Garantie VO - Le particulier : y aller ou pas ?
C’est la statistique qui chiffonne toujours un peu : plus de 60 % des transactions de VO en France se concrétisent entre particuliers. Elle dérange les professionnels car c’est une grosse partie du marché qui leur échappe, mais aussi parce qu’il ne se passe pas un mois sans qu’on le leur rappelle. Les spécialistes de la garantie connaissent cette statistique. Voilà même déjà quelques années que cette cible alimente leurs réflexions. Faut-il aller capter le marché des particuliers ? Et si oui, comment ? A cette question, aucun acteur n’a aujourd’hui trouvé la réponse idoine. “Le marché du particulier à particulier a son propre fonctionnement et aucun acteur ne peut se targuer aujourd’hui d’avoir trouvé la solution pour le pénétrer avec des résultats concluants”, relève Laurent Geffard, directeur général de CarGarantie pour l’Europe de l’Ouest. Ce qui ne signifie pas qu’ils restent inertes sur le sujet. Au contraire, ils testent des partenariats, expérimentent des nouveaux canaux, ils avancent d’un pas, reculent de deux. Ils tâtonnent. Et c’est plutôt logique. “Nous sommes génétiquement une entreprise B-to-B. Notre métier est de créer des solutions de fidélisation et de conquête à destination des professionnels, et non de commercialiser de la garantie en direct à des clients finaux. Pour autant, même s’il ne s’agit pas de notre vocation première, nous ne pouvons plus nous contenter d’un positionnement uniquement B-to-B et devons continuer à expérimenter ce marché”, résume Pascal Briodin, directeur général d’Icare. C’est tout l’enjeu et la complexité du sujet, qui n’est en rien naturel dans la stratégie des garantisseurs, et qu’il convient toutefois de ne pas laisser passer. “Cette cible ne représente pas un enjeu crucial dans le développement de CarGarantie. En revanche, si nous manquons ce virage, cela peut se révéler problématique. Nous nous devons donc d’être attentifs et prêts car ce marché est important, et pas qu’en France”, confirme Laurent Geffard.
NSA Gras Savoye défriche le terrain
Evidemment, les sons de cloche diffèrent selon les stratégies adoptées par les uns et les autres. “Comment ne pas s’intéresser à ce marché qui pèse 60 % des transactions de VO en France ? Et si nous prenons en compte le parc automobile dans sa globalité, c’est un potentiel de 30 millions de véhicules que nous pouvons capter. Il y a clairement plus de gisements de croissance sur le marché du B-to-C car les concurrents sont moins présents”, expose Pierre Rivoire, directeur général de NSA Gras Savoye, qui a anticipé ce mouvement en lançant en 2012 son site www.garantip-top.com, qui propose aux particuliers de souscrire en ligne aux offres Start, Car, Drive et Gold, déclinables sur 6, 12, 24 et 36 mois. Le site représente à ce jour la réponse la plus aboutie à cette problématique, bien que les volumes représentés ne soient pas éloquents. “Les remontées sont très encourageantes et intéressantes, même si nous pouvons émettre un bémol quant au manque de notoriété du site. C’est un sujet sur lequel nous travaillons actuellement, en complément de l’achat d’AdWords qui nous permet d’avoir un bon positionnement sur Google. C’est un nouveau business, complémentaire de nos activités B-to-B, qui participe à l’équilibre et à la pérennité de la société”, défend le dirigeant, qui revendique la conquête de 5 000 clients en deux ans et un volume de 200 garanties contractées sur le premier trimestre 2014. Aujourd’hui, cette activité pèse 20 % du chiffre d’affaires de NSA Gras Savoye.
Les particuliers, des concurrents pour Ciranno
Cette offensive tranche fortement avec la position de Cirano, qui ne joue clairement pas sur le même terrain de jeu. “Quand bien même ce marché est important, nous n’avons pas pour ambition de le pénétrer, mais au contraire d’accompagner les professionnels et de développer des services pour augmenter leur poids dans les transactions de VO, au détriment justement des particuliers, qui sont notre premier concurrent, affirme Sébastien Héripret, président de Cirano. De plus, les transactions entre particuliers, c’est toujours un peu la loterie. Le risque étant plus important, la garantie vendue sur un site de petites annonces affiche un coût cinq à six fois plus important qu’une garantie vendue chez un professionnel.”
