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“Aujourd’hui, tout est réuni pour la deuxième phase du déploiement de l’électromobilité”

Publié le 15 janvier 2014

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Joseph Beretta, président de l’Avere France - Alors que le Congrès des collectivités électromobiles s’est tenu en décembre à l’initiative de l’Avere-France, nous avons rencontré le président Joseph Beretta pour évoquer le vaste enjeu de l’électromobilité, trop souvent parasité par des partis pris ou des jugements péremptoires. Des échanges apaisés qui jettent plusieurs ponts vers l’avenir.
Joseph Beretta, président de l’Avere France - Alors que le Congrès des collectivités électromobiles s’est tenu en décembre à l’initiative de l’Avere-France, nous avons rencontré le président Joseph Beretta pour évoquer le vaste enjeu de l’électromobilité, trop souvent parasité par des partis pris ou des jugements péremptoires. Des échanges apaisés qui jettent plusieurs ponts vers l’avenir.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quels ont été les principaux temps forts du Congrès des collectivités électromobiles qui s’est tenu à Lille fin 2013 ?

JOSEPH BERETTA. L’objectif consistait à expliquer comment mettre en œuvre le déploiement de l’électromobilité de façon très pratique. Nous avons apporté de nombreuses réponses concrètes en nous appuyant sur la force de plusieurs exemples, comme la région Nord Pas-de-Calais, le grand Lyon, la Mairie de Paris, des communautés urbaines comme Arras ou Rouen, etc. Il était important d’insister sur la nécessité de mettre en avant l’information et la formation, dans une logique d’usage. Ainsi, nous nous sommes attelés à démystifier le prétendu “problème” des prises, sujet qui a été brouillé entre le Livre vert et la directive européenne qui s’appliquera en 2017. Or, il n’y a aucune raison de bloquer les investissements. Surtout que contrairement au panorama d’il y a quelques années, l’industrie automobile est désormais fin prête pour l’électromobilité.

JA. Cette approche délibérément concrète a-t-elle aussi prévalu pour l’attribution des trophées des villes électromobiles ?

JB. Tout à fait et nous avons, par ailleurs, cherché à récompenser des projets témoignant d’un engagement global dans la mobilité, avec des bonnes pratiques au sens large du terme. L’idée est d’élargir le cercle clé des collectivités qui se réunit tous les deux mois et de faire du prosélytisme par l’exemple, loin de la pure théorie et de tout esprit partisan.

JA. Les experts du secteur attendaient beaucoup des collectivités et des flottes pour servir d’amorce au marché, mais jusqu’à présent, n’est-ce pas une relative double déception ?

JB. Je pense qu’il convient de ne pas faire d’erreur d’appréciation. En effet, la frilosité des collectivités et des flottes s’explique notamment par le delta qui existait en 2009 entre les annonces du Gouvernement et la réalité du marché de l’offre, véhicules comme infrastructures. Aujourd’hui, comme je l’indiquais en préambule, les choses ont évolué et tout est réuni pour le déploiement de l’électromobilité. Nous constatons d’ailleurs que la plupart des grandes flottes s’équipent en véhicules électriques et les collectivités doivent suivre ce rythme. Ensuite, pour toucher les artisans et les particuliers, il faut que les infrastructures de charge soient visibles, afin de lever le doute sur la possibilité de recharger le véhicule en cas de besoin.

JA. Vous dites que la situation s’est améliorée, mais il reste cependant de réels problèmes d’infrastructures, notamment dans les parkings et les copropriétés ?

JB. C’est exact, on le constate notamment par rapport à l’équipement des parkings en ouvrage, où le principe de précaution est poussé à l’extrême, engendrant des coûts parfois prohibitifs, ou au niveau des copropriétés effectivement, avec un déficit d’information et une absence d’aides à l’installation. Mais ces obstacles ne sont nullement insurmontables dans la durée.

JA. Le financement des installations n’est-il pas au cœur du problème ?

JB. On ne peut pas dire cela pour les collectivités et c’est pourquoi j’insistais sur la nécessité de bien informer tous les acteurs concernés. En effet, pour les collectivités, le financement passe par la Caisse des dépôts et l’Ademe et à l’échelle européenne, il y a la BEI et des dispositifs de prêts bonifiés. A terme, les infrastructures seront peut-être éligibles aux certificats d’énergie, une proposition lancée par Michel-Edouard Leclerc et que l’Avere-France entend bien faire émerger en rassemblant dans une lettre de proposition toutes les parties prenantes (constructeurs de véhicules, professionnels du bâtiment et du stationnement, etc.).

JA. Carlos Ghosn a récemment affirmé que Renault n’atteindrait pas ses objectifs de ventes de VE, notamment parce que le développement des infrastructures s’opérait plus lentement que prévu. Touche-t-on à l’enjeu clé du développement du marché du VE ?

