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Industrie

Les pièces détachées, au cœur de la stratégie des groupes de distribution

Publié le 7 octobre 2014

Par Frédéric Richard
20 min de lecture
En dix ans, le développement des plates-formes de distribution de pièces de rechange montées par les groupes de concessionnaires a considérablement fait évoluer les approvisionnements des ateliers, principalement chez Peugeot. Bilan décennal, avec les bénéfices que tirent les acteurs concernés par ces initiatives.
Si le groupe Dubreuil (Opal) et Gemy (Gemy PR) furent les premiers, leurs initiatives ont fait des émules. A ce jour, une bonne quinzaine de plates-formes de groupes fleurissent un peu partout en France.

Depuis une dizaine d’années, les plus importants – ou les plus visionnaires – groupes de concessionnaires exploitant la marque Peugeot ont identifié le potentiel que représente l’amélioration de la gestion du poste pièces de rechange. D’autant plus quand la rentabilité de l’activité vente VN chute dangereusement. A ce moment, il convient d’optimiser les autres services, voire d’en faire des sources de profit. Ajoutez à cela une concurrence indépendante de laquelle toute marque automobile française souhaiterait se prémunir, ou tout au moins disposer d’armes pour se battre, et vous obtenez le cocktail de motivation idéal pour la création de magasins centralisés de pièces de rechange.

Le précurseur en la matière fut le très dynamique groupe Dubreuil, qui a ouvert sa plate-forme Opal (Ouest Pièces Auto Logistique) en octobre 2003, sous l’égide de Gervais Bayart. Dirigé maintenant par Erwann Chatelais, le site approvisionne deux fois par jour le réseau des concessions Peugeot du groupe (15), tout en optimisant son schéma de distribution, fournissant plus de 100 agents liés aux concessions et quelque 2 100 mécaniciens réparateurs automobiles de la zone, mais nous y reviendrons.

Divers cas de figure

Certains groupes n’ont pas encore sauté le pas. “Aujourd’hui, le CA que je réalise n’est pas suffisant pour envisager la constitution d’une plate-forme de distribution de pièces de rechange”, juge Denis Bernier, président du groupe éponyme. “La concession d’Orléans est reliée à la DPR de Peugeot, tandis que nos sites de l’Essonne et de Paris se fournissent sur la plate-forme Peugeot de Montargis. Notre ancien site d’Herblay, qui a récemment et logiquement été repris par le groupe Vauban de par sa situation géographique, s’approvisionne via NVPR, la plate-forme commune montée par les groupes Neubauer et Vauban”, poursuit-il. A ce jour, le schéma semble convenir, mais Denis Bernier confie suivre avec intérêt le sujet de la rationalisation de la stratégie pièces.

Certains choisissent donc l’union sacrée, la création d’une plate-forme commune entre groupes concurrents, comme Neubauer et Vauban. Mais les conditions de partenariat se révèlent particulièrement complexes. Il convient de s’entendre sur un emplacement de plate-forme suffisamment central pour livrer tous les sites choisis par les deux groupes. Tout en ménageant une distance critique minimum entre les concessions livrées, afin d’éviter la cannibalisation… C’est également le choix qu’a fait le groupe Métin, en ouvrant les portes de sa plate-forme aux groupes Nomblot et Riester. Ils utilisent conjointement une plate-forme PR de 6 500 m2 qui compte à ce jour près de 1 000 clients et génère un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros, en hausse permanente.

Dans le cas du groupe Courtois, on parle plutôt d’un magasin central. Créé il y a deux ans, ce stock mutualisé se situe sur une des concessions du groupe, à Lannion (22), et alimente les sites de Lannion et Guingamp (22), ainsi que l’agence de Paimpol (22). La concession de Saint-Malo (35), plus éloignée, n’est pas concernée par la plate-forme. “Notre initiative est un simple regroupement du contrat de distribution de pièces de deux concessions. Comme nous disposions de l’espace nécessaire, nous avons mutualisé les stocks et constitué un magasin commun, afin de rationaliser l’activité, explique Benjamin Courtois. De grandes plates-formes se sont ouvertes près de chez nous, notamment celle de Gemy à Torcé (35), et la question s’est posée de savoir si nous devions travailler avec eux, mais là, le site de Lannion se trouvait un peu excentré pour qu’ils nous livrent, donc nous avons fait un autre choix.” Toutefois, Gemy PR livre la concession de Saint-Malo et peut également être amenée à dépanner les deux autres sites. Au final, l’opération n’a entraîné qu’un déplacement des collaborateurs et du stock. Très simple et déjà très efficace. Car, en plus de la rationalisation des gammes présentes, la qualité de service a largement évolué. Désormais, les livraisons quotidiennes ont augmenté pour atteindre trois par jour sur certains secteurs.

