S'abonner
Services

“C’est comme un iPhone en parfait état de marche, mais sans la prise électrique pour le charger !”

Publié le 22 octobre 2013

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Le député François-Michel Lambert roule en Zoé depuis six mois et a déjà parcouru plus de 13 000 km, notamment des longs trajets en famille avec ses trois enfants. A la fois ravi et… dépité de voir que le manque d’infrastructures de charge rend l’équation électrique beaucoup plus compliquée ! Après les gaz de schiste et l’économie circulaire, il prend un nouveau bâton de pèlerin pour appeler les pouvoirs publics à ne plus perdre de temps et à implanter des bornes pour de bon. Explications.
François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône, EELV.

Journal de l’Automobile. Quelle analyse faites-vous de retard à l’allumage du marché du véhicule électrique en France ?

François-Michel Lambert. J’estime que tout est aujourd’hui réuni pour que ce marché décolle enfin en France. D’une part, l’offre de produits proposés par les constructeurs s’est enrichie et le stade basique de l’électrification de véhicules thermiques a été dépassé. D’autre part, contrairement à une idée reçue, les véhicules électriques ne sont pas tous élitistes. Il n’y a pas que des Tesla sur le marché ! Un véhicule comme la Zoé, par exemple, représente un budget accessible par rapport au pouvoir d’achat d’un certain nombre de Français. En revanche, ne me prêtez pas l’intention d’être schématique ou doctrinaire : en effet, je ne dis pas que le véhicule électrique est “LA” solution, mais c’est une solution. Dès lors, tandis que d’autres pays s’engagent dans cette voie, allons-nous rester immobiles, laissant passer une opportunité et dilapidant notre avance initiale ?

JA. Vous avez franchi le pas en achetant une Zoé que vous utilisez comme véhicule principal. Quels sont vos motifs de satisfaction et quelles contraintes d’usage identifiez-vous ?

F-ML. Les motifs de satisfaction sont légion ! L’agrément de conduite est excellent, surtout le silence, même s’il y a des petits bugs électroniques dans l’habitacle, mais cela relève d’un autre registre, c’est un mal des constructeurs français… La conscience de ne pas polluer est très gratifiante et comme j’ai fait le choix de me fournir chez Enercoop, je sais que mon électricité est verte aussi, issue des énergies renouvelables. Par ailleurs, même si on peut ergoter sur les composants, il s’agit bien de “Made in France” concernant la Zoé. Enfin, au plan du pouvoir d’achat, c’est avantageux. Dans le registre des contraintes, j’en vois une : le manque de bornes de recharge publiques ! Mais quelle contrainte ! On y est confronté à chaque déplacement long, à chaque imprévu, c’est pénible… On peut penser que c’est le vrai frein à l’essor du marché.

JA. Dans un contexte de crise et de tension sur les dépenses publiques, n’est-ce pas un problème de coût ?

F-ML. Alors c’est à n’y plus rien comprendre ! 50 millions d’euros avaient été provisionnés pour les infrastructures, n’est-ce pas ? La mission Hirtzman a été mise en place depuis un an, n’est-ce pas ? Bref, il incombe désormais au Gouvernement et aux acteurs publics d’accélérer le mouvement.

JA. On misait précisément beaucoup sur les collectivités pour jouer le rôle d’amorce du marché, mais c’est pour l’heure un pétard mouillé… D’ailleurs comment expliquez-vous que votre circonscription fasse valoir si peu de bornes ?

F-ML. J’ai montré l’exemple en implantant une borne devant ma permanence, mais c’est vrai que le mouvement n’a pas pris, faute d’une impulsion nette venant du Gouvernement à mon sens. J’ai donc persévéré en trouvant un biais, à savoir en proposant une partie de ma réserve parlementaire pour financer l’implantation de bornes. Sur les 16 maires de ma circonscription, 3 m’ont répondu… dont un seul pour une borne de recharge, les 2 autres pour un véhicule électrique. Il faut aller plus vite, le Gouvernement doit se montrer plus volontariste.

JA. Quelles sont vos convictions par rapport à l’utilité publique du véhicule électrique que certains remettent pourtant en cause ?

