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Industrie

La voiture connectée n’est plus le sujet

Publié le 19 février 2014

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Jadis, il était question de télématique embarquée. Puis on a parlé de voiture connectée. Désormais, il faudra parler de conducteur connecté, comme une preuve de la volonté de chacun de se focaliser sur l’utilisateur et non plus sur le média. Deux conférences tenues récemment ont confirmé ce changement de paradigme.
Les constructeurs n’étaient pas représentés en masse lors des événements, mais tous reconnaissent la haute importance du sujet. Leur participation future est évidente.

“Connecter la voiture n’est plus un défi, ce qui importe désormais c’est de créer le contenu qui donne de la valeur”, observait récemment Arnaud Dupuis, cofondateur de GenyMobile, société spécialisée, entre autres, dans la conception de systèmes d’information et l’édition d’applications fonctionnant avec Android. Lors du même échange, ce dernier témoignait de son inquiétude à voir les constructeurs “se présenter avec des limites en tous genres avant d’avancer des idées” lors des réunions de travail. Une réflexion stérile qui, selon lui, pourrait leur coûter cher : “Comme les opérateurs téléphoniques, les constructeurs automobiles pourraient être réduits à de simples fournisseurs de hardware, tandis que Google et Apple fourniront la valeur ajoutée.” Car il s’agit bien de cela désormais : comment aborder le virage du conducteur connecté, soit la véritable cible du modèle économique qui est en train de naître ?

Trouver des premiers éléments de réponse, c’était justement tout l’enjeu de la conférence Connecte­Driver qui s’est tenue fin janvier à Bruxelles, à l’initiative de nos confrères de GPS Business News. Durant deux jours, ce sont près d’une cinquantaine de représentants des plus grandes sociétés de services et des constructeurs qui ont pu librement échanger autour de tables rondes, d’exposés et de rencontres pour définir les contours de la stratégie à mener. Aujourd’hui, le constat est simple et surtout regrettable : il y a un décalage entre la vision des constructeurs et les attentes des automobilistes. Sinon, comment expliquer que la clientèle de certaines marques déclare à plus de 40 % ne jamais avoir utilisé les fonctionnalités de leur système connecté ? Plus frappantes encore, les statistiques de téléchargements d’applications pour enrichir les fonctionnalités. Chez Hyundai, 65 % n’en ont jamais consommé, chez BMW cette part s’élève à 58 % et chez General Motors, elle monte à 69 %. Certes, ces données relevées par le cabinet SBD concernent les Etats-Unis et la vérité est un peu plus rassurante en Europe, mais cela pousse toutefois à la réflexion. “L’automobile est assez lente devant l’évolution et des événements comme celui-ci viennent prouver que les choses bougent et que les décisionnaires ont envie de faire avancer l’industrie”, se réjouissait Nilo Faber, de la société brésilienne d’innovation Cesar.

Apple et Google constituent-ils des menaces ?

Avancer devient une nécessité pour la bonne raison que, derrière, des géants poussent fort. A six mois d’intervalle, Apple et Google sont sortis du bois et, sans feindre, lorgnent de toute leur puissance sur le marché de l’automobile. Est-ce une menace ou une opportunité ? Nul ne sait se prononcer. A défaut d’une communication claire, la spéculation s’impose. Google n’est pas un nouveau venu dans cette industrie. Pour mémoire, Renault et Parrot, par exemple, ont fait appel à Android pour leur système respectif, R-Link et Asteroid. Mais désormais, la firme californienne entend s’intégrer.

Est-ce pour équilibrer les forces face à Apple et son iOS in the car ? Est-ce pour se positionner de manière hégémonique ? Ou plus vertueusement, est-ce pour soutenir une démarche de standardisation des équipements et des process ? Les acteurs traditionnels s’interrogeaient lors d’une autre conférence organisée cette fois par Nuance, à Paris, le 5 février dernier. Pour eux, la piste de la domination n’est que peu crédible. Les constructeurs automobiles ne pourront pas se laisser imposer un système Google, avec tout ce que cela implique, alors que la marque est absente de Chine et de Russie. Une réflexion qui n’aura pas manqué de faire sourire du côté de PSA, comme un acquiescement.

“Nous travaillons déjà avec Google car ils sont incontournables, mais qui fixera les prix demain ?”, s’inquiétait le porte-parole d’une marque automobile, en marge de la table ronde thématique lors de ConnecteDriver, durant laquelle un intervenant prévenait : “Avec Google, il est fort probable que le montant des services soit bas, voire nul, et que la valeur soit créée ultérieurement.” Comprendre que le géant entend s’associer aux constructeurs de sorte à se positionner à la naissance de la donnée de l’automobiliste et à la commercialiser, conformément au modèle économique qui a toujours été le sien.

PSA et son Cloud maîtrisé

Connecter le conducteur, c’est donc trouver la bonne formule pour l’encourager à utiliser son système. D’abord en simplifiant l’interface, d’où le travail précieux des ergonomes. L’impression de complexité compte parmi les trois motifs d’insatisfaction chez les clients, souligne-t-on chez SBD. Ensuite, en apportant des capacités techniques améliorant l’expérience, comme l’ajout de la 4G/LTE qui permet de supporter les débits nécessaires. Enfin, en sécurisant l’ensemble, notamment la donnée. Chez Renault et PSA, aussi bien que chez TomTom, on s’accorde alors à dire que la mise en nuage s’avère la solution la plus sûre. C’est d’ailleurs un des projets en cours chez PSA : “Nous sommes en train de concevoir une plateforme de gestion des informations CAN-BUS au travers d’un Cloud maîtrisé destiné aux conducteurs, particuliers ou professionnels”, confiait Frédéric Lassara, responsable de la stratégie et des offres autour de la voiture connectée. “74 % des automobilistes sont prêts à partager leurs informations si cela leur apporte un bénéfice, comme la réduction des primes d’assurances”, répétait Jean-François Martin, le directeur des services de Renault, citant une étude de McKinsey de 2013. Le pay-as-you-drive n’a jamais réellement démarré en France, mais pour nos voisins, voilà un service attendu. D’où les projets nourris par Renault, qui devrait ajouter des applicatifs télématiques à R-Link (pay-as-you-drive, pay-how-you-drive, gestion de flotte, autopartage…).

“Il n’y a pas que le conducteur connecté, il y a aussi le passager connecté, insiste Frédéric Lassara. Nous élargissons notre ambition et considérons que chacun des membres de la voiture est un client de la mobilité que nous vendons, nous devons donc prendre soin de lui au même titre.”

La valeur dans les données

Sempiternelle problématique, la facturation des services est naturellement venue sur la table. Non plus celle de la connexion, mais celle des applications. Aux conférences de Bruxelles et de Paris, la réponse reste la même, un peu floue. A ce jour, les modèles d’affaires envisagés sont la facturation à l’achat et la publicité. Dans le premier cas, il n’est pas encore tranché si la somme doit être payée au constructeur comme un droit d’accès ou via un magasin d’applications. “Nous ne faisons pas d’argent sur les services, disent aussi bien Renault que PSA. Nous pouvons en gagner sur les données que nous sommes les seuls à pouvoir extraire du véhicule.” Cette même information intéressera les annonceurs dans le cas du second schéma économique, puisqu’elle permettra un ciblage plus fin des conducteurs. A y regarder de près, la philosophie business de Google (encore lui) épouse ces deux approches et les volumes de ventes prédits à la fin de la décennie, soit plusieurs dizaines de millions de véhicules par an, laissent peu de place à l’hésitation. D’autant que PSA serait en préparation d’une solution de connectivité pour les véhicules plus anciens, en seconde monte.

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