Genèse d’un concept

Pour ouvrir une plate-forme, il faut l’accord du constructeur, car c’est lui qui livre. L’investisseur privé signe donc un nouveau contrat avec la marque. La faisabilité économique et logistique est invariablement validée par le constructeur. Replaçons-nous au début des années 2000. A la suite de l’adoption du règlement d’exemption 1400/2002, supprimant notamment les exclusivités territoriales, le groupe Dubreuil entame la création d’un magasin central pour éviter la multiplication des stocks dans ses concessions. Un peu à la manière de la grande distribution finalement, pour réaliser des économies d’échelle, abaisser les charges, réaliser des achats spéculatifs et développer le business de la pièce de rechange. Massifier les achats bien sûr, mais également s’offrir par là même une prestation de service optimum. Car dès lors que l’on agrège l’ensemble des stocks dont pouvait disposer chaque concession et qu’on les rationalise sur une plate-forme, la valeur globale se révèle certes très importante, mais elle se répartit alors sur l’ensemble des gammes, et plus seulement sur le 20/80. Ce qui permet à la plate-forme de livrer les clients deux fois par jour de manière tout à fait pertinente, en limitant la dépendance au stock central de Peugeot, à Vesoul. Un affranchissement, d’une certaine manière, mais Erwann Chatelais préfère parler de bras armé local du constructeur, en plus performant. “Il ne s’agissait pas de s’émanciper de notre suzerain, mais plutôt de se poser en dignes représentants de la marque, pour le bénéfice des clients”, analyse-t-il.

Avant la naissance de sa plate-forme “Iperia” en 2009 à Fauverney (21), le groupe Chopard disposait de compétences logistiques sur tous les sites, et devait multiplier les messages, tout en faisant en sorte que le relais s’opère convenablement partout, malgré les différences de moyens et de tailles des concessions… Désormais, l’ensemble des compétences téléphoniques, logistiques ou de référencement ont été centralisées en un point.

On aurait pu imaginer que la marque au lion voit ces initiatives d’un mauvais œil, qui dit centralisation et massification des achats induisant mécaniquement négociation des conditions commerciales…

Pourtant, plutôt que d’en prendre ombrage, Peugeot a autorisé la création des plates-formes, et trouve même aujourd’hui des bénéfices dans ces établissements. En effet, son image a rapidement tiré avantage des efforts réalisés par les magasins centraux, en termes de qualité de service. Par ailleurs, n’oublions pas qu’avant l’apparition d’Opal, par exemple, 17 camions devaient alimenter 17 concessions du groupe, contre deux approvisionnements quotidiens aujourd’hui. La logistique en aval se voyant gérée par Opal, la marque a écrasé ses charges sur ce sujet.

Un point de vue que tient à nuancer Olivier Cuinet, directeur Pièces et Services du groupe Chopard, à l’initiative du projet Iperia. “Livrer un seul point de chute n’aboutit pas forcément à une économie pour Peugeot… En effet, le magasin central de Vesoul stocke les gammes de Peugeot et de Citroën. Or, Citroën n’intègre pas, pour l’instant, l’organisation Iperia, pour des raisons contractuelles. Ainsi, en ce qui concerne le groupe Chopard, dès la fin 2009 et l’avènement d’Iperia, les concessions Peugeot de Dijon, Besançon, Dole, Pontarlier, Chaumont et Salins-les-Bains se sont vues alimentées par Iperia. Sauf que, dans le même temps, les pièces Citroën continuent d’être livrées aux mêmes concessionnaires via Vesoul. Ce qui double les livraisons. Nous attendons maintenant l’autorisation de stocker les gammes Citroën chez Iperia.” A ce sujet, les discussions vont actuellement bon train avenue de la Grande Armée… C’est un chantier sur lequel Carlos Tavares, nouveau P-dg de PSA Peugeot Citroën, doit prendre position. Et, compte tenu de sa stratégie de rationalisation en après-vente (Motaquip-Eurorepar), la rumeur s’intensifie. La seule plate-forme privée de pièces Citroën, Carpro, montée par le groupe JMJ Automobiles à Tavaux (39), se montre elle aussi intéressée, dans l’autre sens : “Si nous stockions des pièces Peugeot, nous élargirions notre clientèle. D’autant que notre système informatique le permet. Il exploite au maximum les synergies entre les DMS pour la gestion commerciale entre concessionnaires et plate-forme, et le WMS, logiciel de gestion d’entrepôt, tous deux issus de Sage. Nous sommes donc prêts”, attend Noël Petaud, dirigeant de Carpro.

