Comment redonner confiance à la France ? La réponse de Jacques Aschenbroich
"Qu'est-ce qui fait que Valeo est reconnu comme une entreprise française alors que 80% de notre capital n’est pas français, 80% de nos salariés ne sont pas dans l’Hexagone et 83% de nos ventes se font en dehors de nos frontières ? Il faut de l'amour, tant il est difficile de s'imposer alors que la France ne représente que 2% du marché mondial de l’automobile. La moitié des expatriés de Valeo sont des Français, 50% de notre recherche se fait en France, témoignant que nos origines françaises ne sont pas rédhibitoires, et qu'on peut être multinational et né en France. Et d'ailleurs, le fait que nous investissions en France 135% de nos amortissements montre que l'envie est là.
Mais pour redonner confiance, il faut aussi des preuves d’amour : la base locale doit être compétitive, et tout le monde, y compris l'Etat dans ses dépenses, doit avoir l'obsession de la compétitivité. Nous n'y sommes pas encore, et il faudra bien un jour réduire le train de vie de l'Etat. Les services publics allemands ne fonctionnent pas moins bien que les français, et pourtant ils coûtent 200 milliards d'euros de moins : il faut donc aligner notre train de vie sur celui des Allemands.
Alors qu'une industrie comme la nôtre se transforme, il faut marteler que l'on peut avoir une aventure professionnelle : des succès comme ceux des start-up BlaBlaCar, Drivy… ne sont pas assez célébrés, alors que les problèmes du site d'Alstom de Belfort sont rabâchés aux journaux télévisés du soir. La French tech de Macron c’est magique, même si son univers darwinien peut inquiéter.
Nos lieux de travail vont changer, et il faut accompagner cette évolution. Et d'une façon générale, il faut célébrer cette forme d’audace à tenter des expériences, à réfléchir sans tabou sur l'avenir : à Singapour, des taxis avec conduite autonome sont en phase d'essai, et l'expérimentation doit pouvoir se dérouler quelle que soit la réglementation ; alors que, dans notre vieille Europe, Uber est interdit en Allemagne, et le principe de précaution régit de plus en plus de textes législatifs. Voilà un principe avec lequel il faut en finir !
Et puis il y a tous les messages négatifs qu'il faut cesser d’envoyer : l'instabilité juridique, comme en témoigne encore l'aller-retour sur les actions gratuites ; les messages qui font fuir, comme la publication des résultats des groupes par pays, alors que le Brexit devrait nous pousser à ne plus la réclamer…
Enfin, il ne faut pas avoir peur de défendre, sans tabous, des aspects qui sont critiqués par commodité de pensée et courte vue : ainsi, il faut soutenir notre système de formation sélectif, car il donne des managers de premier rang. Et surtout, il ne faut pas avoir peur de dire, même si deux de mes enfants vivent aux Etats-Unis, que j'aime la France, car c'est ce pays qui a accueilli mes ancêtres qui ont fui la Pologne et l'Allemagne. Non, je ne partirai pas !"
Jacques Aschenbroich, président directeur général de Valeo
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