Corinne Vigreux : La navigation pour passion
...nomades et le nautisme constitue son loisir de prédilection. Embarquons avec cette femme de pouvoir à qui son entreprise doit sans doute beaucoup.
Le dernier ouvrage en langue française qu'elle a lu avec délectation a été la biographie de Françoise Giroud, par Christine Ockrent. Chez le sujet comme chez l'auteur, elle aime le parcours professionnel, la personnalité et le fait "qu'elles en veulent". Corinne Vigreux a-t-elle considéré cet ouvrage comme un miroir ? A l'écouter se raconter, il est tentant de le croire.
Comme les deux femmes journalistes dont elle apprécie la plume et la carrière, Corinne Vigreux semble ressentir un besoin quasi vital d'action. Elle ferait très certainement sienne cette phrase de Jack London : "L'important n'est pas d'exister mais de vivre." Elle confie d'ailleurs que si elle pouvait réaliser aujourd'hui son rêve, elle ne partirait pas se prélasser sous les oliviers et
l'azur, mais elle choisirait de fendre, avec son mari, mers et océans. Un tour du monde à la voile est, à terme, l'un de ses objectifs. Naviguer constitue son occupation de prédilection lors de ses vacances. La navigation est également au centre de son univers professionnel.
A 39 ans, le regard aussi pétillant que charmeur, Corinne Vigreux occupe les fonctions de directrice commerciale de TomTom, devenu l'un des leaders européens des systèmes de navigation nomades, notamment destinés aux automobilistes. Son destin professionnel s'est révélé intimement lié à son destin personnel : elle a intégré la société néerlandaise TomTom après s'être unie à un Hollandais et l'avoir rejoint à Amsterdam.
Depuis près d'une vingtaine d'années, Corinne Vigreux a quitté la France. A
l'issue de ses études de commerce international au sein du groupe Essec, elle s'installe à Londres. Elle fait ses premières armes professionnelles chez Psion PLC, spécialisée dans les logiciels, dans un premier temps comme assistante export, puis responsable de la zone Europe du Nord et enfin comme responsable export toutes zones. Six années plus tard, elle prend la direction d'Amsterdam et de son actuelle société, TomTom. Cette vie transfrontière et son approche de diverses cultures lui ont apporté une perception de la vie sans doute différente de beaucoup. Sans grande surprise, son mot préféré de la langue française est "tolérance".
"Je voyage beaucoup à l'étranger du fait de mes fonctions et je pense que la valeur de tolérance est sans doute la plus importante car elle influe sur les rapports entre les hommes et les femmes, entre les races. La Hollande est un pays où existe une grande tolérance, notamment vis-à-vis des homosexuels. Il est agréable de ne jamais être jugé sur son apparence où que vous vous promeniez. Cela à un côté très sain", glisse-t-elle dans un sourire. Sourire dont elle ne se départit que rarement. "Je retrouve cette valeur de tolérance à Londres qui est un vrai melting-pot. L'intégration y est beaucoup plus poussée qu'en France", poursuit-elle. D'ailleurs, elle assure ne pas se voir revenir travailler dans l'Hexagone, mais par contre y habiter plus tard, sans doute à l'issue de sa carrière professionnelle.
Qui est la Figiefa Nom Vigreux Prénom Corinne Age 39 ans Mariée, 2 enfants Diplômée de l'école de commerce EPSCI, groupe Essec. De 1987 à 1993 Assistante export, puis responsable de la zone Europe du Nord, puis responsable export toutes zones (sauf Royaume-Uni) chez Psion PLC à Londres. Depuis 1993 Directrice commerciale de TomTom. |
Vivre sur deux agendas
Cette issue est encore fort lointaine. Aujourd'hui, elle est l'une des pièces maîtresses de TomTom où elle est entrée en 1993 alors que la société ne comptait que trois personnes. Le spécialiste de la navigation nomade salarie désormais environ 150 collaborateurs et est devenu l'un des leaders européens sur son marché. Un marché, rappelons-le, en très forte croissance. "Au départ, nous n'étions pas connus sous la marque TomTom. Nous vendions nos logiciels et software à une autre société. J'ai souhaité faire des applications de plus en plus grand public et vendues sous notre marque, se souvient-elle. A cette époque, ma devise était : "je vais développer une fois et vendre plusieurs milliers de fois." Tout ou presque était alors à faire. J'ai commencé à faire du packaging, puis à créer un service marketing et à développer un réseau de distribution afin que nous puissions vendre nos produits directement, reprend-elle. Je suis présente depuis les premières années de la société et il est vrai que je me sens très impliquée dans TomTom." Il est raisonnable d'estimer que les différents systèmes de navigation de TomTom peuvent être considérés comme ses bébés, qu'elle cajole avec son mari, le responsable de la société. Se lancer sur ce marché de la navigation personnelle et nomade comportait certains risques il y a encore peu de temps. Pourtant, le pari a été pris par TomTom et, de l'avis de tous, tenu jusqu'à aujourd'hui avec succès.