En attendant, la productivité de Vesoul, elle, a largement progressé au niveau des préparations de commandes pour les groupes concernés. Désormais, le stock central ne gère que des envois en quantité, ensuite traités sur les plates-formes pour se voir convertis en multiples colis de petites quantités et de nombreuses références, à destination des concessions et réparateurs. Maintenant, reste à savoir si les économies réalisées compensent ce que Peugeot a perdu en remises liées aux volumes… La question leur a été posée…

Evolution du concept

Au-delà de centraliser ses achats et mutualiser ses stocks, le concept de plate-forme a très vite été utilisé pour tirer le business vers le haut.
Plusieurs d’entre elles ne se posent plus en simples logisticiens. Commerçantes avant tout, elles ne veulent pas se voir considérées comme des magasins centralisés liés au constructeur au lion.

“Comme nous achetons au mieux les pièces, nous pouvons les animer auprès de nos clients tout au long de l’année, en plus du programme initial déterminé par le constructeur, ce qui nous permet de générer des ventes additionnelles”, détaille Erwann Chatelais. Avec près de 160 opérations commerciales par an, en plus des animations normales de la marque, Opal se positionne comme un fournisseur, avec un plan de ventes à six mois, souvent calé sur le programme du constructeur, mais affiné selon la clientèle locale. Puis des vendeurs itinérants maison ont pour mission de faire du prosélytisme commercial auprès des agents pour les tirer vers le haut, tout comme chez Carpro d’ailleurs. Des incentives totalement montés par ces plates-formes, et non par les concessionnaires des groupes, qui les reçoivent comme un service à valeur ajoutée pour faire progresser les activités de tous. Au rang des leviers de progression, citons également les MRA, désormais très largement servis par les plates-formes. Si l’on pouvait imaginer que cette politique de ventes à 360° allait gêner aux entournures le constructeur par peur de dilution de la connaissance technique, les investisseurs privés sont parvenus à rassurer : “Avec ces pratiques, nous avons convaincu Peugeot qu’in fine, on fidélise le client et on augmente le volume global d’achats”, conclut le patron de la plate-forme vendéenne de Dubreuil. Et c’est en effet la seule chose qui intéresse le constructeur, quand on connaît le niveau de couverture des frais de structure par les pièces et services chez Peugeot…

