Constructeurs et télématiciens, nouveaux alliés de la voiture connectée

La démocratisation des véhicules connectés au sein des flottes conduit à une véritable transformation du secteur. Au cœur de cette révolution de la gestion de flotte, les données OEM (pour Original Equipment Manufacturer) sont devenues un enjeu stratégique pour de nombreux télématiciens. Contrairement aux solutions télématiques tierces, ces data sont intégrées nativement dans les boîtiers de première monte des constructeurs et elles ne nécessitent donc pas d’installation supplémentaire. Ainsi, depuis quelques années, de nombreux constructeurs ont décidé de collaborer avec des acteurs de la télématique dans la remontée des données OEM.
On peut, par exemple, citer le groupe Stellantis, qui a créé en 2023 Mobilisights, une filiale dédiée à l’exploitation des data des véhicules pour l’ensemble de ses marques. Si d’autres sont encore en retard, à l’image des Chinois, le groupe Volkswagen, considéré comme l’un des derniers constructeurs majeurs à ne pas avoir ouvert ses données aux télématiciens et aux flottes a, quant à lui, fini par franchir le pas en 2024.
Car de par leurs véhicules connectés, les constructeurs automobiles possèdent une quantité importante de données. Cependant, leur exploitation nécessite bien souvent des compétences en analyse, afin de les traiter et de les intégrer dans des plateformes adaptées aux besoins des entreprises et des gestionnaires de flotte. Et c’est là qu’interviennent les télématiciens.
Ces derniers fournissent alors des solutions logicielles avancées pour interpréter ces données et les transformer en actions concrètes. Ainsi, en combinant la fiabilité des données des constructeurs et l’expertise des télématiciens, ces nouveaux partenariats permettent à terme d’optimiser la gestion de flotte, d’améliorer la maintenance des véhicules et de proposer de nouveaux services connectés. Des collaborations qui bénéficient avant tout aux gestionnaires de flotte, ces derniers pouvant dorénavant compter sur des données plus fiables mais aussi plus précises.
Le télématicien comme intermédiaire
Geotab peut sans aucun doute être considéré comme la référence mondiale en matière de télématique. Fort de plus de 4,7 millions de véhicules connectés dans le monde, le télématicien canadien dispose aujourd’hui d’un vaste portefeuille de marques, parmi lesquelles figurent notamment celles du groupe Stellantis, Volkswagen, Renault, Toyota, Volvo, Ford, BYD ou encore BMW.
François Denis, directeur général de Geotab France. ©Geotab
"De nos jours, presque l’intégralité des véhicules vendus par les constructeurs automobiles est connectée. Pour remonter les données de ces véhicules, nous pouvons dans ce cas nous passer d’une installation dite "traditionnelle", qui représente également un coût pour le gestionnaire de flotte, en récoltant directement les data issues des boîtiers de première monte. Mais dans certains cas de figure, le boîtier OEM peut ne pas suffire. Par exemple, si un parc de véhicules est trop vieillissant ou si un gestionnaire de flotte veut avoir accès à une information qui n’est pas proposée par le boîtier OEM, alors nous pouvons également venir le compléter par une installation maison supplémentaire", détaille François Denis, directeur général de Geotab France.
De son côté, quelques semaines après s’être associé avec le groupe Renault, GAC Technology a annoncé la signature d’un partenariat avec Stellantis, via sa filiale Mobilisights. Grâce à cette collaboration, les clients de l’éditeur de logiciels lyonnais auront, à l’instar de ceux de Geotab, un accès direct aux data transmises par les boîtiers de première monte intégrés aux voitures des marques Peugeot, Citroën, Jeep et Fiat, lors de leur construction, soit un total de 220 000 véhicules Stellantis.
"La raison d’être de Mobilisights est de donner accès aux data des véhicules connectés, car ces derniers représentent aujourd’hui presque l’entièreté des véhicules sortant des usines. Passer par un intermédiaire comme GAC Technology pour proposer ces données aux clients finaux nous permet alors d’augmenter leur satisfaction. Les véhicules n’auront, en effet, plus besoin d’être immobilisés pour l’installation d’un boîtier supplémentaire, tandis que les gestionnaires de flotte vont pouvoir accéder à un catalogue de solutions bien plus vaste, justement via ce réseau partenaire", souligne Sébastien Fraysse, directeur des ventes EMEA chez Mobilisights.
"Les constructeurs ont tout intérêt à collaborer avec des télématiciens dans la remontée des données. Pendant un temps, ils ont cherché à vendre leur propre plateforme de gestion de flotte mais cela n’a marché chez aucun d’entre eux. Tout simplement car les flottes monomarques n’existent pas et que les constructeurs ne sont pas des spécialistes de l’analyse et du traite‑ ment des données, comme peut l’être un télématicien. Nous sommes donc là pour être un facilitateur et pour faire l’intermédiaire entre le constructeur et les gestionnaires de flotte", complète de son côté François Denis.
