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E-Commerce : monde virtuel, attente réelle

Publié le 21 novembre 2011

Par Gredy Raffin
13 min de lecture
Les compteurs s’affolent et les organisateurs sont confortés dans leur opinion : le commerce en ligne n’est plus l’apanage d’une poignée de “pure players” et de sociétés avant-gardistes. En 2011, le business s’est envolé de 20 % et la concurrence s’internationalise doucement. Sur les conférences, quelques tendances ont été isolées. On les connaissait déjà, mais elles n’ont pourtant jamais été aussi réelles qu’aujourd’hui. Paroles d’experts.
Les compteurs s’affolent et les organisateurs sont confortés dans leur opinion : le commerce en ligne n’est plus l’apanage d’une poignée de “pure players” et de sociétés avant-gardistes. En 2011, le business s’est envolé de 20 % et la concurrence s’internationalise doucement. Sur les conférences, quelques tendances ont été isolées. On les connaissait déjà, mais elles n’ont pourtant jamais été aussi réelles qu’aujourd’hui. Paroles d’experts.

Plus de 30 000 visiteurs, dont 60 % de fidèles, ont arpenté les allées du salon du E-Commerce qui s’est tenu du 13 au 15 septembre derniers à la Porte de Versailles, soit une fréquentation en hausse de 8 % et une belle réussite pour les organisateurs qui n’en attendaient pas moins. Ils diront même qu’un cap a été franchi avec cette 8e édition. Un comportement abondant dans le sens de toutes les études et tous les indicateurs : Internet est au cœur de la préoccupation des entrepreneurs et notamment des PME.

Et pour cause : 40 % des consommateurs européens ont acheté des biens ou des services sur Internet entre mi-2009 et mi-2010. Cinq ans plus tôt, cette part ne s’élevait qu’à 20 %, affirme une étude sur le “comportement des consommateurs dans un environnement numérique” conduite par le cabinet London Economics pour le Parlement européen. L’Union européenne elle-même s’intéresse en effet de près au phénomène “e-commerce”. L’institution souhaiterait dynamiser le secteur, au bénéfice d’entreprises européennes en quête d’évolution. Selon l’étude, 14 % environ de celles-ci vendent en ligne des biens ou des services, soit autant qu’il y a cinq ans…

Mais cela ne signifie pas que le marché soit figé pour autant. “Avec Internet, je touche des clients partout en France”, a-t-on pris pour habitude d’entendre dire les marchands. Mais désormais, la concurrence est internationale. Le cabinet London Economics rapporte que près d’un quart des cyberacheteurs (23 %) ont consommé sur un site Internet originaire d’un autre Etat membre, profitant d’une évidente guerre des prix.

170 millions de transactions et 17,5 milliards de CA en six mois

En France, la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) dresse un portrait satisfaisant de la situation. Au cours de la dernière année écoulée, ce ne sont pas moins de 4 millions de personnes qui sont venues grossir les rangs des cyberacheteurs à l’échelle nationale. Cette population atteint 30,9 millions d’individus (+ 15 %), soit tout de même 77 % des internautes français. En moyenne, cette clientèle consomme 2 000 euros à l’année, “ce qui reste en retrait par rapport à la Grande-Bretagne”, notait toutefois Marc Lollivier, président de la Fevad, lors de la plénière d’ouverture du salon du E-Commerce. Le montant moyen de la transaction a baissé de 3 % au 2e trimestre par rapport au niveau élevé du 2e trimestre de 2010, passant de 93 à 90 euros. Il s’agit sans doute là d’une conséquence de la dégradation de la conjoncture économique globale. Si l’on se réfère encore à l’analyse du cabinet London Economics, les cyberconsommateurs achètent avant tout des vêtements et des biens ou services liés au voyage, tandis que l’informatique et les équipements électroniques comptent parmi les moins recherchés sur ce canal.

