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Industrie

"De nouvelles filières industrielles et de nouvelles filières d’usage"

Publié le 8 novembre 2012

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
Olivier Baujard, président du directoire de Segula Technologies - Pilotant la stratégie de Segula Technologies selon trois priorités, innovation, diversification et internationalisation, Olivier Baujard revient en notre compagnie sur les possibilités d’évolution de l’automobile et sur une chaîne de valeur d’ores et déjà mondialisée.
Olivier Baujard, président du directoire de Segula Technologies - Pilotant la stratégie de Segula Technologies selon trois priorités, innovation, diversification et internationalisation, Olivier Baujard revient en notre compagnie sur les possibilités d’évolution de l’automobile et sur une chaîne de valeur d’ores et déjà mondialisée.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. On connaît votre groupe sur ses métiers fondamentaux, mais depuis quelque temps, on note une nouvelle orientation vers les nouvelles mobilités, peut-on parler de diversification ?
OLIVIER BAUJARD.
Segula Technologies est un groupe de conseil en innovation et d’ingénierie. Voilà son positionnement, c’est à la fois l’idée, le concept et la manière d’y parvenir, la mise en œuvre. Nos racines automobiles sont très anciennes, mais il est vrai que, depuis cinq ans, nous nous diversifions. En schématisant, on peut dire que la moitié du chiffre d’affaires mondial provient de l’automobile et l’autre moitié d’autres industries, aéronautique, transports, énergies… Désormais, plus de 25 % de notre activité est réalisée à l’international et c’est là que la croissance est la plus forte, via l’accompagnement de nos clients français, mais aussi avec des clients locaux. En outre, nous avons des opportunités, car si le partage de la valeur ajoutée et de l’innovation et le recours à un tiers sont actés dans l’industrie française ou allemande, ce n’est pas le cas dans de nombreux autres pays.

JA. Pourquoi mettez-vous l’accent sur les nouvelles mobilités et sur le véhicule électrique en particulier ?
OB.
Il y a deux ans, déjà sur le Mondial, nous avions dévoilé le prototype EF01, une voiture de course tout électrique, qui vit désormais sa propre vie en lançant un championnat de course VE. C’est peut-être la racine de la compétition automobile du futur. Ensuite, l’an dernier, nous avions présenté un véhicule spécialisé, un fauteuil roulant qui a eu de nombreux prix. L’innovation et l’ingénierie se trouvaient plus liées à la dimension sociétale. Ce produit devrait être commercialisé prochainement avec des partenaires. Enfin, cette année, nous présentons Hagora, un concept qui préserve l’émotion et qui apporte une double performance, performance pure et performance environnementale. C’est donc un concentré d’innovations. Ce sont 217 chevaux dans un espace exceptionnellement réduit. Avec Rotax, une filiale de Bombardier, nous avons retenu un moteur deux temps, car ce type de moteurs pourrait faire son grand retour avec les normes Euro 6, que nous avons couplé à un moteur électrique avec une transmission variable. Nous serons donc sous la barre des 3 litres en cycle mixte.

JA. Près du cap symbolique des 2 litres mis en avant par le gouvernement ou pas encore ?
OB.
Nous parlons de ce dont nous sommes sûrs. La barre des 3 litres, c’est acquis, mais pas encore celle des 2 litres.

JA. Quelles autres innovations mettriez-vous en avant ?
OB.
Il y a ce que j’aime appeler la climatisation hybride. La clim pose des problèmes car chacun sait qu’elle consomme beaucoup d’énergie, au moment où les moteurs se font plus petits et où l’hybridation et le tout électrique se développent. Or, sur un VE, un auxiliaire comme la clim a un impact direct sur l’autonomie. Notre système de clim-chauffage est combinatoire, en ce sens qu’il reprend un système classique en l’associant à un système électronique à effet Peltier, une technologie déjà éprouvée dans d’autres applications. En outre, l’utilisation de matériaux bio-composites mérite d’être soulignée. Au niveau des matériaux, le champ des possibles est encore très vaste pour l’automobile. Avec les recherches sur le chanvre, le lin ou encore le maïs, des perspectives intéressantes s’ouvrent.

JA. Traitez-vous aussi la relation entre automobile et électronique grand public, comme les smartphones par exemple ?
OB.
Nous l’envisageons dans une optique très large, au-delà de l’interface directe, à savoir les commandes à distance, les vérifications sur écran de l’état de tel ou tel organe. Techniquement, ce n’est pas insurmontable, mais il ne faut pas aller plus vite que la musique et l’épreuve des normes de fiabilité dans la durée est exigeante. Au passage, notons que cela permet aussi d’économiser de l’énergie via la gestion optimisée des auxiliaires. Ces derniers représentent vraiment un sujet central, et c’est d’ailleurs pour cela que le toit panoramique de l’Hagora est en fait un panneau photovoltaïque au service de la recharge des batteries. L’objectif est d’effacer les besoins des petits auxiliaires par rapport à l’énergie de puissance.

JA. De nombreux démonstrateurs peuvent convaincre tout en restant lettre morte… Quelle est la finalité d’Hagora ?
OB.
Nous voulons démontrer notre capacité d’innovation et attirer de nouveaux partenaires. Pour Hagora, avec des partenaires, l’idée est de passer du concept au prototypage, ce qui peut prendre une année au gré du budget déployé. Naturellement, nous voulons aussi créer du business et amener les constructeurs et les équipementiers à adopter nos idées, ce qui se traduit industriellement par des sous-ensembles. Ce sont déjà nos clients, mais ils nous demandent d’être plus que des fournisseurs, et de générer et proposer des innovations. C’est ce que nous faisons.

JA. Sur la base d’Hagora, à quel horizon voyez-vous des applications de série significatives ?
OB.
En toile de fond, les enjeux de consommation et de pollution ne sont plus contournables, nous le savons tous. Cela ne passera pas l’optimisation des moteurs thermiques, voire de nouveaux moteurs thermiques. Et si vous prenez l’hybride, c’est le véhicule des années à venir, dix ans ou plus. Il y a aussi le VE, qui en est encore à ses débuts. Mais des flottes fonctionnent déjà très bien, comme Autolib’ par exemple, et nous sommes d’ailleurs dans la chaîne de valeur d’Autolib’. Bref, cela implique de nouvelles filières industrielles et de nouvelles filières d’usage, le tout dans une enveloppe budgétaire compatible avec le marché final. Nous sommes déjà investis dans les projets d’électrification des véhicules.

JA. En tant que dirigeant, quel regard portez-vous sur la France et son industrie, qui semblent plutôt en eaux troubles ?
OB.
Je viens d’un secteur, le high-tech, qui a vécu une mondialisation accélérée au cours des quinze dernières années. Dans l’automobile, on s’aperçoit aussi que le phénomène de mondialisation est extraordinaire, ce qui n’est pas sans poser des problèmes. Et les flux vont dans les deux sens, ce n’est pas que la projection des acteurs traditionnels vers les marchés émergents. C’est déjà une réalité dans la chaîne de valeur globale, même si ce n’est pas aux niveaux les plus visibles. En plus, certains ne veulent pas voir ou ne veulent pas que cela se voie… Dans ce contexte, la France n’est pas la plus mal lotie. On connaît la force de ses grands groupes, mais elle fait aussi valoir des entreprises de taille moyenne très performantes. L’ensemble est sans doute moins organisé qu’en Allemagne, mais la valeur est là. Il faut simplement que cette valeur ne se volatilise pas et qu’elle trouve sa traduction optimale dans le business. Or, le business est mondialisé pour la plupart des entreprises aujourd’hui, et pas uniquement pour les grands groupes.

 

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