRC sera constitué avec tous les acteurs de la branche, dont Toyota Financial Service et Toyota Assurance. Le constructeur a eu l'humilité de se remettre en question alors qu'il était considéré comme au sommet de son art. N'est-ce pas là les fondements de la définition du Kaizen ?
QUESTIONS ÀVincent Dupray, directeur du développement TNS Sofres Journal de l'Automobile. D'une année sur l'autre, quelles sont vos observations quant à l'évolution de la GRC dans l'automobile ? JA. La victoire de Mercedes est-elle une surprise pour les analystes ? JA. Que peut-on dire des autres marques intégrées à l'étude ? |
ZOOMFidéliser par le jeu Conjuguer les enjeux de la relation client et les questions environnementales, c'est possible. Opel en est l'exemple. Le constructeur allemand achève une vaste opération à l'échelle européenne qui s'arque autour d'un jeu-concours accessible à l'ensemble des conducteurs de la marque, quelle que soit leur ancienneté dans la "famille". Baptisé Ecoflex, ce défi commence en ligne (rubrique "Green drivers wanted") avec un questionnaire de rapidité sur le thème de l'éco-mobilité. Les meilleurs joueurs accèdent ensuite à une épreuve d'éco-conduite virtuelle. Ainsi, les internautes se familiarisent avec la gamme et reçoivent des conseils en matière d'entretien (pression des pneus, huile moteur, climatisation, frein moteur, coffre de toit, surcharge…). Opel offre également un passage en atelier pour que l'usager bénéficie d'un diagnostic électronique gratuit et, cas échéant, une mise à jour de la cartographie. "Cela prend 15 minutes et entretient les connaissances des conseillers service, explique Frédéric d'Agostino, directeur marketing après-vente d'Opel. Les concessionnaires se prêtent volontiers au jeu, bien qu'il n'y ait aucun dessein commercial, car ils reprennent contact avec des voitures entretenues hors réseau", assure-t-il. A fin juin, plus de 800 vouchers ont été téléchargés en France par des clients. |
Photo : A leur entrée en point de vente, les clients en savent de plus en plus, voire même trop au goût des commerciaux dont la fonction est réduite à la simple validation du choix réalisé par l'acheteur. C'est en tout cas ce que tendent à démontrer les différentes études Ifop et TNS Sofres.
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