Contrairement aux idées reçues, ce sont les catégories plus âgées de la population qui se convertissent le plus à la consommation en ligne : les + 65 ans ont augmenté de 39,9 %, les retraités de 21 % et les 35-49 ans de 8,8 %. “Internet est capable de proposer des prix plus intéressants qu’en magasin. Or, paradoxalement, ce sont les CSP + qui en profitent le plus, à presque 80 %”, regrette Marc Lollivier, qui attend une rupture.

En ouverture du rendez-vous parisien, la Fevad a dévoilé les résultats de sa dernière publication, une étude portant sur le premier semestre 2011 réalisée à partir des données recueillies auprès des 40 sites leaders participant au panel ICE et des informations communiquées par les principales plateformes de paiement, qui permet également de dresser un rapport sur l’évolution du marché. Une période de six mois durant laquelle les sites de vente en ligne ont opéré 168,5 millions de transactions et ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 20 % par rapport au premier semestre 2010, à 17,5 milliards d’euros. Phénomène encouragé par l’augmentation du nombre de sites utilisant des plateformes (+ 28 %), soit plus de 20 000 nouveaux sites en un an. A fin juin, ils étaient 90 000 actifs “et de toute évidence, nous passerons la barre des 100 000 en 2012”, prédit le président de la Fevad. Nuance toutefois, “nos voisins britanniques en recensent deux fois plus”. La répartition des acteurs tend à s’équilibrer et les microsites représentent maintenant 50 % des adresses, contre moins de 25 %, il y a cinq ans. Les trois grands leaders, bien qu’imités, restent incontestés sur l’item du visitorat mensuel : eBay (9,122 millions) est talonné de très près par Amazon (9,100 millions) et suivi par PriceMinister (7,776 millions). On peut souligner la performance de vente-privée, au 10e rang (6 millions par mois), qui fait quasiment jeu égal avec eBay sur le nombre de visites quotidiennes (1,3 million).

Market place, une religion logistique

On en parle depuis longtemps, mais de toute évidence, “le market place (ou place de marché, N.D.L.R.) est arrivé à maturité et retient l’attention de tous”, note Alain Laidet, directeur du salon. Nombre de ses orateurs ont prédit que ce modèle économique, “qui convient à presque tous les secteurs d’activité”, y compris l’automobile, ne cessera de monter en puissance. Des acteurs tels que Pixmania, La Redoute ou la Fnac ne le démentiront pas et la récente (tardive ?) incursion d’Amazon confirme un peu plus cet intérêt. De quoi s’agit-il ? Le market place, comme son nom le sous-entend, est un schéma de distribution où les sites de e-commerce ne fonctionnent plus comme des magasins, mais comme des galeries marchandes pour des revendeurs qui louent de l’espace à coup de rétro-commissions. Un procédé gagnant-gagnant, car les uns gagnent en visibilité en s’affichant sur des vitrines à forte puissance de frappe marketing quand les autres s’affranchissent des coûts liés à la gestion des stocks et des flux de produits. La problématique reste la longueur et la gestion des catalogues quand on a une centaine de fournisseurs. Et Marc Lollivier, de la Fevad, d’estimer que, “dans un futur proche, ce modèle pourrait représenter 30 % du CA des e-commerçants”.

Avant d’y parvenir, il y a du chemin à parcourir. Pragmatique, Pascal Podvin, président de l’association Café du E-Commerce, juge que bien des choses sont à régler au préalable : “En France, nous sommes dans le fantastique et la théorie, mais on devrait noter qu’à ce jour, les résultats des moteurs de recherche sur les sites de e-commerce sont perfectibles. Jamais un internaute ne devrait rester sans réponse ; dans une boutique, le vendeur lui proposera toujours une alternative.” Il préconise donc de se concentrer sur le relationnel, l’émotionnel et si possible sur le sensoriel. Peut-être les acteurs devront-ils davantage s’appuyer sur des prestataires ultra-spécialistes car “c’est un monde plus technique qui intègre plus de paramètres et qu’il est de fait plus difficile d’être agile dans un monde d’incertitude”.