©Mobilisights
D’autant qu’avec l’intégration des données OEM, Geotab réalise également un travail d’uniformisation des data récoltées. Car en fonction du constructeur, certaines informations peuvent ne pas être calculées de la même manière ou ne pas disposer de la même unité de mesure, rendant dès lors leur exploitation et leur comparaison difficiles. "Une entreprise avec une flotte multimarque a tout intérêt à faire appel à un télématicien qui a conclu des accords avec plusieurs constructeurs. Ici, le gestionnaire de flotte n’a besoin que d’une seule et unique plateforme pour l’ensemble de ses véhicules. Il va en plus pouvoir comparer les données récoltées entre les différentes marques et ce, même si elles ne sont pas homogènes. Les chiffres qui sont remontés par Geotab peuvent être comparés entre eux car nous allons uniformiser leur lecture", explique le directeur général de Geotab France.
Une offre de solutions à la carte
Targa Telematics est également un acteur incontournable de la collecte des données OEM. Le télématicien italien a conclu son premier partenariat du genre en 2017 avec FCA. "Nous avons, en effet, très rapidement ciblé le potentiel que pouvait avoir ce type de données, en termes de fiabilité, de gain de temps mais aussi de productivité", atteste Samia Arfaoui, country manager France de Targa Telematics.
Depuis, Targa Telematics a considérablement enrichi son portefeuille qui se compose en 2025 d’une dizaine de constructeurs dont, le dernier en date, le groupe Toyota. "Nous avons aujourd’hui chez Targa Telematics plus de 100 000 voitures qui sont connectées via les données des constructeurs, sur un total de 3,7 millions de véhicules. Les data remontées vont dépendre des besoins du client. L’offre que nous pro‑ posons est donc extrêmement large", précise Samia Arfaoui. Parmi les données collectées par un boîtier OEM, on retrouve ainsi notamment le relevé kilométrique, la consommation de carburant, les alertes du tableau de bord (problème mécanique, airbag défectueux, manque d’huile, etc.) ou encore d’autres informations spécifiques aux véhicules électriques. Ces data peuvent, en revanche, varier d’un constructeur à l’autre.
Samia Arfaoui, country manager France de Targa Telematics. ©Targa Telematics
"Chez Geotab, nous avons aussi un rôle de conseil auprès des constructeurs. Pour qu’ils puissent construire leurs offres, nous les aidons, en effet, à définir des packs qui correspondent aux cas d’usage des gestionnaires de flotte. En fonction de leurs besoins, le constructeur peut donc proposer différentes formules, allant de la plus simple à la plus complète. Mais chaque marque va construire ses packs de manière différente. Un constructeur peut, par exemple, mettre un type de données OEM dans un pack basique quand celui d’à côté va décider de ’inclure dans un pack premium. Nous jouons alors également un rôle d’accompagnement auprès des clients, afin de les aider à choisir la formule qui correspond le mieux à leurs besoins", ajoute François Denis.
Si, dans le cas de Geotab, c’est le constructeur qui propose directement ses formules au client final, d’autres préfèrent acheter les données auprès des constructeurs pour les revendre à leurs clients. C’est, par exemple, le cas de GAC Technology, qui propose aux gestionnaires de flotte, via son logiciel GAC Car Fleet, différentes offres personnalisables. "Pour accéder à notre outil GAC Car Fleet, nos clients vont payer un prix unitaire par véhicule par mois, en fonction de la taille de leur flotte. Ces tarifs peuvent donc aller de 1,50 euro ou 2 euros pour une grande flotte, jusqu’à 5 euros pour des flottes de taille plus modeste. L’avantage de notre outil est que le gestionnaire va également pouvoir directement lister les véhicules qu’il souhaite connecter au boîtier et donc, dans le cas échéant, activer ou désactiver la remontée des données de façon extrêmement pratique et rapide", témoigne Géraud Porteu, directeur général de GAC Technology.
"Chez Mobilisights, nous ne collectons que les données demandées par l’utilisateur final. Ainsi, si un client ne veut pas avoir accès à la géolocalisation d’un véhicule, nous devons nous assurer que cette data ne soit pas transmise à GAC Technology. D’autant que si elle n’est pas nécessaire, cette information va prendre de la place inutilement", glisse quant à lui Sébastien Fraysse. Récoltées en temps réel, les données OEM permettent donc aux gestionnaires de flotte de mieux anticiper des pannes grâce à la maintenance prédictive, de réduire les coûts d’exploitation avec une gestion optimisée du carburant ou encore de renforcer la sécurité de leurs collaborateurs grâce au suivi des comportements de conduite.