Des tentatives peu concluantes sur la Toile
Concrètement, c’est sur Internet que les principaux efforts se concentrent à l’heure actuelle, même si les retours d’expérience se révèlent encore très mitigés. “Les portails Web restent la porte d’entrée la plus efficace à ce jour pour toucher les particuliers”, estime Laurent Geffard, dont le groupe mène depuis ce début d’année, en Allemagne, des tests avec le site Mobil.de. Icare a également initié des expériences sur le Web avec les sites Ouest-France Auto, AutoScout24 ou encore CarteGriseMinute. “Elles se sont révélées intéressantes sur un plan pratique et marketing, nous en avons tiré des enseignements, en revanche notre taux de réussite était vraiment faible. Mais nous nous devions d’y être”, rapporte Pascal Briodin. “Nous avons également contracté par le passé des accords avec des sites de petites annonces qui s’étaient révélés peu concluants. Le marché n’était peut-être pas mûr”, soulève Albert Etienne, directeur commercial et marketing d’Opteven.
Mapfre Warranty mise sur le Net…
Seule peut-être, Mapfre, qui accompagne le site AutoReflex depuis quatre ans via un contrat d’assurance en marque blanche et Ouest-France Auto depuis janvier, semble vouloir persister dans cette voie. “Nous avons l’ambition d’être présents en B-to-C et sur la vente en ligne, c’est un axe stratégique pour Mapfre France”, annonce Alexandre Coyas, directeur général, qui revendique un volume de ventes de 200 garanties par mois en moyenne via le site AutoReflex. Et d’observer : “Dans le cadre de la première année de renouvellement, une fois que la garantie est arrivée à son terme, nous avons un taux de chute de 40 %. Lors du deuxième renouvellement, celui-ci est de 20 %. En moyenne, passé les trois ans, cela devient plus aléatoire.” En ce début d’année, la filiale du groupe espagnol a même étendu son partenariat avec ces deux acteurs, dans l’optique d’offrir à un acheteur de VO une garantie d’un mois, couvrant les pièces moteur-boîte-pont, s’il achète son VO à un particulier. Une telle offre permet d’augmenter la visibilité de l’annonce et de rassurer l’acquéreur du véhicule. Pour Mapfre, c’est un levier pour capter une nouvelle clientèle. “Ces deux vitrines génèrent entre 4 000 à 5 000 annonces par mois émanant de particuliers. Nous pensons pouvoir capter entre 4 et 5 % de ces annonces”, entrevoit Alexandre Coyas. La société n’exclut pas de poursuivre ses rapprochements sur la Toile en ciblant d’autres typologies d’acteurs, tels que les sites de financement et de leasing, les spécialistes de l’entretien de la voiture, les comparateurs et les courtiers d’assurance, grâce à des solutions complémentaires. L’enjeu : faire du “cross-selling” pendant la durée de vie de véhicule via différentes typologies de garanties. “L’appétence sur les produits de garantie est claire et évidente, cela reste un petit marché en France, mais l’intérêt existe et va augmenter. Dès lors, les parts de marché sont vouées à croître et il faut être présent, poursuit le dirigeant. Le produit perte financière est celui qui représente le plus fort potentiel sur le Web pour les particuliers, car nous sommes les seuls à le faire en dehors du financement, mais également pour les revendeurs car il est fidélisant. Il ne s’agit pas de se disperser, mais plutôt de développer des partenariats qui font sens.” En France, la société accompagne également le réseau d’agences automobiles AutoEasy, spécialisé dans l’aide à la vente de voitures, ou encore le distributeur multimarque Car One.