Toujours en veille, le Café du E-Commerce édite chaque année un livre blanc. L’enseignement de Pascal Podvin : Il est nécessaire que les e-marchands suivent l’accélération et les pics de trafic par une anticipation des besoins. “La réactivité permet d’avoir de la disponibilité, et donc de la performance”, affirme-t-il, rappelant les fondements.

La “socionaute-logie”

En face, le cyberconsommateur a bien évolué. Ce n’est plus un internaute avec un ordinateur, un clavier et une souris, mais un individu doté d’un produit nomade, a-t-on pu entendre sur la plupart des conférences tenues au salon. “Il faut comprendre comment la technologie influence le comportement d’achat”, avertit sans retenue Pascal Gaussen, directeur du département Initiative Smarter Commerce chez IBM. “Dès le plus jeune âge, la population est désormais intelligente, instrumentée et interconnectée”, souligne-t-il. Si les 25-47 ans sont les plus équipés, les 15-19 ans utilisent deux fois plus la technologie lors d’un achat, que ce soit avant ou pendant sa visite sur le lieu de vente.

La technologie : un outil de la relation avec le client que 40 % des entreprises françaises ne se sentent pas en mesure d’affronter, d’après les sondages. Pourtant, la multiplicité des terminaux constitue le nouvel enjeu des professionnels. Il faut être présent à chaque porte d’entrée que l’utilisateur pourrait emprunter et surtout harmoniser les discours qui y sont tenus. “Dans le jargon, on emploie le terme de cross-canal, ce qui montre bien l’importance de croiser les canaux et de les gérer depuis une console unique”, souligne Pascal Podvin. Une course contre-la-montre s’engage car, d’ici peu de temps, le m-commerce prendra une part significative. La vente en ligne via une plate-forme mobile ne représente que 2 % du CA total (15 % chez certains acteurs majeurs) cette année, mais en croissance de plus de 300 % pour beaucoup d’entreprises. La Fevad constate que 12 % des e-consommateurs ont eu au moins une expérience d’achat par terminal mobile.

Plus marquant encore, 47 % des clients s’en sont servi pour se documenter (86 % consultent depuis un poste fixe avant d’aller en boutique) et, parmi eux, 35 % depuis le magasin. Leurs informations, ils les trouvent auprès des forums et réseaux sociaux, autre grande tendance identifiée par les experts du secteur. Qu’on accorde ou non de l’estime à ce canal - et l’on voit bien les différences d’appréciation et d’utilisation des constructeurs automobiles et des distributeurs -, il y a une réalité que la Fevad pousse à observer : 78 % des Français sont socionautes et avant de prendre une décision, 66 % des prospects se rendent sur des portails d’échange d’expériences, où 56 % des consommateurs ont déjà posé des commentaires et in fine influencé 86 % de leurs pairs. “Les e-commerçants ont à gagner en apprenant à tirer profit du principe de recommandations”, glisse Camille Dauvergne, responsable d’équipe e-Commerce France & Pays-Bas chez Microsoft Deutschland à la division Ciao Commerce.

L’an prochain, le salon du E-Commerce “accordera plus d’espace au m-commerce et au social commerce”, promet Alain Laidet, l’organisateur. Il ouvrira également les portes aux métiers de l’hébergement, aux spécialistes du Cloud computing et tentera d’initier les foules à l’emploi de la vidéo commerciale sur Internet. Les dates de l’événement sont connues : ce sera du 11 au 13 septembre 2012.

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ZOOM - Et l’Award de l’innovation revient à…

Cette année, le jury du E-Commerce Awards a décerné le prix de l’innovation technologique à Netwave. La société a édité Shop2Market, un logiciel qui “donne l’instinct du vendeur aux sites marchands”, résume le président de Netwave, Jean-Luc Bernard. Le secret repose sur l’élaboration d’un algorithme non pas déductif, mais inductif, une œuvre signée Jean-Pierre Malle, directeur scientifique. Ce spécialiste de l’analyse situationnelle (par opposition à l’analyse comportementale) s’est aventuré avec succès sur le sentier de l’étude du “pré-sentiment”. En clair, “quel réflexe aura un individu dans une situation donnée ?”, résume le président de Netwave.

