"Nous allons agrandir le portfolio de Corteco en fabriquant, ensemble, de nouvelles pièces, avec un autre équipementier"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Sur votre stand d’Equip Auto, vous poursuivez votre croisade, pour la pièce d’origine, est-ce le lieu pour cela, et qu’en attendez-vous ?
Pendant la crise, les grands équipementiers ont dû faire face à un déstockage massif des constructeurs automobiles, ce qui a entraîné un arrêt plus ou moins violent des fabrications de pièces par les fournisseurs première monte dont nous sommes. Et favorisé des assembleurs de gammes, qui sont présents ici. Comme nous ne pouvions pas faire tourner des machines à 50 % de leur capacité et que nos concurrents s’appuyaient sur de petites usines, ils ont pu profiter de cette situation. Cela a conduit à l’émergence de produits adaptables comme des poulies dont la qualité s’avère très sensible.
JA. Pourtant, la question de la pièce d’origine est bien connue maintenant et les acteurs aussi, pourquoi se battre ainsi pour la défense de l’origine ?
Nous avons encore un gros travail à accomplir pour expliquer à nos clients la qualité d’origine et ce que cela leur apporte. Au-delà des problèmes de prix et de sécurité, qui sont cruciaux, nous mettons en évidence notre rôle de soutien à la rechange. Corteco est la filiale aftermarket du groupe Freudenberg, qui développe à l’origine des produits de plus en plus sophistiqués techniquement. Sans les informations techniques du groupe, sans les notices, sans ce savoir-faire, il sera très difficile aux acteurs de la rechange de continuer à pouvoir réparer. Actuellement, nos travaux portent sur les poulies à roue libre, le stop and start, les recherches de réduction de CO2, le downsizing ou les hybrides, des bagues avec capteur intégré etc. : Qui va, en rechange, pouvoir intervenir sur ces nouveaux systèmes, ces pièces de dernière génération, sans l’apport de l’équipementier d’origine ?
JA. En clair, vous vous positionnez, sur Equip Auto en soutien de la rechange indépendante ?
Les automobiles deviennent de plus en plus complexes techniquement. Il est donc indispensable pour nous de montrer à la rechange comment les aider techniquement, et permettre à la distribution et aux réparateurs de faire croître leur chiffre d’affaires, en leur apportant les informations nécessaires. Il est important pour nous d’être là, sur Equip Auto, pour répondre aux demandes.
JA. Avez-vous hésité à venir ?
Pourquoi hésiter, parce que les autres ne sont pas là ? Nous avons plus de visiteurs que nous le pensions (du fait des problèmes politiques, économiques, financiers etc.) Nous avons beaucoup de visiteurs et les discussions sont plus profondes, nous parlons aussi sur les techniques et les services, les nouveaux produits, comment trouver du business, comment les aider sur le marketing, etc.
JA. Vous venez de créer un nouveau centre de logistique européen, c’est un autre signe du soutien à la rechange ?
Ce nouveau centre logistique européen de 8 000 m2 de stockage et de 17 500 références constitue effectivement un investissement lourd, qui montre notre attachement à servir la rechange indépendante. Ce site est, d’ailleurs, plus dédié à l’export (Afrique, Europe, Russie, Balkans, Pays Baltes etc.) puisqu’en France, nous continuons à exploiter le site logistique de Nantiat, qui bénéficie, en termes de place, du départ de l’export. Nous continuerons à faire de nouveaux investissements lourds en rechange l’année prochaine. D’abord en interne, en mettant à la disposition de la distribution indépendante encore plus de produits du groupe. D’autre part, le groupe est mondial, ses implantations aussi et donc ses références couvrent les parcs automobiles les plus divers. C’est cela que nous allons apporter à la rechange grâce à toutes nos nouvelles fabrications. Le marché est de plus en plus global, il convient aussi de trouver de nouveaux partenaires, d’ouvrir le business et de respecter les règles, etc.
JA. Est-ce que cela vous fait perdre des parts de marché que certains pays ou acteurs ne respectent pas les règles, donc tirent les prix vers le bas ?
Cette année, au contraire, nous avons gagné des parts de marché. Certes, chacun peut jouer sur les prix, mais notre busines est un business de partenaires, de bonnes relations avec le client, avec comme objectif de les aider même si les chemins que nous empruntons ne sont pas les moins chers, comme ceux que parcourent les concurrents chinois. Et comme le monde devient de plus en plus global, nous sommes de plus en plus liés avec nos clients.