JB. Il ne m’appartient pas de commenter la stratégie de tel ou tel constructeur, mais force est de reconnaître que les prévisions de ventes de Renault étaient tout de même optimistes… Ceci étant dit, on ne peut pas non plus occulter l’enjeu névralgique que représentent les infrastructures de charge. En fait, j’estime que nous parvenons à la deuxième phase du cycle du marché du VE. Au cours de la première phase, on a vu que ceux qui avaient un accès facile aux infrastructures se sont équipés. Pour permettre le développement du marché, il faut donc assurer un accès aisé aux infrastructures au plus grand nombre. Par exemple, on peut dire que la ville de Paris va dans ce sens avec Autolib’ et on ne saurait réduire cela à une lubie française ou “bobo”, car on voit que d’autres villes s’intéressent à cette solution, en Europe, en Amérique du Nord ou encore en Asie.

JA. En ville précisément, un large éventail de discriminations positives ne représenterait-il pas un argument précieux pour accélérer le développement du marché, tout en poursuivant l’objectif de réduction de la pollution locale ?

JB. C’est tout à fait envisageable et certaines agglomérations ont déjà pris des mesures allant dans cette direction. On peut évoquer le stationnement gratuit ou l’exclusivité de certaines voies de circulation. Cependant, par rapport à cette dernière possibilité, il est indispensable, au préalable, de mettre en place un système fiable d’identification des véhicules propres. En outre, d’une manière générale, il faut beaucoup de transparence et bien expliquer qu’il ne peut s’agir que d’un privilège temporaire. Enfin, pour lutter contre la congestion et la pollution locale, je pense que l’autopartage est une solution très prometteuse.

JA. Au-delà des raccourcis qui se sont multipliés après sa publication, un récent rapport de l’Ademe met bel et bien en perspective le bilan environnemental global du véhicule électrique et soulève quelques interrogations : comment l’avez-vous reçu ?

JB. De notre point de vue, nous avons vu que ce rapport avait été effectué dans les règles de l’art. Il vient nourrir une réflexion globale et le terme de mise en perspective étant approprié, il serait dès lors stérile de vouloir à tout prix en faire une polémique. Nous savons qu’en France, le véhicule électrique fait valoir un bilan très positif et que nous avons à disposition un formidable levier pour réduire la pollution locale. En revanche, il ne s’agit pas de dire que c’est la solution unique, parfaite, idéale, surtout que la filière est jeune et que beaucoup de progrès sont encore attendus. La deuxième vie des batteries ou leur recyclage en sont de bons exemples.

JA. Dans un registre similaire, le débat sur le Diesel anime la campagne électorale, notamment à Paris, avec une pléiade d’approximations, pour dire le moins… Alors que vous avez fait votre carrière chez PSA Peugeot Citroën, ce qui n’est en l’occurrence pas neutre, ne pensez-vous pas qu’il faudrait dépassionner ce débat ?

JB. Vous avez raison et il serait effectivement indiqué de revenir à plus de rigueur. Le problème du Diesel est, en effet, un problème du passé. Les dernières générations de motorisations Diesel, notamment celles qui répondent aux normes Euro 6, ne posent pas de soucis. Le véritable enjeu consiste à remplacer les anciens Diesel qui sont encore sur nos routes. Mais il faut naturellement le faire avec une intelligence sociale.

JA. Une mesure comme les Zapa, d’abord surexposée avant d’être brutalement remisée au placard, vous paraît-elle encore envisageable ?

JB. L’idée, qui mérite qu’on s’y intéresse, aura vraisemblablement une deuxième chance. Mais entendons-nous bien, une mesure comme les Zapa, pour être acceptable, doit impérativement s’accompagner d’une offre de transports alternative ou d’une aide significative au renouvellement du véhicule. C’est une condition sine qua non, sinon la mesure sera discriminatoire socialement. Je pense qu’il faut prendre le temps de réfléchir sereinement, d’étudier ce qui se fait chez nos voisins européens, les Low Emission Zones en Allemagne, en Angleterre en en Italie par exemple, avant de définir une solution économiquement acceptable. A mon sens, cette réflexion est indissociable d’un travail sur le dernier kilomètre des biens et des marchandises, intégrant le PL, mais aussi les véhicules assurant les transports en commun. Soit dit en passant, c’est un sujet sur lequel l’Avere-France travaille depuis plusieurs années.

JA. Dans une récente note émanant d’EDF, on trouve une prévision de 8 à 10 % de véhicules électriques dans le parc européen à l’horizon 2025. Cette estimation vous paraît-elle réaliste ?

JB. Je n’ai pas la prétention d’être prévisionniste, mais si on considère un ensemble réunissant les véhicules 100 % électriques et les hybrides rechargeables, je pense que la valeur de 8 % est réaliste. En revanche, sauf évolution réglementaire notable, je n’irai pas jusqu’à 10 %.
Propos recueillis par Alexandre Guillet

 

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