La taxe à l'importation pourrait menacer 158 000 emplois aux Etats-Unis
La guerre des automobiles importées aura-t-elle lieu ? Il n'y a toujours pas de réponse à cette question. Cependant, le président américain a réaffirmé, au terme du sommet du G7 qui s'est tenu au Canada, sa volonté de mettre en place une taxe douanière de 25 % sur les voitures étrangères importées aux Etats-Unis, dans le but de freiner les constructeurs allemands et japonais notamment. Certains y voient aussi un moyen de pression pour relancer les négociations sur le traité de libre-échange nord-américain (Alena, Nafta) actuellement enlisées.
Mais aujourd'hui des voix se lèvent contre cette éventuelle taxe qui pourrait finalement affaiblir les constructeurs américains, mais aussi détruire beaucoup d'emplois sur le sol américain. "La Honda Accord n'est pas une menace à notre sécurité nationale", fustige Jeb Hensarling, le président républicain de la Commission des Finances à la Chambre des représentants au Congrès. "En revanche, la taxer avec des tarifs douaniers est une menace pour la sécurité économique des millions de familles américaines travaillant dur", ajoute-t-il.
Le cabinet Trade Partnership Worldwide estime que des taxes supplémentaires de 25 % vont probablement créer 92 000 emplois industriels, mais entraîner la destruction de 250 000 dans le reste de l'économie. Environ 1 million d'emplois américains sont actuellement liés directement à l'industrie automobile (constructeurs et équipementiers) contre 660 000 en 2010, selon le Bureau américain des statistiques sur l'emploi.
Le constat de M. Trump sur le déséquilibre entre les véhicules importés et exportés aux Etats-Unis est avéré. En 2017, les Etats-Unis ont importé 8,27 millions de véhicules pour une valeur totale de 192 milliards de dollars et en ont exporté 1,98 million évalués à 57 milliards, selon le département du Commerce. Mais, de façon générale, Washington importe des voitures jugées bon marché et exporte des véhicules de haut gamme. Plus de 70 % des 371 316 véhicules produits en 2017 par BMW dans son usine de Caroline du Sud étaient destinés à l'export. Selon l'American Automotive Policy Council (AAPC), les exportations automobiles ont même doublé entre 2009 et 2015, passant de 74,09 milliards de dollars à 137,66 milliards.
"Les constructeurs automobiles européens non seulement exportent des véhicules aux Etats-Unis, mais la plupart d'entre eux y ont des sites de fabrication importants, et par conséquent y créent des centaines de milliers d'emplois directs et indirects. Une grande part de leur production sur place est exportée dans d'autres pays, dont ceux de l'Union européenne", défend l'Acea, le lobby des constructeurs européens. "Aux Etats-Unis, Toyota possède dix usines, emploie 136 000 personnes et dispose d'un réseau de 1 500 concessionnaires qui contribuent aux économies locales. Des taxes sur des voitures importées pourraient affecter des emplois américains et augmenter des coûts pour les consommateurs", avertit pour sa part le groupe nippon.
Pour l'experte Kristin Dziczek du Center for Automotive Research, dans le Michigan, il ne faut pas oublier que le "Big Three" de Detroit (GM, Ford et Fiat Chrysler) pourrait être affecté par des tarifs. Ses véhicules importés représentent en effet 14,5 % des voitures vendues l'an dernier aux Etats-Unis. Avant leur commercialisation sur le sol américain, ces automobiles sont principalement produites au Canada et au Mexique, deux partenaires de l'Alena ayant un accès libre au marché américain et qui comptent pour plus de moitié des importations (4,27 millions) et des exportations (1,07 million), devant le Japon (21 % des importations), l'Allemagne (11 %) et la Corée du Sud (8 %).
"Nous vendons régionalement, mais nous rivalisons internationalement", met en garde Joe Hinrichs, le responsable de la production chez Ford. Le deuxième constructeur américain, qui avait décidé de rapatrier la production de la Focus du Mexique aux Etats-Unis sous la pression de Donald Trump, a finalement décidé de la fabriquer en Chine face à la hausse galopante des coûts des matières premières comme l'acier et l'aluminium, touchées par de nouvelles taxes de la Maison Blanche.
La menace de taxes douanières sur des voitures importées du Canada pourrait également être un moyen de pression pour forcer la main d'Ottawa dans la renégociation du traité de libre-échange nord-américain Alena, avancent certains experts. "Nous estimons que le gros de cette (menace) est directement focalisé pour trouver un accord final sur l'Alena", écrit Ed Mills, analyste chez Raymond James. "Les règles du pays d'origine, notamment pour les voitures, ont été jusqu'à présent un des points de blocage importants" dans ces discussions, assure-t-il. (Avec AFP)
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.