Cours de chinois accéléré pour Faurecia
“Trop européo-centré”, avait lapidairement diagnostiqué Philippe Varin lors de son arrivée à la tête de PSA Peugeot Citroën. Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia ne dit pas autre chose et désigne sans surprise la Chine comme priorité dans le processus d’internationalisation : “La Chine représentera tout bonnement 50 % de la croissance mondiale à court terme et on sait aussi que la zone Asie cristallisera les 2/3 de cette croissance dans les cinq prochaines années. Des pays comme la Corée ou la Thaïlande sont aussi très porteurs”. Par ailleurs, il estime que la vision du monde automobile des acteurs traditionnels se révèle aussi trop européo-centrique. Par exemple, pourquoi s’interroger tout le temps sur l’arrivée des constructeurs chinois en Europe ? La question n’est pas secondaire, loin de là, mais Yann Delabrière souligne tout de même que “les constructeurs chinois ont, comme tout le monde, parfaitement identifié les berceaux de croissance et que leur priorité réside dans la Chine et les marchés émergents. Ainsi, des groupes comme Geely et Chery cherchent actuellement à se développer au Brésil”.
17 usines en 2009 et 50 à l’horizon 2015 !
Chez Faurecia, les analystes tablent sur un marché chinois VL de 20 millions d’unités d’ici 2020, pour un marché global, incluant notamment le PL, supérieur à 30 millions de véhicules. Dès lors, les ambitions sont grandes et Yann Delabrière confirme l’objectif de “passer d’un chiffre d’affaires de 1,023 milliard d’euros en Chine en 2010 à 2,5 milliards dès 2015”. A cette date, les constructeurs chinois représenteraient donc de l’ordre de 20 à 25 % du portefeuille clients du groupe. Pour suivre cette cadence, Faurecia mise sur sa maîtrise de l’approche globale, au niveau industriel notamment. La multiplication des usines est programmée : 17 en 2009, 23 à fin 2010, 25 actuellement, 30 à la fin de l’année et 50 à l’horizon 2015 ! “Nous investissons 60 millions d’euros par an en Chine et cela va encore augmenter. A l’échelle mondiale, nos investissements se répartissent comme suit : 30 % sur les capacités et 70 % sur les programmes. En Chine, eu égard à nos nombreuses créations de sites, nous sommes plutôt à 50-50”, précise Yann Delabrière. D’ailleurs, en 2015, les effectifs du groupe en Chine seront comparables à ceux de la France et de l’Allemagne.
Les promesses de l’activité “Emissions”
Du point de vue du business, Faurecia se positionne en Chine sur ses spécialités historiques et son chiffre d’affaires se ventile ainsi : 500 millions d’euros pour l’activité “Emissions”, 423 millions pour les “Sièges”, 116 millions pour les “Intérieurs”. Le quatrième pilier de la stratégie du groupe, “Extérieur”, demeure pour l’heure embryonnaire, mais un accord comme celui conclu avec Audi pour la nouvelle A6 à Changchun indique que les choses vont évoluer rapidement. Il est important de noter que l’activité “Emissions” est promise à une forte croissance dans la mesure où la Chine, souvent caricaturée par rapport à son parc roulant, a adopté des normes comparables à celles qui scandent les évolutions en Europe : “En fait, le décalage n’est pas aussi significatif que cela pour les véhicules mis à la route. Il est seulement de trois ans. L’équivalent d’Euro 5, que nous connaissons désormais en France, entrera ainsi en vigueur en janvier 2014 en Chine”. Par ailleurs, Yann Delabrière se réjouit de constater que le portefeuille “clients” du groupe en Chine est assez proche de celui qu’il présente au niveau mondial. Les deux premiers clients sont ainsi les groupes Volkswagen et PSA (voir graphique).