"L’outil que nous proposons chez GAC Technology va couvrir la partie administrative et financière du véhicule, c’est‑à‑dire tout son suivi, de sa com‑ mande à sa restitution. Grâce à la partie connectivité native des véhicules, nous allons pouvoir récolter les données de façon plus fiable et plus fréquente, dans notre cas une fois par jour, que si elles étaient remontées, par exemple, via la saisie d’une personne. Ces data plus précises vont donc permettre aux gestionnaires de flotte d’optimiser une loi de roulage et de s’assurer que le véhicule correspond bel et bien à leurs cas d’usage réels", conclut le directeur général de GAC Technology.
©Targa Telematics
Ainsi, les partenariats entre constructeurs automobiles et télématiciens semblent essentiels pour tirer pleinement parti des données OEM. Plus précises et plus fiables qu’une solution télématique tierce, elles sont en effet considérées comme un levier stratégique pour la télématique et la gestion des véhicules connectés, la satisfaction du client restant, par ailleurs, le principal argument de la démocratisation de ce genre de collaborations. Enfin, si l’exploitation des données OEM est propre aux politiques de chaque constructeur, elles restent pour autant des informations précieuses pour les gestionnaires cherchant à optimiser la performance et la sécurité de leurs véhicules.
Echoes, pionnier des solutions de suivi et de gestion de flotte sans boîtier
Basé en France, le spécialiste de la télématique, Echoes, opère aujourd’hui dans plus de 18 pays en Europe. L’entreprise française fournit des solutions de gestion et de suivi de flotte en se connectant directement aux unités télématiques intégrées par les OEM, dont sont équipés la plupart des véhicules récents. De quoi supprimer les coûts liés à l’acquisition, l’installation et la désinstallation du matériel et réduire ceux de gestion pour les opérateurs de flotte.
Echoes dispose donc d’un large portefeuille de marques. Stellantis, groupe Renault, BMW, Toyota, Ford, Tesla, Kia… nombreux sont les constructeurs à collaborer avec Echoes. Déjà compatible avec la plupart des véhicules neufs, le télématicien a, par ailleurs, ajouté de nouvelles cordes à son arc en fin d’année 2024, avec la signature d’un nouveau partenariat avec le groupe Volkswagen. Les clients de la plateforme peuvent, en effet, gérer une gamme plus large de modèles, incluant ceux des marques Audi, Skoda, Seat, Cupra et Volkswagen VP et VU, totalement connectables depuis décembre 2024.
"Ce partenariat est une étape importante dans la mission d’Echoes qui consiste à fournir des solutions de gestion de flotte de pointe", affirmait alors Mathieu Chènebit, fondateur d’Echoes. Qui poursuivait : "L’ajout des données des véhicules Audi, Cupra, Skoda, Seat et Volkswagen nous permet de mieux servir nos clients en offrant une visibilité et un contrôle inégalés sur leur flotte."
En test depuis l’automne 2024, les véhicules de Volvo pourraient également être intégrés aux solutions d’Echoes au printemps 2025. Ainsi, cette couverture permettra à terme au télématicien tricolore d’être en mesure de se connecter instantanément aux données télématiques de 98,2 %des véhicules neufs vendus à professionnel sur le marché hexagonal. Dans le détail, les véhicules neufs achetés par l’administration française sont compatibles à 99,4 % avec les solutions d’Echoes. Pour les loueurs, 97,1 % des véhicules neufs achetés en 2024 l’étaient. Et pour les achats des sociétés, ce ratio dépasse 96 %, selon le télématicien.
Samsara rejoint l’écosystème télématique du groupe Stellantis
En janvier 2025, Samsara a signé un partenariat avec Mobilisights, rejoignant ainsi l’écosystème de Stellantis auquel participent déjà la plupart des télématiciens. Les clients professionnels de Stellantis souhaitant remonter des données télématiques de leurs véhicules peuvent donc désormais le faire via la plateforme Connected Operations de Samsara. « Nous sommes ravis de travailler avec Mobilisights pour fournir des données en temps réel qui permettent aux entreprises européennes de fonctionner de manière plus efficace, plus sûre et plus durable », a déclaré Paul George, directeur de la division OEM chez Samsara.
Le télématicien se rapproche ainsi du deuxième constructeur européen, fort de 14 marques, dont Peugeot, Citroën, Opel ou encore Fiat. La plupart des modèles du groupe sont équipés nativement d’un boîtier de télématique, ce qui facilite la remontée de données (géolocalisation, kilométrage, consommation…) sans avoir à installer de matériel supplémentaire. Samsara précise que l’intégration de sa plateforme s’applique à la plupart des véhicules fabriqués après 2024, ainsi qu’à certains modèles de 2018 à 2024. Inscrire les véhicules à Connected Operations nécessite seulement la saisie du numéro d’identification du véhicule.
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