Le postulat de départ se base sur les taux de transformation : alors qu’ils ne sont que 2 % sur les sites, ils atteignent 50 % en magasin, où “le vendeur peut analyser les signaux transmis par le client, réagir et adapter sa stratégie de vente en conséquence. En cas d’erreur, il est capable d’en tirer des enseignements, rappelle Jean-Luc Bernard. Nous voulons que les plateformes digitales de commerce aient une approche similaire, qu’elles se dotent d’un mode de réflexion comparable à la démarche naturelle du cerveau humain”.

Anticipation des effets de mode
L’algorithme en question est une série de 24 chiffres qui se complètent au fil du temps pour former la signature situationnelle d’un internaute. Une fois le profil de l’individu défini, le site commercial peut alors l’orienter instinctivement vers les produits qui peuvent l’intéresser et, de fait, retenir son attention. “L’application peut prendre en compte les tendances et les effets de mode pour pousser des produits dont la sollicitation s’est accrue brusquement”, rapporte-t-on chez Netwave. Shop2Market est une application SaaS. Une fois installée, elle est gérée directement par le client utilisateur, qui l’attache à un agent virtuel, au display, ou de manière classique au formulaire de recherche. Elle convient avant tout - si ce n’est exclusivement - aux sites à forte volumétrie, à partir de 100 000 visites par mois. “En dessous, il y a des méthodes moins coûteuses pour les entreprises”, reconnaît Jean-Luc Bernard. Hors négociation, le tarif est calculé à la consommation, sur une base de 10 000 euros par pack d’un million de connexions.


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FOCUS - Les 5 mesures clés du London Economics

Pour développer le e-commerce européen, en particulier transfrontalier, le cabinet préconise :

• D’harmoniser les droits nationaux, aujourd’hui très fragmentés, qui entourent la propriété intellectuelle et les copyrights, et améliorer l’accès légal aux contenus numériques.
• De poursuivre l’harmonisation du cadre légal de l’e-commerce pour faciliter aux entreprises comme aux consommateurs la vente en ligne transfrontalière, en matière de droits des consommateurs, de taxation, de publicité, de garanties et d’étiquetage des produits. D’adopter des régulations limitant la possibilité pour les entreprises de refuser les commandes en ligne transfrontalières.
• D’encourager la mise en place de systèmes de paiement standardisés, dont l’absence freine aujourd’hui le développement d’un marché unique sur Internet.
• D’informer les consommateurs des droits qui les protègent, mais qu’ils méconnaissent, et d’améliorer les processus de résolution de litiges en mettant en place des systèmes de résolution en ligne permettant que des jugements ou des accords soient arrêtés en dehors des tribunaux.
• De soutenir les initiatives visant à améliorer les services postaux nationaux, parfois considérés comme inefficaces.
 

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FOCUS - m-commerce : la lenteur, faute éliminatoire !

Une étude conduite par la société Compuware, relayée par le site Internet Auto-Net, a révélé que les mobinautes ont de vives réactions si leur Web mobile (sites e-applications) n’est pas à la hauteur de leurs attentes qualitatives. Sur un panel de 4 000 utilisateurs interrogés, dont 500 Français, 57 % témoignent avoir eu des difficultés à accéder à un site Web au cours des douze derniers mois et 47 % ont rencontré le même type de problème lors de l’accès à une application. Or, 71 % des internautes estiment que les sites Web doivent se charger aussi rapidement sur un téléphone mobile que sur leur ordinateur, si bien qu’ils ne pardonnent pas les attentes excessives. Ainsi, 60 % des utilisateurs souhaitent que les pages Web s’ouvrent en un maximum de trois secondes sur leur terminal et 74 % refusent catégoriquement d’attendre plus de cinq secondes, soit un délai que 77 % des sites Internet des grandes sociétés testés par Compuware ne sont pas capables de respecter, faute d’optimisation. En conséquence de quoi, 57 % des utilisateurs ne recommanderont pas le site et 43 % n’y retourneront pas.

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