L’enjeu géographique de la couverture de l’ensemble du territoire
Simultanément, le groupe renforce sa présence auprès des constructeurs chinois. Des programmes sont d’ores et déjà lancés avec Geely (voir encadré), FAW, Chery et GAC. “Les choses s’accélèrent car les constructeurs chinois veulent se rapprocher des grands équipementiers pour acquérir un savoir-faire qu’ils n’ont pas”, explique Yann Delabrière. Au chapitre stratégique des négociations avancées en cours, apparaissent FAW, soit GM, Toyota, Audi, Volkswagen et d’autres marques propres, Changan, “une force montante dans le paysage chinois comme en attestent une récente acquisition qui porte sa capacité à 2 millions de véhicules et l’accord conclu avec PSA” dixit Yann Delabrière, et encore Geely. L’enjeu est aussi géographique, afin de couvrir ce vaste marché avec une certaine homogénéité, alors que les spécificités régionales restent très fortes et ancrées. Par le biais de Geely, Faurecia s’assure une empreinte significative à l’ouest. Dans le sud du pays, historiquement très “japonais”, le groupe multiplie les efforts et, via le projet DS5, pourrait bientôt finaliser l’ouverture d’un site à Shenzen. Enfin, à l’est et à Pékin, l’équipementier parie sur sa capacité à conclure des accords avec Hyundai et Mercedes, deux cibles prioritaires de développement pour Yann Delabrière et ses équipes.
Un marché très rentable !
Dans le grand jeu de la concurrence mondiale des équipementiers, Faurecia compte mettre à profit trois principaux atouts pour peser en Chine. “Notre taille, notre réputation, notamment sur la qualité, et nos références clients constituent déjà un gage de sérieux aux yeux des Chinois. Par ailleurs, nos implantations existantes et notre faculté à nous implanter très rapidement sont des arguments de poids. C’est notamment ce qui a fait la différence avec Geely”, avance Yann Delabrière, avant de poursuivre : “Enfin, nous présentons une faiblesse qui peut devenir une force. Contrairement à d’importants concurrents américains comme Lear ou Johnson Controls par exemple, nous ne sommes pas liés par des JV à SAIC. Nous pouvons donc faire valoir notre autonomie et notre indépendance”. Enfin, quand on l’interroge sur la rentabilité des opérations en Chine, Yann Delabrière se fait un malin plaisir de pourfendre une idée reçue : “Que les négociations soient âpres avec les partenaires chinois, c’est une chose, mais c’est la règle générale dans notre secteur. Par rapport au rendement de l’activité à proprement parler, il faut bien garder à l’esprit que dans notre industrie, la rentabilité est intimement liée aux volumes. Et c’est encore plus vrai pour un équipementier que pour un constructeur. L’effet volume étant bien là en Chine, c’est un marché très rentable”. Et d’ajouter que le marché chinois n’est de surcroît pas réductible au low-cost ou aux entrées de gamme, comme en témoigne le succès des grandes berlines, des SUV et des marques Premium : “En outre, sur les immenses volumes du mass market, les choses ont évolué et évoluent toujours très vite. Par exemple, comparez un modèle Chery présenté au Salon avec un modèle d’il y a dix ans… c’est le jour et la nuit !”.
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ZOOM
Quand Yann Delabrière parle de Geely “Gonzales”
Si d’autres accords sont à l’étude, Faurecia a d’ores et déjà signé un contrat portant sur le développement des intérieurs de plusieurs modèles Geely.
5 usines verront le jour et Yann Delabrière table sur un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros d’ici 2013. Par le biais de cet accord, on assiste à une accélération des rythmes industriels traditionnels. “Geely est très rapide. Son président est sûr de sa force, mais il sait aussi qu’il a débuté en 2003 dans l’automobile et qu’il doit aller très vite pour rattraper son retard par rapport à d’autres. D’où cette volonté affichée d’accélérer les cycles. Avec eux, le temps est quasiment divisé par deux ! Ainsi, pour développer un intérieur, il faut en moyenne 2 ans, alors que leur cahier des charges prévoit 14 mois ! Attention, cela ne se fait pas au détriment de la qualité et par rapport à son positionnement, des produits de volume assez simples sur les segments C et D, Geely est au niveau”, commente Yann Delabrière.
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FOCUS
Hyundai, objectif prioritaire de Faurecia
La direction de Faurecia regarde attentivement les chiffres de production du groupe Hyundai partout dans le monde, et vu la croissance affichée, notamment dans la zone Europe, cela ne laisse personne insensible… Yann Delabrière en convient volontiers : “Il existe une réelle opportunité car leur tissu de fournisseurs est encore très coréen, de qualité, mais constitué de nombreuses entreprises de taille moyenne. Nous leur fournissons déjà des systèmes d’échappement, bientôt 35 % de leurs systèmes, et nous travaillons aussi avec eux sur les intérieurs de véhicules via un JV noué avec un de leurs fournisseurs coréens. Nous comptons beaucoup sur une accélération de nos échanges commerciaux avec Hyundai, surtout que nous avons eu plusieurs réunions prometteuses à Séoul…”.