Encore plus loin

Et pour séduire ces MRA, les plates-formes disposent d’autres d’arguments de choix… Si elles exploitent un contrat les liant à Peugeot pour la seule distribution de pièces détachées de sa marque et de la marque Eurorepar/Motaquip, la politique du groupe PSA depuis des années induit 70 % de pièces communes avec Citroën, ce qui élargit mécaniquement le portefeuille de clientèle. Par ailleurs, Erwann Chatelais, issu directement de la rechange indépendante, a mis à profit son expérience auprès des fournisseurs pour implanter sur Opal tout un programme de mise à disposition de gammes issues d’équipementiers de première monte. “Nous avons introduit un troisième niveau de pièces avec les équipementiers OE. En aucun cas nous ne référençons des pièces adaptables. Je souligne que nos équipementiers ont tous travaillé avec Peugeot. Girling, en freinage par exemple, constitue une caution de qualité qui parle aux gens dans les ateliers Peugeot”, souligne-t-il. L’offre apparaît donc claire et complète. “Nous avons le Premium avec Peugeot, le medium Eurorepar/Motaquip, mais qui présente des lacunes avec des gammes courtes et peu de familles (pas de machines tournantes par exemple)…, que nous avons choisi de compléter nous-mêmes, en couplant cette offre avec des gammes d’équipementiers et même de systémiers, capables de proposer des boucles entières (freinage, liaison au sol, climatisation…).” Et Iperia de poursuivre dans le même sens. “En commercialisant également du pare-brise d’origine équipementier, par exemple, nous vendons plus de pare-brise Peugeot à nos clients. Simplement parce que ledit client se retrouve face à un seul interlocuteur pour toutes ses demandes, estime Olivier Cuinet. Nous pratiquons aussi de la sorte pour les turbos, les vannes EGR, les débitmètres, les accessoires, les attelages… Ce fonctionnement augmente les ventes vers nos clients concessionnaires Peugeot du groupe Chopard, tout en ouvrant nos services vers une clientèle multimarque. Nous enregistrons d’ailleurs une progression à deux chiffres sur cette clientèle. Nous n’avons pas pour mission d’éradiquer les stockistes traditionnels même si nous savons pertinemment que nous avons récupéré des parts de marché chez les indépendants. Tout le monde a sa place, nous avons nos armes, une qualité de service, de livraison, des compétences téléphoniques, des animations… et nous nous battons là-dessus. Notre outil est vraiment très performant. Par exemple, chez Iperia, nous décrochons le téléphone en trois secondes en moyenne. Chez mes concurrents, c’est plutôt une minute… Mécaniquement, nous avons le temps de répondre à bien plus de demandes”, conclut-il. La proximité et le niveau de service en ligne de mire, c’est aussi le credo de Carpro, qui ne commercialise pas, pour l’heure, de pièces d’équipementiers, mais exploite un système informatique particulièrement performant, interfacé avec le système de son constructeur, Citroën Service. “Il permet au client, concessionnaire ou réparateur, de commander directement chez nous jusqu’à 23 heures pour recevoir les pièces le lendemain matin chez lui”, se félicite Noël Petaud.

L’intérêt consiste donc évidemment à développer la fidélité des clients MRA. Car si les concessionnaires sont à peu près captifs de leur groupe, les agents et MRA présentent une activité plus multimarque, et peuvent donc multiplier les sources d’approvisionnement. Autant se montrer capable de les satisfaire au maximum en un seul point de service… Aujourd’hui, le MRA n’hésite plus à interroger les plates-formes comme Iperia ou Opal, en marge de son distributeur grossiste classique, en raison de la prestation de service. “Nous stockons, présentons la disponibilité, la pièce équipementier d’origine avec, en plus, l’alternative constructeur”, se félicite Erwann Chatelais. Et pour séduire encore plus le MRA, Opal n’hésite pas à exploiter les armes largement utilisées en rechange indépendante, qui ont fait leurs preuves. De la proximité en toute chose. “Depuis un peu plus d’un an, nous faisons tourner un camion d’outillage co-brandé avec Sam, pour aller au-devant des clients. Enfin, nous commercialisons également des nettoyeurs haute pression, un peu d’équipement de garage…”, conclut-il. Ce qui plaît au garagiste, quoi…

Conflit d’intérêts ?

Vendre à la fois de la pièce d’origine équipementier et de la pièce constructeur pose pourtant, de prime abord, un léger problème. Le concessionnaire client d’une plate-forme accède lui aussi aux marques d’équipementier, et pourrait se montrer tenté de les utiliser, en alternative aux pièces emballées dans un packaging à l’effigie du lion, souvent plus chères… Là encore, “nous avons pu montrer à la marque que la fidélité naît de la disponibilité. Nous voulons avant tout que le client n’ait pas la tentation d’aller chercher sa pièce ailleurs. Après, à nous de présenter un positionnement tarifaire optimum”, détaille Erwann Chatelais. Un système qui fonctionne dans les deux sens d’ailleurs, puisqu’il peut arriver de vendre du Peugeot sur une référence à un MRA, si elle se révèle indisponible dans les autres offres. Le bénéfice de la solution alternative et du service en quelque sorte… Il s’avère plus simple pour le client de souscrire à cette proposition que d’aller courir chercher ailleurs. Normal. “Notre métier de base reste la vente de pièces d’origine constructeur, mais nos concurrents ne nous attendent pas, et nous devons augmenter notre qualité de service, la disponibilité en faisant partie”, estime pour sa part Olivier Cuinet.

