Novares s'organise pour faire face au coronavirus
Avec le coronavirus, "je ne vois pas comment on pourrait éviter en Europe des ruptures d'approvisionnement ces prochains jours ou ces prochaines semaines" et donc des arrêts d'usines automobiles, prévient Pierre Boulet, patron de l'équipementier français Novares. La multiplication des mesures de quarantaine et de confinement, avec des personnels bloqués chez eux, pour ralentir la maladie, menacent la savante orchestration nécessaire à l'assemblage des milliers de pièces d'un véhicule.
Après avoir provoqué un effondrement du marché et stoppé la production de nombreuses usines en Chine, l'épidémie de Covid-19 s'étend en Europe, et "malheureusement, on va subir la combinaison des deux" crises, estime Pierre Boulet. Novares, qui fabrique des pièces pour les moteurs, les tableaux de bord ou l'extérieur des voitures, possède un site arrêté à Wuhan, premier foyer de l'épidémie en Chine. Le groupe espère son redémarrage prochain, qui serait assorti de contraintes drastiques : les opérateurs n'auront pas le droit de quitter le site, et devront donc manger et dormir sur place.
Les éléments transportés depuis ce pays vers l'Europe ne sont pas nombreux mais peuvent suffire à bloquer la production. "Dans l'automobile, la quasi-totalité des pièces sont en monosource. Cela veut dire que quand il en manque une d'un fournisseur, on ne sait pas l'acheter ailleurs", poursuit le chef d'entreprise. Du fait de la longueur des délais de transport depuis la Chine, entre un et deux mois en train par exemple, les pièces ont continué d'arriver ces dernières semaines car, produites avant la paralysie des usines, elles étaient encore en route.
Mais derrière, "le tuyau" logistique est vide et la paralysie chinoise va se faire sentir avec un décalage. "On peut tenir jusqu'à la semaine prochaine, peut-être celle d'après, mais si ça ne redémarre pas en Chine on va commencer à désamorcer, et cela va s'ajouter à des désamorçages en Europe au même moment, donc on risque d'avoir un effet cumulé".
Affréter des avions
Si, comme c'est espéré, la production reprend progressivement, "on affrétera un avion tous les deux jours pendant un mois pour passer le trou", explique cet ingénieur de 62 ans. Les problèmes ne font toutefois que commencer en Europe. Novares a pu obtenir une autorisation de produire dans son usine italienne, même si le pays est en quarantaine.
Le souci vient désormais de l'Espagne où 85% du personnel du site de l'entreprise, dans la région de Barcelone, est bloqué par une mesure de confinement. "Nous avons essayé de libérer le stock et nous sommes en discussion avec les autorités locales pour voir dans quelles conditions" la production pourrait se poursuivre comme en Italie. "Cela va être de moins en moins évident de produire ce que demandent les clients", confie le directeur général, qui reconnaît que les relations entre entreprises "sont un peu moins amicales qu'avant". "Quand nous ne pouvons pas livrer un constructeur, cela veut dire que sa voiture sera incomplète. S'il manque une pièce d'aspect, il pourra la mettre sur parc et l'installer après. Si c'est une pièce moteur, c'est beaucoup plus difficile", poursuit Pierre Boulet.
Novares, qui a réalisé, en 2019, 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires, avec 47 usines dans 22 pays, prévoit une chute de ses ventes de 40 % cette année en Chine, à 115 millions d'euros. Au niveau mondial, 2020 aurait dû être stable, elle "sera négative". Le patron explique être en "mode de crise", avec "une activité beaucoup plus soutenue au téléphone alors que la quasi-totalité des voyages a disparu". Il souligne que la priorité est d'abord sanitaire : "le plus inquiétant serait d'avoir des gens malades, voire des décès" d'où de nombreuses mesures pour protéger les salariés. "Dans les usines, on a espacé les postes de travail, on a fermé les douches, les vestiaires, les cantines". (avec AFP).