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Industrie

Contenu local : les équipementiers réclament un "filet de protection" pour sauver l’automobile européenne

Publié le 5 décembre 2025

Par Catherine Leroy
4 min de lecture
À l’approche du paquet automobile attendu le 10 décembre 2025, les équipementiers européens poussent pour l’instauration d’un seuil de contenu local élevé. Face à la montée des importations chinoises et aux projets d'implantation d’usines de leurs constructeurs en Europe, ils alertent sur un risque de désindustrialisation massif.
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Aace à la montée des importations chinoises et aux projets d'implantation d’usines de leurs constructeurs en Europe, les équipementiers européens poussent pour l’instauration d’un seuil de contenu local élevé. (stock-adobe.com / Nakakhone)

"Si rien n'est fait, l'automobile européenne va vivre ce que d'autres secteurs ont déjà vécu comme le textile, l'électroménager… et disparaître" avance d'emblée Jean-Louis Pech, président de la fédération des équipementiers (FIEV).

 

Intégrée au sein du Clifa (Comité de liaison des industries fournisseurs de l'automobile *) avec d'autres organisations en lien avec l'automobile, la FIEV milite depuis de nombreux mois pour définir et promouvoir la notion de contenu local européen, au cœur du paquet automobile que doit présenter la Commission européenne le 10 décembre 2025.

 

Officiellement, tout le monde s'accorde à dire qu’il faut “mieux prendre en compte le contenu local” des véhicules. Dans les faits, le sujet est devenu l’un des dossiers les plus politiques du moment.  Constructeurs et équipementiers s’affrontent désormais sur les pourcentages et les méthodologies à retenir.

 

C'est le cas notamment de la proposition déposée par François Provost, directeur général de Renault, qui porte à 60 % de contenu local sur la moyenne des véhicules vendues dans l'Union européenne. Un niveau jugé insuffisant selon le Clifa, d’autant qu’il inclut les batteries des véhicules électriques. Et surtout un périmètre considéré comme beaucoup trop large. Les fournisseurs, eux, veulent se concentrer sur chaque modèle, et non sur une moyenne globale qui masquerait les écarts.

 

80 % : un seuil jugé réaliste par l’étude du Gerpisa

 

Pour étayer leurs revendications, les industriels ont commandé au Gerpisa, une étude sur le niveau minimal de contenu européen. L’analyse repose sur l’observation de toutes les importations de pièces et composants venant de pays hors UE. Verdict : ces importations représentent environ 20 % de la valeur des achats nécessaires pour produire un véhicule vendu en Europe.

 

"Les 80 % restants sont donc, au minimum, d’origine européenne. 80 %, ce n’est pas une camisole. C’est un filet de protection : cela empêche simplement les constructeurs de faire demain ce qu’ils ne font pas encore aujourd’hui, à savoir basculer massivement leurs achats en Chine", explique Tommaso Pardi, directeur du Gerpisa.

 

Un double filet : 80 % pour les véhicules, 70 % pour les composants

 

Ce filet de protection appliqué aux constructeurs doit l'être également aux équipementiers qui se verraient contraints de se fournir à 70 % auprès de fournisseurs européens. Des chiffres jugés nécessaires alors que les importations chinoises de pièces automobiles ont bondi de 67 % depuis 2021, touchant tous les types de composants : boîtes de vitesses, pare-chocs, pneumatiques, essieux…

La balance commerciale devrait ainsi afficher un déficit record de 4,9 milliards d’euros en 2025.
Un choc qui représente déjà 60 % des 76 000 licenciements annoncés dans l’industrie des composants.

 

Les appels d’offres en cours pour les modèles prévus en 2027-2028 inquiètent particulièrement les équipementiers. Selon leurs estimations, 30 % à 50 % de la production pourraient basculer hors d’Europe au profit de fournisseurs chinois, dont les prix sont environ 30 % plus bas.

 

À cela s’ajoute la montée en puissance des investissements directs de constructeurs chinois sur le continent. Treize usines sont annoncées, dont sept confirmées, pour un total d’un million de véhicules produits en Europe d’ici 2028.

 

Selon leurs estimations, 30 % à 50 % de la production pourraient basculer hors d’Europe au profit de fournisseurs chinois, dont les prix sont environ 30 % plus bas.

"Sans filet, ce n'est pas que l'automobile qui va disparaître"

 

Pour les fédérations, ce double filet n’est pas un outil protectionniste mais une condition de survie.

 

"Si nous demandons ce double filet de protection, ce n'est pas pour restreindre le marché mais bien que cet outil servent de base pour articuler les politiques publiques qui sont financées par nos impôts au détriment aujourd'hui de nos emplois. Sans ce filet qui permettra d'un label voiture Made In Europe, les industriels disparaîtront", réclame Jean-Louis Pech.

 

Et pas uniquement dans l'automobile. Dans les métiers de la forge et de la fonderie, la voiture pèse 60 % du chiffre d'affaires. Pour Hervé Gestas, président de la fédération Forge Fonderie, perdre l'automobile, c'est sonner le glas aussi du secteur.

 

(*) Le Clifa réunit la FIEV, la Fédération Française de Carrosserie (FFC), la Fédération des Industries Mécaniques (FIM), la Fédération Forge Fonderie, le Groupement Plasturgie Automobile (GPA) et Elanova le syndicat national de la filière caoutchouc

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