Quant au concessionnaire Peugeot, si le véhicule est toujours sous garantie, il prend la pièce Peugeot, de manière contractuelle. De surcroît, le réseau de marque privilégie presque aveuglément l’emballage du constructeur, qui le rassure, même si la pièce est rigoureusement identique et issue des mêmes fournisseurs… D’autant qu’il est bonifié selon les volumes réalisés, ce qui ne gâte rien. Et puis, grâce aux bonnes conditions d’achats, les prix des pièces Peugeot se révèlent souvent très peu décalés par rapport aux offres des équipementiers, au sein des plates-formes…

Sur les véhicules affichant de 2 à 4 ans, il s’avère plus difficile de positionner les différentes offres. “Le constructeur observe bien entendu la cannibalisation potentielle de son offre par les nôtres et regarde avec attention qu’il n’y ait pas de baisse des ventes dans les familles où nous proposons de la largeur de gamme”, reconnaît Olivier Cuinet. Dans le même temps, ces reporting de ventes font progresser le constructeur dans sa gestion du poste pièces. Libre à lui de les analyser pour proposer la gamme Motaquip/Eurorepar la plus large possible et d’améliorer au maximum son référencement, afin de vendre toujours plus de pièces à sa marque, contre celles des équipementiers…

De l’ouverture…

Quand on voit les investissements nécessaires, mais également les débouchés commerciaux et les économies d’échelles réalisées au moyen des plates-formes, on ne peut s’empêcher de réfléchir à la quintessence du concept, la massification ultime, celle qui permettrait à un magasin central inter-groupes de distribution de mutualiser les achats. Certains ne cachent pas leur intérêt pour l’idée, confirmant la justification économique d’un tel modèle. Il faut toutefois rester pragmatique. En France, si l’on retire PSA et Renault, les volumes de pièces écoulées restent bien souvent trop faibles dans les autres marques pour justifier la création d’une plate-forme… Gervais Bayart nous confiait il y a quelques années que, selon lui, il fallait réaliser un CA d’au moins 30 millions d’euros. Alors, justement, pourquoi ne pas stocker plusieurs gammes issues de constructeurs différents sur un même site ? On pourrait tout à fait imaginer que, pour les après-vente les moins pourvoyeuses de volumes de pièces, il deviendrait intéressant de mutualiser et centraliser les points d’entrée. Créer une sorte de “Cora” de la pièce détachée. “C’est envisageable, selon Olivier Cuinet. Ce n’est pas interdit par nos contrats, et l’idée fait son chemin…” De même, pour Benjamin Courtois, qui confie : “Nous menons des réflexions autour du stockage de pièces de marque Kia, que nous exploitons également sur Lannion et Saint-Malo. L’initiative paraît intéressante, mais là encore, c’est la distance de livraison qui sera juge de paix.”

L’enjeu du pneu

Le concept de plate-forme se révèle particulièrement adapté au marché du pneumatique, qui demande une disponibilité permanente. Et les groupements l’ont bien compris ! Chez Opal, on vend désormais 140 000 pneus par an et l’on stocke environ 22 000 enveloppes. Iperia, pour sa part, a créé un site Web spécifique pour la vente de pneumatiques à ses clients, sur lequel ils peuvent acheter, mais aussi établir des devis, accéder aux promos des manufacturiers avec lesquels la plate-forme du groupe Chopard travaille… Les pneus proviennent directement des manufacturiers, facturés par le constructeur, et, pour le dépannage, d’un unique fournisseur grossiste non loin de Dijon, qui stocke jusqu’à 450 000 pneus au quotidien. Un fonctionnement nécessaire pour assurer un taux de service optimal (6 000 à 7 000 pneus vendus par mois) et pallier les défaillances du constructeur en la matière. “La stratégie d’Iperia sur les cinq dernières années est basée sur les ventes de pneumatiques et nous essayons ainsi de montrer combien le pneu est un produit de conquête et de fidélisation, et que le constructeur se devrait d’être plus agressif sur le sujet en accompagnant son réseau avec davantage de moyens”, estime Olivier Cuinet.
Un problème que ne semble pas ou peu rencontrer Carpro, chez Citroën. “Nous nous approvisionnons directement chez les manufacturiers, via Citroën. Aucun grossiste indépendant ne nous dépanne pour l’instant, mais ce sera peut-être nécessaire un jour. Nous avons mis en place une gestion très fine de nos approvisionnements pour parvenir à ce niveau, avec des livraisons deux à trois fois par semaine et une commande par jour, pour coller au plus près des attentes. Au final, nous enregistrons une évolution à deux chiffres sur le pneu”, se félicite Noël Petaud.

Et demain ?