JA. Lorsque vous évoquez le fait d’investir, l’année prochaine, en rechange, c’est dans quel secteur ? D’autres produits, ou régions ?
Cette fois, nous n’allons pas investir en logistique mais sur un partenariat avec un fabricant de produits Premium. Nous allons agrandir le portfolio de Corteco, avec un partenaire sérieux, non pas en lui achetant des pièces, mais en les fabriquant ensemble, et, dans un deuxième temps, voir dans le portfolio Corteco global, ce qu’ils ont dans les gammes, ce dont ils disposent pour proposer une offre encore plus globale. Nous voyons de plus en plus de fabrications globales en Asie.
JA. C’est-à-dire que vous allez avoir de plus en plus de pièces asiatiques dans votre portfolio ? Vous avez un accord historique avec un groupe japonais, avec lequel vous investissez sur le marché américain…
Nous n’avons pas seulement des sociétés ici en Europe mais aussi aux USA, et nous recherchons des synergies. Les marchés changent, il faut savoir que, nous aussi, nous ne voulons pas seulement vendre des pièces détachées, mais des kits, des systèmes, des composants, plus techniques, plus sophistiqués. J’ajouterais que Corteco et les “Corteco US” font désormais partie de la même entité, ce qui facilite le travail de recherche des pièces ! Par ailleurs, nous avons compris aussi, chez Freudenberg et Corteco, que la rechange indépendante avait besoin de petites séries. C’est ainsi que pour la première fois, nous aurons une structure totalement adaptée au marché de la rechange. Comme nous sommes en première monte, nous voulons la même qualité, il faut être très strict là-dessus, très droit. Cela prend un peu plus de temps mais, pour l’avenir, c’est beaucoup plus viable. Et le know how, reste chez nous.
JA. Vous disposez de beaucoup d’usines en Europe, réussissez-vous à dégager de la profitabilité malgré les charges spécifiques européennes ?
Dans notre pays, nous travaillons beaucoup sur cette question, pour développer des systèmes de production très techniques et très compétitifs comme dans notre usine de Weinheim, qui est un site unique en son genre. Nous y fabriquons des joints spi, des bagues d’étanchéité, dans un processus très compétitif. Et n’oubliez pas que l’Asie, cette année, a vu ses coûts augmenter parce que, même pour les matières premières, nous sommes face à des prix mondiaux. Et notre avantage, en Europe, c’est de ne pas avoir 4 mois de transport ! C’est comme cela que nous défendons la fabrication de nos pièces, ici, et que nous sécurisons notre production européenne. Cela ne veut pas dire que c’est facile, mais c’est possible.
JA. Ce qui signifie que vous pourriez créer avec votre partenaire le site en Europe ?
Il est trop tôt pour évoquer cela. Ce que l’on veut dire au marché, c’est que l’on continue d’avancer. Par petits pas, mais des pas qualifiés.
JA. Est-ce que vous pourriez acquérir des entreprises pour compléter vos gammes ?
Nous ne voulons pas acheter, car nous avons des bons partenaires globaux, depuis de nombreuses années. Avec eux, nous échangeons des techniques, des savoir-faire et grâce à cela, on peut gagner beaucoup.
JA. Comment avez-vous vécu la crise et est-ce que cela vous a incités à changer d’organisation ?
2009 a été très dur pour tout le monde. Pour la rechange de Corteco, la période a cependant été très positive, alors que cela a été difficile pour la première monte. Nous avons appris beaucoup de choses, cela a été une grande leçon qui nous a permis d’améliorer les systèmes et les processus. Nous travaillons aussi, en étant beaucoup plus proches avec les fournisseurs des matières premières. Cela signifie envisager la chaîne dans son ensemble et non par petits bouts. Entendre leurs besoins et faire en sorte qu’ils entendent les nôtres, constituent à mes yeux le meilleur des partenariats. Notre stratégie ne consiste pas à acquérir une société pour la vendre deux ans après…
JA. Est-ce que la marque acquiert toute la notoriété que vous en attendez ?
En 15 ans, la notoriété de la marque a grandi de manière exponentielle comme j’ai pu le voir au Brésil, il y a peu. Et cela parce que nos clients ont confiance en nous. Par ailleurs, le lien avec Freudenberg que nous faisons depuis très peu d’années, commence à être connu.
JA. Aujourd’hui, quelle est la place de Corteco dans le groupe Freudenberg, il semble que vous ayez une autonomie grandissante, comment mesurez-vous votre rôle ?
