"En période de crise, seuls ceux qui prennent des risques se développeront"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment s’est déroulée l’année 2011 ? Quel bilan en faites-vous ?
Pascal Fraumont. Cela a été plus dur qu’en 2010, car nous avions alors enregistré des records de ventes, avec des journées à plus de 60 000 euros de CA, en raison de la météo. Or, l’année dernière, si notre fonds de commerce (pneumatiques, pièces techniques, etc.) a tenu bon, nous avons perdu sur les ventes saisonnières. Et nous ne pouvons pas, pour autant, changer notre stratégie, ces phénomènes étant trop imprévisibles. Nous misons beaucoup sur notre communication, qui apporte énormément de trafic dans les centres. Contrairement à un Norauto qui jouera sur ses bons emplacements, nous devons davantage mettre en avant le jeu commercial, avec des promotions régulières que nous présentons via une stratégie cross-canal développée. Après, il reste difficile de mesurer les retombées d’actions menées sur les réseaux sociaux, mais nous cherchons à varier notre communication. Le Web nous apporte une base de données de 4,5 millions de personnes, avec 12 millions de visites sur le site Feu Vert.
JA. Et pour les franchisés ?
PF. Pour les franchisés, l’année sera chahuteuse ! Notre convention pour les 40 ans du réseau s’est tenue à Rio de Janeiro, et chaque adhérent a pu apprécier les objectifs de l’année. Nous sommes convaincus qu’en période de crise et de ralentissement économique – comme attendue en 2012 –, seuls ceux qui prennent des risques se développeront.
JA. Vous évoquiez l’image de Feu Vert. Quel bilan faites-vous de vos multiples campagnes de communication ?
PF. En 2009, nous avons repositionné l’enseigne, mettant en avant notre expertise, avec la signature “La patte de l’expert”. Aujourd’hui, cette image est acquise. Nous comptons donc, désormais, apporter de la bonne humeur dans nos messages, notamment en utilisant notre chat. Avec cette mascotte, nous avons développé un territoire sympathie exceptionnel. Les gens connaissent et reconnaissent ce chant blanc aux yeux vert, et l’assimilent à notre enseigne. Ce sentiment a été exacerbé par le passage au numérique. Cela nous a d’ailleurs permis de mettre le chat dans des situations inédites et de lui faire dire des choses en plus, qu’un humain n’aurait pas pu affirmer. Par exemple, la publicité comparative, où l’on conclut “Je ne dénonce pas, j’informe”, n’a été possible qu’en utilisant le chat en porte-parole. Il nous permet de tenir des propos sérieux, mais sans être pompeux.
JA. Et quel sera le ton choisi pour 2012 ?
PF. Nous comptons recentrer notre message sur le réseau et l’aspect festif dans les centres. Nous déploierons une communication cross-canal pour célébrer les 40 ans de l’enseigne Feu Vert. Nous ne baisserons pas notre budget en valeur relative. En revanche, nous faisons évoluer notre répartition publicitaire entre les différents médias, mettant un accent plus fort sur la TV et diminuant le hors média, autrement dit les dépliants et catalogues. Notre programme de relation client représente également un chantier important. Nous voulons surtout l’adapter à notre stratégie multicanaux, et ne plus nous contenter de travailler uniquement la cible de clients venant en magasin. Nous devons nous intéresser aux internautes ou encore aux entreprises. Nous avons d’ailleurs créé en début d’année un département Entreprise qui s’occupe de travailler ce marché en plein développement. Nous disposons d’un maillage, d’un service clients et d’une notoriété qui nous rendent tout à fait légitimes sur ce secteur.