A l’image de ce que l’on a pu observer dans la vente de VN avec la concentration, il semble désormais acquis que le constructeur travaillera avec moins d’interlocuteurs, mais plus importants, en ce qui concerne la distribution des pièces de rechange. Dans le paysage de l’après-vente, à la manière des plates-formes qui fleurissent dans la rechange indépendante, si les plates-formes de groupements de distributeurs se montrent demain efficientes, elles deviendront incontournables. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, car l’offre est disséminée entre les constructeurs, les grossistes, les brokers, le Net, et ce, au plan européen. Il existe à ce jour une quinzaine de plates-formes de groupements en France, principalement chez Peugeot, mais également une chez Citroën et une chez Renault. Or, un maillage global idéal pour une marque compterait 20 à 25 établissements, pour pouvoir espérer couvrir la France en deux heures maximum chez n’importe quel réparateur. La modification de cet échiquier complexe se fera notamment sur la capacité des uns et des autres à améliorer les services, et parvenir à faire en sorte que le coût important de ces services soit écrasé par la massification des achats. Il est également possible que certains autres constructeurs choisissent de proposer des plates-formes multimarques, Renault-Nissan, Peugeot-Citroën, les marques du groupe Volkswagen…

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FOCUS - Citroën s’y est mis !

La marque aux chevrons a voulu avoir du recul sur la pérennité des plates-formes, avant d’autoriser les DOPR Citroën à en créer… Dix ans après la première initiative chez Peugeot, la preuve est faite de leur pertinence. Ainsi, la plate-forme Carpro (Centre automobile de réapprovisionnement de pièces de rechange d’origine) du groupe JMJ a vu le jour en juillet 2013 et se présente comme la première du genre stockant des pièces de la marque Citroën. Elle ne distribue pas de pièces Peugeot ou d’autres gammes, à part Eurorepar. L’initiative vient de Jean-Marc et Jacques Dubois, dirigeants du groupe, qui, après avoir pu étudier les plates-formes mises en place par les groupements de concessions sur la marque Peugeot, ont souhaité dupliquer le modèle pour professionnaliser leur service pièces de rechange. Ainsi, sept distributeurs officiels de pièces de rechange Citroën du groupe, qui exploitaient chacun un stock de pièces livrées chaque semaine par PSA Vesoul, ont rassemblé leurs stocks sur un seul endroit physique, construit pour l’occasion à l’épicentre de tous les sites concernés, à Tavaux (39). Carpro livre ainsi aujourd’hui les sept concessions du groupe deux fois par jour, avec un taux de service de 90 %. Elle est approvisionnée en direct de Vesoul, chaque nuit. Là encore, nous parlons d’une plate-forme commerciale, et pas d’un centre logistique. Carpro vend ses pièces aux DOPR (distributeurs officiels de pièces de rechange), mais également aux agents de la marque, aux garages Eurorepar et enfin aux MRA qui ont besoin de pièces d’origine. Ce qui fait environ 900 clients sur la zone de chalandise. Toutefois, “nous n’avons pas de contrat avec d’autres concessionnaires de la marque, hors groupe Dubois”, précise Noël Petaud, dirigeant de Carpro, qui distribue à ce jour des pièces Citroën, Eurorepar, ainsi que des pneumatiques.
 

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FOCUS - Plate-forme Iperia
Groupe Chopard

• Pièces stockées : Peugeot, Motaquip, pneumatiques, pièces d’équipementiers
• Dirigeant : Fabrice Sage
• Surface de stockage : 6 000 m2
• Nombre de références stockées : 17 000
• Sites livrés : 16 concessions, 68 agents et 1 200 MRA
• Chiffre d’affaires : 49 M€


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FOCUS - Plate-forme Carpro
Groupe JMJ Automobiles

• Pièces stockées : Citroën, Eurorepar, pneumatiques
• Dirigeant : Noël Petaud
• Surface de stockage : 5 000 m2
• Nombre de références stockées : 14 000, extensible à 25 000
• Sites livrés : 7 concessions, 235 réparateurs
• Chiffre d’affaires : 32 M€


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FOCUS - Plate-forme Opal
Groupe Dubreuil

• Pièces stockées : Peugeot, Motaquip, pneumatiques, pièces d’équipementiers
• Dirigeant : Erwann Chatelais
• Surface de stockage : 6 000 m2
• Nombre de références stockées : 28 000
• Sites livrés : 17 concessions, 110 agents et 2 100 réparateurs
• Chiffre d’affaires : 51 M€
 

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