Corteco prend une importance grandissante dans le groupe puisque nous nous développons énormément. La rechange indépendante - et Corteco - est un axe stratégique pour Freudenberg et représente 6 % du groupe mondial. Mais le rapport annuel montre bien que nous comptons pour 50 % du secteur automobile, c’est ce résultat qui importe. Car vous savez que l’automobile ne constitue qu’une des activités de Freudenberg.
JA. Le non-tissé pour lequel Freudenberg est devenu un leader mondial prend de plus en plus de place dans l’automobile et plus généralement, on entend parler davantage de cette activité aujourd’hui ?
Nous fabriquons le matériau du non tissé, nous ne l’achetons pas et c’est extrêmement important parce que le non tissé ne sert plus seulement, aujourd’hui, dans la fabrication des filtres d’habitacle mais aussi pour toute la filtration de l’eau. Le non tissé va se substituer au papier. Premièrement, parce que la filtration avec le non tissé est beaucoup plus précise que le papier. Deuxièmement, parce que de plus en plus de constructeurs de voiture, privilégient ce matériau qui prend beaucoup moins de place pour les filtres que le papier, et dont le pliage s’avère plus souple et moins volumineux. Comme nous développons ces filtres pour la première monte, nous allons en bénéficier aussi pour la rechange. Et, en plus, on le recycle mieux.
JA. Comment harmonisez-vous la maintenance et la compétence technique dans les ateliers, mettez-vous en place des hot line ?
Pour nous, former les employés du groupe, donner toutes les informations nécessaires aux collaborateurs, puis travailler avec les partenaires sur cette base, définissent notre réponse à la question technique. Nous avons des hotlines aux USA, mais en Europe nous avons une très bonne distribution de Corteco au niveau local, et qui se fait dans la langue du pays. Nous pouvons faire des hot line techniques, des programmes Internet, mais rien ne remplace les personnes qui discutent avec les clients. D’ailleurs, même si, en France, par exemple, nous n’avons pas à proprement parler de hotline, nous avons un service technique à Nantiat qui prend environ 40 à 50 appels par jour, et ce sont des gens qui travaillaient auparavant dans les usines. Encore une fois, notre organisation régionale et notre proximité avec les sites de production, font que nous n’avons pas besoin de sous-traiter, notre savoir-faire est suffisant.
JA. Quelles sont les régions vers lesquelles vous vous êtes le plus développés cette année ?
Cette année pour nous, les grandes régions dans lesquelles nous avons percé sont les Balkans, l’Europe de l’est, la Pologne, la Russie, beaucoup en Amérique du sud, et même aux Etats-Unis. Nous avons eu une vraie croissance, parce que, par rapport à d’autres, nous avons continué d’investir massivement pendant la période de crise, même en 2009.
JA. Envisagez-vous de développer de nouvelles familles de produits en plus de votre développement à l’international ?
Notre objectif prioritaire consiste vraiment à toujours améliorer la logistique. On consolide et on prend des nouveaux produits du groupe. Il y a quelques années, nous prenions des pièces pour des voitures qui avaient deux ou trois ans, maintenant, c’est tout de suite. On montre, ici, des pièces qui ne sont même pas en série ou que nous allons fabriquer.
JA. Entendez-vous lancer une deuxième gamme de produits moins chers ?
Corteco est un symbole pour la qualité d’origine et même pour les très vieilles voitures, car c’est juste une question du cycle de vie de la voiture.
JA. Et une gamme en remanufacturing, c’est envisageable ?
Nous n’allons pas développer une 2e gamme, ce n’est pas dans notre stratégie. Mais nous sommes concernés par le développement de l’offre remanufacturing parce que, naturellement, nos produits s’adressent à des reconstructeurs, c’est le cas des joints spi, de culasse, et parce qu’aussi on anticipe une évolution du marché. Je pense, par exemple, aux transmissions automatiques. Il faut savoir qu’en Europe, l’année dernière, près de 35 % des véhicules vendus l’ont été avec une boîte automatique ou une transmission type DSG. Aujourd’hui, on ne voit pas ces produits en rechange mais, par contre, demain, il va falloir les réparer. Or, il se trouve que, via nos activités aux USA, nous disposons d’une gamme de joints pour la réfection de ces boîtes automatiques, avec laquelle nous sommes leaders sur ce marché. Donc, nous préparons l’avenir et dans ce domaine du remanufacturing, nous allons nous intéresser également à la transmission et sur la reconstruction des boîtes automatiques, des transmissions. Et toujours avec des pièces d’origine de qualité. Mais, pour nous, le remanufacturing, c’est uniquement une problématique de réparation.