Accords entre assureurs et distributeurs, anticoncurrentiels ?
En Hongrie, les compagnies d’assurances Allianz et Generali ont convenu avec des ateliers de réparation automobile des modalités de tarifs horaires applicables aux prestations de réparation à régler par l’assureur en cas de sinistre de véhicules assurés. Ces accords prévoyaient un tarif majoré dans l’hypothèse où les concessionnaires vendaient un certain quota d’assurances automobiles des compagnies en question.
Les concessionnaires étaient donc liés aux assureurs à un double titre. Non seulement ils réparaient les voitures assurées pour le compte des compagnies d’assurances, mais intervenaient également en tant qu’intermédiaires en proposant des assurances à leurs clients à l’occasion de la vente, de la réparation ou de l’entretien des véhicules.
L’Office de la concurrence hongrois a considéré ces accords restrictifs à la concurrence à la fois sur le marché des contrats d’assurance automobile et sur le marché des services de réparation. En raison de cette illégalité, l’Office a donc interdit la poursuite des accords litigieux et a infligé aux parties des amendes allant jusqu’à 18 millions d’euros. Mais la Cour de cassation hongroise a interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) sur la conformité de tels accords.
Deux marchés indépendants… en principe
La CJUE rappelle que pour être contraire au droit européen de la concurrence, un accord doit avoir pour objet ou pour effet d’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (d’ententes tarifaires, accords entre concurrents sur les prix, les volumes de ventes…). Selon la Cour, un lien entre deux activités indépendantes comme les assurances automobiles et les services de réparation est possible lorsque cette indépendance ne nuit pas au jeu normal de la concurrence.
Afin d’apprécier si ces accords comportent des restrictions de concurrence, il convient d’examiner leurs dispositions, les objectifs qu’ils visent à atteindre, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel ils s’inscrivent.
Appréciation in concreto
La Cour observe que le marché des assurances automobiles pourrait être affecté par les accords litigieux dans le sens où ceux-ci permettent à Allianz et Generali de maintenir, voire augmenter, leur part de marché. Elle constate également, en ce qui concerne le marché des services de réparation, qu’ils semblent avoir été conclus sur base de “prix conseillés”, d’après des décisions prises par l’association des concessionnaires hongrois.
La Cour a renvoyé la cause devant la Cour de cassation hongroise pour vérifier :
- S’il existe un accord horizontal entre les compagnies d’assurances visant à se répartir le marché.
- Si l’indépendance des concessionnaires vis-à-vis des sociétés d’assurances est perturbée par les accords en cause.
- Si les décisions prises par l’association des concessionnaires ont pour objet d’uniformiser les taux horaires pour la réparation des véhicules et si les sociétés d’assurances ont entériné ces décisions en connaissance de cause.
La procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation hongroise. Si les conditions susmentionnées s’avéraient réunies, alors les accords litigieux seront déclarés contraires au droit européen de la concurrence et immédiatement interdits.
En conclusion, une entente, ou une pratique concertée entre entreprises, sera considérée comme contraire au droit européen de la concurrence si, à la suite d’un examen concret et individuel de ses dispositions et du contexte dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que celle-ci est nuisible au jeu normal de la concurrence sur les marchés concernés.
Stéphane Willemart, et Elisabeth Fontaine, avocats du cabinet Koan.
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