Entretien avec Michèle Pappalardo, présidente de l’Ademe : "C'est à nous, Français, de faire bouger l'auto"
...de l'Automobile. Rappelez-nous les actions de l'Ademe dans le monde automobile ?
Michèle Pappalardo. Nous avons des missions assez diverses. Nous finançons la recherche, privée ou publique, nous faisons se rencontrer les partenaires. Ensuite, nous avons un rôle d'expertise et de conseil auprès de l'Etat, des collectivités locales et des entreprises. Nous développons également des outils et des méthodes comme le plan de développement des entreprises (PDE). C'est une démarche qui établit un diagnostic et des propositions pour réduire les émissions de gaz à effets de serre liées à la mobilité de l'entreprise. Quant au public, nous avons également une mission de communication et d'explication.
JA. Quelles sont par exemple les avancées que nous devons à l'Ademe ?
MP. Depuis fin 2004 et la hausse du prix du pétrole, nous avons sorti une plaquette sur les dix gestes de bon comportement de l'automobiliste. Nous sommes également consultés, et parfois porteurs de projets, sur des thèmes comme la réforme de la taxe sur les véhicules de sociétés
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JA. Que faites-vous pour aider à cela ?
MP. Nous proposons une aide à l'investissement pour les particuliers et les entreprises qui décident d'acheter des véhicules propres. L'Etat a substitué le crédit d'impôt à notre aide. Aujourd'hui, c'est donc l'Ademe qui aide financièrement les achats vertueux.
JA. Que pensez-vous de l'action du gouvernement pour installer la filière des bio-carburants en France ?
MP. Il faut bien faire comprendre qu'un bio-carburant n'est pas miraculeux en soi. Il y a la manière dont on le produit qui entre en ligne de compte. Il faut prendre en compte l'ensemble du bilan énergétique. Aux Etats-Unis, il y a un débat pour savoir s'il est possible de relâcher les contraintes environnementales qui planent sur la production.
JA. Ce n'est donc pas la solution énergétique que vous privilégiez ?
MP. Toutes les solutions doivent être examinées. Avec les bio-carburants, nous ne parlons pas de substitution, mais des diversifications. Il faut des mélanges faibles et des mélanges forts, notamment pour le bio-éthanol. Il faut donc faire en sorte que tout soit clair pour le client. Nous attendons notamment, avec grand intérêt, l'arrivée des bio-carburants de 2e génération.
JA. Qu'attendez-vous de l'observatoire des prix des bio-carburants récemment mis en place ?
MP. J'aimerais que quelqu'un s'engage sur le coût de la défiscalisation des bio-carburants, mais personne ne le fait. Parce que le fait de ne pas surtaxer ces carburants est évidemment une nécessité. Nous souhaitons arriver à un moment où l'on n'aura plus besoin de défiscalisation. C'est-à-dire à un moment où il sera aussi rentable de produire des bio-carburants que de produire du pétrole. Tout ce qui peut mettre de la transparence et de l'information sur le sujet est néanmoins une bonne chose.
JA. Les français progressent-ils en matière d'émissions polluantes ?
MP. En France, nous sommes l'organisme qui valide les essais de véhicules pour les émissions de gaz à effets de serre. Nous sommes donc bien placés pour voir qu'ils font de beaux progrès. Il n'y a qu'à observer les résultats annuels du Car Labelling pour comprendre qu'ils font partie des plus vertueux. En revanche, sur les autres formes de propulsion, ils font moins d'efforts. Les constructeurs français vont continuer à nous dire qu'il est préférable d'utiliser les carburants classiques. C'est un choix.
JA. Croyez-vous au tout électrique ?
MP. Il y a une dizaine d'années, les efforts qui avaient été faits concernant l'électrique n'ont pas porté les fruits escomptés. Nous n'avions notamment pas mis en place les structures nécessaires pour les utilisateurs. Mais aujourd'hui les choses ont changé. Nous soutenons d'ailleurs financièrement Dassault et Heuliez sur le projet Cleanova II. Nous rencontrons aussi régulièrement Bolloré pour faire le point sur les travaux de son groupe. Ce sont forcément des avancées intéressantes.
JA. N'avez-vous pas l'impression que certains traînent les pieds ?
MP. Quand tout allait bien, l'industrie n'avait pas d'intérêt à s'affranchir du pétrole. Il faut le dire clairement. Mais aujourd'hui, tout le monde s'y retrouve. Le consommateur regarde désormais son automobile de manière un peu différente. Notamment en raison des frais plus importants que son utilisation entraîne. Le contexte n'est donc plus le même que celui des années 90. Les choses doivent bouger. Et c'est à nous, Français de faire bouger l'auto. Car, soit les étrangers nous damerons le pion, soit les consommateurs n'adhéreront plus.
JA. Au niveau du traitement des déchets, pensez-vous qu'il faille organiser l'ensemble de la filière sur le modèle d'Aliapur ?
MP. Pour les métiers de l'automobile, il faut un seul référent en matière d'environnement. Ce que nous voudrions, en effet, c'est un système unique. Malheureusement, ce n'est pas possible. Nous aimerions simplifier la coordination entre les différents organismes. Voilà deux ans que nous menons une campagne auprès des professionnels sur ce thème. Nous poussons en faveur des labels et des logos.
JA. Avec quel type d'actions ?
MP. Les principaux outils pour le changement de mentalité sont incontestablement les organisations professionnelles. C'est pour cette raison que nous soutenons leur démarche. Régulièrement, nous nous entretenons avec le CNPA au sujet de leurs démarches environnementales. Sur la méthode, nous avons par exemple travaillé avec le CNPA sur l'Observatoire national des déchets de l'automobile (ONDA). Peu à peu, les professionnels sont davantage sensibilisés à la nécessité d'un tri raisonnable de leurs déchets. J'ai d'ailleurs bon espoir en la matière.
Propos recueillis par
David Paques
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