F-ML. Comme je l’indiquais en préambule, je ne suis pas doctrinaire et j’essaie avant tout de trouver des pistes d’améliorations concrètes pour notre société. Tout d’abord, n’en déplaise à certains qui rêvent de l’éradiquer ou de la remplacer par des chameaux ou des baudets, la voiture ne va pas disparaître à court ou moyen terme. Par ailleurs, nous avons un réel problème de pollution atmosphérique, notamment locale, et je suis bien placé pour en parler car ma zone, disons Marseille-Aix, est encore plus touchée que des points noirs comme Paris, Grenoble ou Strasbourg. En outre, on joue au poker menteur avec le pétrole… Un jour, on en a et le lendemain, on n’en a plus… Seule certitude, le prix du pétrole, comme celui de l’énergie en général d’ailleurs, augmente régulièrement et cela va continuer. Autant d’éléments qui plaident à mes yeux pour la mise en place d’alternatives au tout pétrole. Le véhicule électrique en fait partie, parmi d’autres.

JA. En tant que membre d’EELV, que répondez-vous à ceux qui affirment que promouvoir le VE revient à soutenir l’énergie nucléaire, puisque le bilan environnemental du VE est plombé si l’électricité est produite par des centrales à charbon par exemple ?

F-ML. Je vous ai donné la réponse tout à l’heure en vous disant que j’achetais mon électricité chez Enercoop, soutenant ainsi les énergies renouvelables françaises. Certes, le tarif est un peu plus élevé, mais on bénéficie aussi d’une garantie “coût stable”. Ce système peut très bien fonctionner pour les bornes à installer, certains proposent de les associer directement à des productions d’électricité renouvelable. C’est aussi une manière d’anticiper la phase où les véhicules seront des interfaces actives avec le réseau d’électricité, pour par exemple stocker le surplus d’électricité. Enfin, une petite précision de bon sens : devons-nous attendre la fin du nucléaire dans 25, 50 ou 100 ans pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui en matière de mobilité ? Non, car le sujet du véhicule électrique, c’est maintenant, tout de suite !

JA. La voiture est souvent montrée du doigt alors que, au-delà même de l’habitat, la pollution, globale comme locale, est largement liée aux transports, notamment les transports de marchandises : n’est-ce pas un raccourci, une solution de facilité ?

F-ML. On ne peut pas non plus critiquer les transports comme ça, en faisant l’économie d’une réflexion plus globale. C’est hypocrite. En effet, nous transportons les besoins que nous générons ! Vous ne vous posez pas la question de la légitimité et de l’empreinte environnementale du colis que votre facteur vous dépose chez vous… Sur ce vaste sujet, nous avons déjà capitalisé de nombreux travaux d’experts. Prenez l’exemple du Predit, c’est une mine d’or ! Mais pour quelles applications concrètes ensuite ??? Ce n’est pas de la critique facile et je précise que j’ai contribué à certains travaux du Predit avant d’être élu. Simplement, à un moment, il faut passer à l’action et accélérer le mouvement et c’est aux acteurs publics, je le répète encore, d’assumer ce rôle.

JA. Par rapport à vos attentes, le Gouvernement est-il à la hauteur ?

F-ML. Pas tout à fait, dans la mesure où les initiatives manquent de cohérence. C’est un mal français… L’exemple de la taxe poids lourds est éloquent : on crée une taxe, sans feuille de route et sans accompagnement des entreprises ni réflexion sur le tonnage et l’augmentation des charges transportées. Nos voisins suisses ont, eux, pris à bras-le-corps tous ces paramètres et la taxe s’appelle d’ailleurs une redevance. Pour le VE, c’est pareil, on crée un bonus de 7 000 euros, mais on ne fait pas de promotion d’envergure, on incite bien mollement les collectivités à sauter le pas et on ne fait pas grand-chose pour le déploiement des infrastructures… Et je ne parle même pas d’un dispositif de discriminations positives que nous pourrions mettre en place. Bref, c’est comme un iPhone en parfait état de marche, mais sans le bouton central !

JA. A propos du déploiement des bornes, êtes-vous favorable à la proposition de Michel-Edouard Leclerc visant à rendre les bornes éligibles au C2E ?

F-ML. L’intention d’aider au développement des bornes est bonne, mais je pense qu’un groupe comme Leclerc peut assumer lui-même ces investissements, surtout qu’il y trouve un intérêt économique avec ses clients. Donc je ne suis pas favorable à cette proposition et préconise de continuer à promouvoir les C2E dans le domaine de l’habitat. Et je reviens aux 50 millions que nous évoquions tout à l’heure. Utilisons-les et implantons au moins 5 000 bornes dans tous les endroits névralgiques du territoire. En plus, cela peut être fait très rapidement, en 1 mois pour un axe comme Marseille-Paris !

 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle