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Industrie

Michelin sécurise son approvisionnement en latex africain

Publié le 7 juin 2017

Par Christophe Jaussaud
4 min de lecture
En rachetant la totalité de Siph avec le groupe ivoirien Sifca, le Français s'assure le contrôle de quelque 220000 tonnes de latex par an.

 

(AFP)

Le fabricant de pneumatiques français Michelin, allié au premier groupe agro-industriel ivoirien Sifca, prévoit de racheter la totalité du planteur d'hévéas Siph basé en Afrique de l'Ouest, qui sera retiré de la Bourse. Michelin, qui détient avec Sifca 79,4% du capital et 88,22% des droits de vote de Siph, propose pour cette OPA amicale d'acquérir les titres qui ne sont pas déjà détenus par les deux groupes, à 85€ par action. Soit une plus-value conséquente si on les compare au cours de l'action Siph, qui a clôturé à 59,95€ lundi soir.

 

Siph est spécialisée dans la production, l'usinage et la commercialisation de caoutchouc naturel à usage industriel, principalement dans l'activité pneumatique. La société exploite plus de 40000 hectares d'hévéas matures dans quatre pays d'Afrique : Côte d'Ivoire, Ghana, Nigeria et au Liberia, dans une dizaine d'usines qui ont produit quelque 220000 tonnes de caoutchouc en 2016. Le latex traité est issu de l'exploitation des plantations de Siph à hauteur de près de 75000 tonnes, et d'achats effectués auprès de milliers de petits planteurs indépendants, à hauteur de près de 150000 tonnes.

 

Depuis octobre 2006, Michelin possédait 23,81% du capital et 25,33% des droits de vote de Siph, acquis via une augmentation de capital lancée par Sifca. L'actionnaire majoritaire ivoirien Sifca, entré dans Siph en juillet 1999, ne détenait plus que 55,59% du capital et 62,89% des droits de vote du planteur. Les deux partenaires ont conclu le 6 juin un protocole d'accord pour "agir de concert" à l'égard de Siph, et mettre en œuvre "durablement" une politique commune vis-à-vis de la société, indique un communiqué de seize pages de Siph détaillant l'opération lancée par Michelin, conseillé par la banque Oddo et Cie.

 

Ils veulent "poursuivre le développement" de Siph et comptent sur le retrait de la Bourse pour "renforcer la confidentialité autour de ses activités". Pour garantir l'entente cordiale, Michelin a notamment obtenu que son accord soit obligatoire pour toutes les décisions stratégiques concernant le groupe. De leur côté, les actionnaires Sifca s'engagent à "conserver au minimum 51% des droits de vote de Sifca, et Sifca s'engage à conserver au minimum 34% des droits de vote de Siph".

 

Le caoutchouc est essentiel pour la production de pneus, ce qui explique l'intérêt de Michelin, premier client de Siph : 60 à 70% de la production mondiale de caoutchouc est aujourd'hui absorbée par l'industrie pneumatique. La production de caoutchouc et la gestion de milliers d'hectares d'hévéas restent néanmoins un domaine éminemment agricole, éloigné du quotidien industriel du numéro un mondial du pneu, tant elles dépendent d'aspects agronomiques et météorologiques. Il faut notamment attendre sept ans avant qu'un hévéa produise sa première "saignée" de latex, jaillissant entre le bois et l'écorce.

 

En revanche, Michelin, présent sur les cinq continents, aura plus de capacité de réaction et d'adaptation que le petit Siph face aux bulles spéculatives qui s'emparent régulièrement des cours mondiaux du caoutchouc, comme celle de 2010-2011, estiment les observateurs. Le caoutchouc est surtout coté en Asie (Singapour, Japon et Shanghaï). L'Afrique, où Siph est implantée, ne représente que 5% de la production mondiale de caoutchouc, alors que l'Asie du Sud-Est assure 90% des quelque 12 millions de tonnes produites chaque année dans le monde, avec la Thaïlande comme premier producteur, devant la Malaisie.

 

Sifca, le plus grand groupe agro-industriel ivoirien, est piloté essentiellement par deux familles, la famille Billon et la famille Lambelin-Doumbia. Le groupe a subi un profond traumatisme lorsque son président et fondateur, Yves Lambelin, également fondateur de Siph, a été enlevé, torturé et assassiné le 4 avril 2011 en compagnie de deux autres responsables du groupe et du directeur de l'hôtel Novotel d'Abidjan, Stéphane Frantz di Rippel, par un commando venu de la présidence ivoirienne, alors aux mains des partisans de Laurent Gbagbo. En avril dernier, les principaux accusés de ces meurtres ont été condamnés à des peines de six à vingt ans de prison par la cour d'assises d'Abidjan.

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