… et prépare son site de souscription
Plus encore, Mapfre Warranty entend franchir une nouvelle étape via le déploiement, fin 2014-début 2015, de son propre site Internet afin de toucher, en direct, les clients finaux au moment de l’acquisition, mais également pendant la durée de vie du véhicule. Un développement qui se rapproche de celui adopté par NSA Gras Savoye. “Il y a plusieurs moments stratégiques pour capter ce client, par exemple entre deux contrôles techniques ou lorsque le carnet d’entretien arrive à échéance. Il faut être présent à cette étape-là. Cette approche directe a du sens et complète notre approche avec les professionnels”, détaille Alexandre Coyas. Un projet ambitieux, mais également très osé tant la notoriété des acteurs de la garantie est faible, voire inexistante en France, auprès du grand public. Seuls les groupes NSA Gras Savoye et Mapfre Warranty semblent converger à ce jour vers la création d’une vitrine de vente dédiée. “Développer son propre portail de souscription implique une forte visibilité, mais plus encore de gros moyens en communication pour être reconnu sur ce type de prestation. De plus, je ne suis pas convaincu que ce soit notre vocation. Nous restons avant tout des acteurs de l’ombre, qui travaillons en marque blanche pour le compte des constructeurs et des acteurs de la distribution”, juge Laurent Geffard. Anthony Fienberg, directeur général de The Warranty Group pour la France, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, doute de son côté de l’intérêt des internautes pour ce genre de sites dédiés : “Les acheteurs de voitures ne se réveillent pas le matin en se disant : “Tiens, il faudrait que j’achète une garantie.” Un produit de garantie se vend, il ne s’achète pas. Nous n’allons pas créer un site Web The Warranty Group pour commercialiser nos offres aux particuliers ou lancer notre marque, ce serait un non-sens.” Et de prévenir : “Nous pensons qu’il existe une autre façon d’opérer et nous y travaillons depuis déjà plusieurs mois, avec des partenaires, sur la base d’une expérience menée dans un autre marché. Il s’agit d’un processus très long qui devrait aboutir avec un premier pilote fin 2014, avant un lancement espéré en début d’année prochaine.”
Un déficit de notoriété rédhibitoire ?
La société Icare a pu mesurer ce déficit de visibilité à travers des focus groupe, des enquêtes de satisfaction et d’image menées pour la première fois fin 2013 auprès des particuliers. La finalité : “Interroger le client sur les différents services apportés par les professionnels durant le cycle de vie de l’automobile afin de mieux définir nos offres et notre positionnement au gré de ces différentes étapes, explique Pascal Briodin. Il en est ressorti que la garantie est un service méconnu du grand public. En revanche, nous n’avons pas observé de méfiance ou de retours négatifs spontanés liés à ce type de prestation.” Malgré ce handicap notable, la société espagnole Mapfre Warranty avance toutefois quelques certitudes. “Certes, nous n’avons pas de notoriété grand public, mais nous avons acquis un solide savoir-faire dans la gestion du trafic en Angleterre comme en Espagne. Nous sommes donc plutôt confiants”, défend Alexandre Coyas, qui fait notamment référence au site britannique www.insureandgo.com dédié au voyage, qui sera déployé en France cette année et donc décliné au secteur de la garantie panne mécanique dans la foulée, sous un nom encore inconnu.
L’Eldorado britannique
Tous les acteurs du marché citent volontiers le Royaume-Uni, qui est autant une référence qu’une anomalie en Europe, en raison des mentalités et des comportements des particuliers très orientés en faveur des produits liés à la protection, l’assurance ou encore les garanties. “Les Britanniques sont beaucoup plus éduqués sur le sujet qu’en France et achètent directement les contrats d’assistance ou d’extension de garantie auprès des compagnies”, rapporte Albert Etienne. “Ainsi, 50 % des assurances voyage sont vendues sur le Net au Royaume-Uni, alors qu’en France cela reste très confidentiel”, illustre Pascal Briodin. La méconnaissance des produits, mais plus encore leur complexité représentent un autre frein dans cette quête. “Il s’agit de produits techniques qui s’expliquent et qui se commercialisent en face à face, et non pas via un module sur le Net. La valeur sera plus forte si c’est notre client professionnel qui commercialise l’extension de garantie”, poursuit le directeur général d’Icare. Toutefois, il n’est pas rare que le garantisseur prenne en main la commercialisation des produits de garantie en direct auprès des particuliers, mais au profit des points de vente. “Le professionnel nous confie son portefeuille de clients VN et VO, et nous allons vendre des extensions dans le but de conserver la relation commerciale et de faire tourner l’après-vente. Cette mission nous incombe car elle repose sur une logistique importante que les professionnels n’ont pas les moyens de mettre en œuvre. Nous intervenons un mois avant l’échéance de la garantie pour le VN, un mois également pour les extensions et les labels VO. Cela permet de conserver le client tout au long du cycle de vie du véhicule avec une offre adaptée au produit, à la marque et au distributeur. Il ressort de cette approche qu’un client sur dix souscrit, ce qui est très supérieur aux taux observés sur les relances par mailing et papiers, qui se situent entre 1 et 2 %”, rapporte Sébastien Héripret. Icare pousse en ce sens depuis l’an passé et expérimente depuis quelques semaines de nouvelles solutions de relance des clients. “Nous développons un produit, baptisé “Aeris”, qui assure une relance systématique du client dont la garantie arrive à échéance, afin d’étendre la prestation dans la durée. Nous menons des tests avec deux constructeurs sur un programme du même type. Nous déployons également la prestation dite “relance tardive”, qui consiste à contacter un mois après la vente du véhicule un acheteur qui n’a souscrit aucun service”, détaille Pascal Briodin.
