Renault et Transdev font de Rouen la capitale du véhicule autonome
Rouen sera l'une des villes les plus observées d'Europe. Depuis ce 26 juin 2018, la métropole normande est devenue le territoire d'expérimentation du programme AutonomousLab, un service de transport public autonome à la demande. Une proposition inédite sur le continent. Ainsi, une flotte de Renault Zoé autonomes, opérée par Transdev et assurée par la Matmut, effectuera des rotations dans le Technopôle du Madrillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray, au sud de Rouen.
Les véhicules, au nombre de quatre, sont entrés dans une phase de test afin de certifier le haut niveau de sécurité en circulation. Une étape au cours de la laquelle les partenaires vont se montrer "intransigeants", comme l'a souligné Yann Leriche, entre autres directeur de la division véhicule autonome de Transdev. Ils espèrent pouvoir valider les systèmes d'ici la fin de l'été, afin de s'ouvrir au public ensuite et ce, jusqu'à fin 2019.
A terme, trois boucles d'un total de 10 kilomètres, au départ du terminus du tramway, couvriront le Technopôle du Madrillet. Les deux prochaines ouvriront entre fin 2018 et début 2019. Un terrain loin d'avoir été choisi au hasard puisqu'il comprend des entreprises et des écoles d'ingénieurs, dont l'Essigelec, partenaire intime du programme Rouen Normandy AutonomousLab, mais également un centre commercial et un quartier résidentiel. "Une diversité qui va nous permettre d'étudier tous les types de besoins sur différentes plages horaires", explique encore Yann Leriche.
Ne pas parler au chauffeur
Dans le respect de la réglementation en vigueur, un "conducteur" restera en permanence derrière le volant. Du personnel fourni aussi bien par Transdev que par Renault. Il supervisera les situations de délégation de conduite et reprendra le volant au besoin. "Veuillez ne pas parler au chauffeur durant votre essai", nous soufflera-t-on d'ailleurs avant de monter à bord. Sa concentration doit être maximale, car la moindre détection de présence humaine sur le bord de la chaussée provoque des réactions, voire des arrêts de la Zoé autonome.
Ce "safetydriver", comme il est appelé dans le cahier des charges, ne se sentira pas seul. Dans son rétroviseur, il a en permanence un véhicule de soutien. Comme pour un convoi exceptionnel, il roule à quelques mètres derrière. Ce qui porte donc la flotte à huit véhicules en réalité. A une dizaine de kilomètres du site d'expérimentation, au poste central de contrôle (PCC) de Transdev, en plein de cœur de Rouen, une équipe supervise l'intégralité du dispositif et échange en direct avec lui.
Vers ce centre opérationnel, les données des capteurs et des caméras du véhicule, mais également des balises installées en bord de route pour prévenir du comportement des autres usagers de la route remontent et aident à la prise de décision en cas de situation complexe. Depuis l'interface développée pour l'occasion, il est même possible de régler avec un curseur la vitesse maximum de circulation des véhicules en mode autonome. Cela prendra du temps, mais Transdev et Renault imaginent qu'avant la fin de la période accordée, ils pourront extraire le chauffeur pour tout contrôler depuis les écrans.
Le lègue de plusieurs démonstrateurs
Environ cinq heures, c'est le temps moyen que devraient passer les voitures à rouler chaque jour. Une fois accessibles au public, elles pourront être commandées par le biais d'une application mobile gratuite. L'usager renseignera son point de destination, comme pour un VTC. Ce qui n'est pas sans rappeler Pamu2 (pour Plateforme avancée de mobilité urbaine de deuxième génération), le concept de voiturier autonome présenté par Renault lors du congrès ITS de Bordeaux, en 2015.
En fait, pour ceux qui ont suivi les actualités de ces trois dernières années, AutonomousLab est une revue de presse. Outre l'application Pamu, on décèle le lègue des essais de Zoé autonomes, chez Vedecomet à Strasbourg, lors d'ITS 2017, tandis que ce centre de supervision fait écho au discours de Carlos Ghosn, le PDG de Renault, au CES 2017, qui annonçait la création de nouvelles fonctions. Et les influences ne manquent pas, d'autant que Transdev verrait bien une navette entrer en activité par la suite.
11 millions d'euros cofinancés
Pour se donner les moyens "d'apprendre par la mise en pratique", les différents partenaires ont investi 11 millions d'euros. Transdev et la Caisse des dépôts ont contribuéà hauteur de 30 % du budget ; Renault a financé 25 % ; Rouen Métropole et l'Etat ont participé à hauteur de 24 % ; la Région Normandie a apporté 12 % et la Matmut à 9 %. Ils souhaitent évaluer le potentiel, trouver un modèle économique en mesurant au plus juste les coûts d'exploitation et comprendre les mécanismes d'acceptation par les populations. Afin que le prix ne soit pas une barrière, les partenaires ont opté pour la gratuité des voyages.
Trandev va déployer une campagne de communication. Il faut attirer les regards, certes, mais lever les craintes aussi. Interrogé sur les couvertures d'assurances, Olivier Requin, le directeur général adjoint du Groupe Matmut, s'est voulu transparent : "En cas d'accident corporel, la loi Badinter de 1985 s'applique et nous dédommageons les blessés. Ensuite, seulement, nous récupérerons les données de circulation, en ferons une analyse puis une interprétation, et aboutirons à un recours si nécessaire." De son avis, en phase de délégation de conduite, la responsabilité du personnel à bord ne peut être engagée d'un point de vue pénal, envoyant de fait la balle dans le camp de Renault et Transdev.
4 000 villes potentielles
Le constructeur au losange maintient son ambition, celle de préparer un service industrialisable à partir de 2022. "Nous devons être capables de fournir un bon service avec une bonne vitesse de circulation", souligne Hadi Zablit, récemment nommé directeur du développement de Renault. Ce dernier rapporte qu'une étude interne estime à 4 000 le nombre de villes dans le monde qui présentent des caractéristiques nécessaires à l'implantation d'un système de transport autonome de ce calibre.
Si la métropole de Rouen a été choisie, son dynamisme n'y est pas étranger. La neuvième ville de France avec plus de 500 000 habitants a à cœur "d'inventer de nouvelles solutions de mobilité", comme l'a martelé son président, Frédéric Sanchez, lors de la conférence d'inauguration. "En France, 40 % des gens n'ont pas d'accès facilité à un transport en commun, rappelle-t-il, une proportion que nous avons abaissée, ici, avec des services à la demande." Dans quelques mois, il sera le signataire d'une charte en faveur des projets environnementaux, "une COP21 locale", ose-t-il la comparaison.
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