JA. Vous vous appuyez également sur la JCup en communication…
PF. La JCup revêt beaucoup d’importance puisqu’elle nous permet de toucher les jeunes de 18 à 25 ans, qui représentent 14 % de notre clientèle. Ils sont également prescripteurs dans leur entourage. Notre avenir passe donc par notre capacité à générer une bonne image auprès des jeunes. Au final, la JCup ne génère aucun chiffre d’affaires à court terme, mais constitue un bon vecteur de communication. De plus, nous remplissons ainsi un rôle social avec cet événement qui démocratise la conduite automobile. La compétition automobile fait rêver beaucoup de jeunes gens, mais peu peuvent s’offrir une saison de compétition, en Clio Cup par exemple, à 70 000 euros l’année. Là, pour 15 euros, ils peuvent découvrir cet univers, conduire une voiture préparée pour la compétition et être conseillés par des moniteurs diplômés. Les retombées de cet événement sont effectivement très importantes, notamment sur le Web, et cela génère une communauté importante, avec un conversationnel fort sur Feu Vert.
JA. Quels sont vos objectifs en termes de développement réseau ?
PF. Nous ciblons les 400 centres d’ici 2015, sachant qu’aujourd’hui nous possédons 308 centres Feu Vert et 19 Feu Vert Service (N.D.L.R. : reprise du réseau Vidange et Freins de Carrefour). Nous comptons atteindre nos objectifs avec ces deux enseignes, sachant que nous allons déployer Feu Vert Service en franchise, le réseau étant uniquement composé de succursales jusqu’à présent. Ce concept s’adresse particulièrement à des zones de chalandise plus petites, et il reste encore de bonnes opportunités à saisir. Il s’agit notamment d’un bon outil de reconversion pour des garagistes ou des agents de concessionnaires, ou en complément d’activité. Après vingt-cinq ans d’expérience, je reste convaincu que la synergie entre nos métiers reste sous-estimée. On parle toujours de concurrence avec les réseaux traditionnels alors qu’il n’est pas incompatible d’être concessionnaire et centre-auto. Nous avons quelques adhérents qui possèdent les deux structures, et la typologie des clients, différente, fait que les deux entités s’en sortent très bien. Les concessionnaires devraient y voir un moyen d’organiser leur distribution et leur après-vente.
JA. Comment se passe le développement de l’offre La Révision Expert ?
PF. Ce produit nous a permis de prendre des parts de marché, particulièrement sur les véhicules de moins de 4 ans. Nous constatons aussi que nous avons attiré des profils de clients de CSP plus haute, comme les cadres ou les professions libérales, alors que nous sommes plutôt sur une population de CSP moyenne ou basse. Les centres ont également pu utiliser ce point d’entrée pour vendre des prestations annexes. Après, le consommateur ne doit pas être dupé, et l’objectif n’est pas de gonfler le panier moyen en l’orientant vers des prestations techniques non nécessaires. Nous avons mené une étude complète pour connaître les leviers d’influence qui poussent un consommateur à se rendre dans les enseignes. Il en ressort que le bouche à oreille reste le premier critère. De plus, avec le Web, on constate que 80 % des propos tenus sur une marque échappent à celle-ci. Résultats, si la tentation peut être grande, nous devons rester experts, au risque de voir les ventes non obligatoires se retourner contre le centre ! D’autant que la concurrence des constructeurs sur les véhicules de plus de 6 ans s’intensifie. Nous devons rester professionnels pour maintenir nos parts de marché.
JA. Prochainement, vous inaugurez une nouvelle plate-forme. Pourquoi un tel investissement ?
PF. La plate-forme que nous possédons actuellement, de 11 000 m2, ne nous permettait pas de livrer le réseau depuis un seul point central, nous devions mettre en place des relais régionaux (voir encart ci-contre). Avec la nouvelle structure, de 30 000 m2, nous allons donc pouvoir tout rassembler et, surtout, suivre la demande et l’expansion du e-commerce. Cette activité doit être vue comme un complément pour le réseau sachant que, dans 80 % des ventes, les internautes viennent récupérer le produit dans un centre. Le pneumatique représente une famille importante et est toujours associé à une prestation de montage. Au final, nous couvrons 50 % du territoire avec les magasins. Nous arrivons donc à toucher les 50 % restants avec le Web. De plus, la plate-forme permettra d’améliorer la qualité du service dans les centres, avec des fréquences de livraisons plus importantes.