Fidéliser avant de parler de conquête
Finalement, si le client final est au cœur des préoccupations des spécialistes du marché, c’est encore et toujours dans le cadre du schéma traditionnel B-to-B-to-C. Les spécialistes n’entendent pas déroger de leur statut d’accompagnateurs et de prestataires pour le compte des professionnels du marché de l’occasion. C’est leur mission première et, surtout, il reste du travail à accomplir pour améliorer la relation entre le point de vente et le client final, avec pour perspectives prioritaires de conserver ce dernier. “Nous constatons que les marques, aussi bien en France qu’en Allemagne, ne sont absolument pas satisfaites des taux de pénétration de leurs ventes d’extension de garantie ou de contrat d’entretien. Avant même de penser à capter l’acheteur qui n’avait pas souscrit à une offre auparavant, le problème de fond est surtout de faire revenir le client existant”, soulève Anthony Fienberg. “Cela coûte en effet moins cher de fidéliser ses clients que d’aller en capter de nouveaux, corrobore Albert Etienne. Nous venons d’ailleurs de développer une application mobile afin de renforcer le lien entre la société et le client final, qui assure une meilleure compréhension du contrat ainsi que du process de prise en charge. L’objectif est d’entretenir le lien existant et de conserver le client le plus longtemps possible, et pas seulement six mois. Si nous faisons bien notre travail, nous arrivons à le prolonger deux fois en moyenne.” Et pour bien faire son travail, il est plus que jamais nécessaire de suivre à la trace les clients finaux et d’identifier leurs attentes, même pour le compte des professionnels.
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FOCUS - Un CRM VO en préparation pour Cirano
Le spécialiste de la garantie s’était illustré à l’été 2012 avec le lancement de son site Internet Carvivo, dédié exclusivement aux annonces de professionnels de l’automobile. Avec des ambitions très élevées : atteindre la barre des 100 000 annonces un an après le lancement. La société avait alors signé une convention avec le CNPA afin de promouvoir la vitrine auprès de ses adhérents. Clairement, le site n’a pas eu l’impact escompté auprès des professionnels de l’occasion, faute d’investissements massifs. Il est d’ailleurs actuellement inaccessible. Toutefois, Carvivo a permis à la société de mieux appréhender et identifier les attentes des spécialistes du VO, remontées qui ont ainsi façonné une nouvelle réflexion et un projet de CRM VO, actuellement en cours de déploiement. “Une centaine de professionnels ont déjà souscrit à l’offre Cirano WEB CRM VO”, informe Sébastien Héripret, président de Cirano.
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FOCUS - Nouvel actionnaire, nouvelles ambitions pour Opteven
L’ex-RAC France ambitionne de nouveau de gagner du terrain sur le marché de l’assistance et celui de la garantie panne mécanique, des domaines d’activité qui devraient peser à part égale dans son chiffre d’affaires, attendu à un peu plus de 100 millions d’euros en 2014. “Dans les quatre ans, nous devrions pouvoir atteindre les 150 millions d’euros de CA”, entrevoit même Jean-Matthieu Biseau, le P-dg d’Opteven. Et pour y parvenir, l’entreprise s’appuiera sur un nouvel actionnaire majoritaire : le fonds d’investissement Capzanine. Depuis le 16 avril, cet opérateur est actionnaire d’Opteven à 67 %, le solde de l’actionnariat se répartissant ensuite entre Aviva à 17,5 % et les salariés et managers de l’entreprise à 15,5 %. Fort de ce nouvel actionnaire, Opteven entend prendre une nouvelle dimension aussi bien en France qu’en Europe. La société réfléchit ainsi à des opérations de croissance externe et compte accélérer son développement à l’international, avec l’ambition de remporter des contrats paneuropéens tels que celui signé l’an dernier avec le groupe Volkswagen. Armindo Dias
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