Son statut de femme a-t-il pu un jour ou l'autre freiner Corinne Vigreux dans ses entreprises et projets ? La réponse est directe et limpide : "J'ai toujours été au plus haut niveau, donc, en tant que femme, je n'ai pas eu besoin de faire davantage mes preuves qu'un homme à un poste similaire." Elle tempère toutefois en expliquant que, s'il est vrai qu'aujourd'hui les femmes ont acquis une indépendance matérielle, font des études, accèdent nettement plus que les générations précédentes à la vie professionnelle, elles n'ont toutefois pas perdu les "privilèges" de tenir et gérer une maison et de s'occuper des enfants, ce qui requiert, il est vrai, beaucoup d'énergie.
"De nos jours, nous avons gagné le droit de faire des choix, ce qui est fondamental, mais en contrepartie une femme qui possède une activité professionnelle prenante n'a plus du tout de temps pour elle, tient-elle à souligner. Il faut faire des sacrifices durant de nombreuses années. Même si les hommes ont évolué, les femmes doivent gérer beaucoup plus de choses au quotidien." Corinne Vigreux explique que, même en déplacement à l'étranger, il lui arrive très fréquemment de s'éclipser temporairement d'une réunion pour téléphoner à l'un de ses enfants et lui rappeler l'horaire de ses activités sportives ou autres. "Mais il est vrai que lorsque l'on a la chance d'exercer un travail qui vous passionne, la motivation est là", assure-
t-elle. Corinne Vigreux, comme bien d'autres femmes qui possèdent à la fois une vie de famille et une activité professionnelle prenante, vit sur deux agendas.
Avoir une sensibilité de femme mais une attitude d'homme
Evoluer professionnellement dans un univers essentiellement masculin n'implique pas de gêne particulière pour la directrice commerciale de TomTom même si certaines situations pourraient être plus faciles. "Il m'arrive fréquemment d'être la seule femme dans une réunion, et parfois il faut savoir s'imposer. Mais je n'ai pas de problème à ce niveau-là. J'ai quelquefois un peu de mal avec l'humour des hommes lorsqu'ils sont entre eux", confie-t-elle. Corinne Vigreux analyse les rapports hommes/femmes dans l'entreprise comme finalement, assez équilibrés. "Les hommes agissent souvent comme de grands enfants. Ils ont toujours de grandes idées. Pour ma part, j'ai le côté très terre à terre et très pragmatique des femmes. Je pense qu'au final, cela fait une bonne balance, avance-t-elle. En général, les gens vous considèrent plutôt pour votre valeur, de façon professionnelle. Il ne faut surtout pas jouer le jeu de la séduction. Il faut savoir tout de suite mettre des limites, c'est-à-dire se montrer pointilleux et sérieux. J'en ai pris l'habitude. Il faut avoir une sensibilité de femme, mais une attitude d'homme." Elle assure ne pas avoir l'impression de se trouver dans un milieu machiste car, selon elle, les mentalités ont réellement progressé ces dernières années, ce en France, en Italie, en Hollande, en Grande-Bretagne et d'autres pays européens. Il est vrai que la directrice commerciale de TomTom, grande accoutumée des vols internationaux, sait de quoi elle parle.
La vie professionnelle de Corinne Vigreux semble donc essentiellement jalonnée de souvenirs agréables. A l'exception d'un déplacement en Grèce où elle a dû changer d'hôtel et se barricader dans sa chambre. Une époque désormais lointaine.
Cyril André
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