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Industrie

Caréco Niort, l’histoire familiale devenue aventure industrielle

Publié le 20 décembre 2011

Par Frédéric Richard
9 min de lecture
Dans le Landerneau des démolisseurs automobiles français, le Niortais François Logeay fait à plus d’un titre figure de référence. Adhérent du réseau Caréco, le chef d’entreprise est aussi l’un des administrateurs de la coopérative du même nom et responsable de sa commission informatique.
François Logeay, responsable de Caréco Niort - Genève Occasions.

L’entreprise que dirige François Logeay a été fondée en 1932, rue de Genève, à Niort, d’où son nom “Genève Occasions”. D’une simple structure de dépôt de carcasses automobiles, l’affaire s’est étoffée et a été vendue par adjudication au sortir de la guerre. C’est le grand-père de François Logeay qui la reprend alors, en association avec un ferrailleur. L’actuel propriétaire ne prend la direction de l’entreprise qu’en 1986. Mais l’histoire de famille ne s’arrête pas là, puisque sa fille, Justine, est aux commandes du magasin de La Rochelle, une initiative que nous allons détailler un peu plus loin.

Caréco Niort est donc l’un des plus vieux commerces niortais. Historiquement, la société est focalisée sur la démolition auto mais, progressivement, le commerce de la pièce neuve s’est invité dans l’activité. Un secteur amené à progresser, comme nous le détaille François Logeay : “Nous allons essayer de mettre en place un système de références de kits pour accompagner les pièces que l’on vend, les moteurs notamment. Ce seront des packages incluant filtres, distribution, courroies… Bref, tout ce qu’il faut pour remettre en route un moteur et conserver la garantie. Des composants qui, d’ordinaire, sont achetés par le client chez un autre distributeur, alors que nous pouvons lui offrir ce service.”

Une entreprise structurée

Quand on pénètre sur le site de Caréco Niort, force est de constater que le métier de démolisseur a bien évolué. Entendons-nous bien, tous les centres VHU ne présentent pas ce niveau de structure. Disons que l’entreprise de François Logeay se place en site “pilote” de la coopérative, au même titre que quelques autres en France. De nombreux professionnels le visitent d’ailleurs chaque année, et s’inspirent des bonnes idées pour les dupliquer dans leur propre structure.

Avec la professionnalisation du secteur et les nouvelles réglementations touchant à la sauvegarde de l’environnement, Caréco impose de plus en plus de standards à ses adhérents, même si rien n’est vraiment obligatoire. N’oublions pas que le réseau est constitué de professionnels indépendants. “Tout est discuté, les gens ont leurs habitudes, ils sont tous très bons, mais n’utilisent pas souvent les mêmes pratiques. Les évolutions passent par l’uniformisation des process, et le chantier est complexe.”, regrette François Logeay.

Au travers des allées

L’immense site, qui accueillait autrefois une entreprise de fabrication de panneaux de particules en bois, s’étend sur 6,5 hectares. Le bâtiment stockant les véhicules destinés au négoce couvre, pour sa part, 6 000 m2, tandis que 12 000 m2, couverts également, accueillent la production (démontage, stockage) et le commerce de la pièce détachée. On démonte ici en moyenne 14 pièces par véhicule. Ce qui représente tout de même 2 500 boîtes de vitesse et 1 000 moteurs. A la fin 2011, Caréco Niort aura acheté pas moins de 6 500 voitures et en aura détruit 5 600, au rythme de 500 voitures par mois qui partent au broyage (1). Le solde des 1 000 véhicules restants va au négoce.

Dès leur arrivée, les véhicules sont positionnés sur une zone d’expertise, où des opérateurs les identifient au moyen de pastilles de couleur sur le pare-brise. Il s’agit d’analyser l’état général du véhicule, la rareté du modèle, le besoin du marché en pièces détachées, et ainsi déterminer sa destination. Les véhicules sont alors acheminés soit vers le hangar de stockage, soit vers le démontage. Du côté négoce, la caverne d’Ali Baba regorge de voitures de toutes sortes, mais également de motos, bateaux, voiturettes, caravanes, tracteurs et autres véhicules industriels improbables, sans oublier les véhicules sous scellés judiciaires, qui ont fait l’objet d’accidents corporels graves ou fatals, ainsi que des voitures ayant servi dans des cambriolages ou du trafic de drogue. Mais ce bâtiment devrait progressivement faire place à du démontage, puisque l’activité tend à décliner.

Côté démontage, deux personnes évaluent les composants potentiellement “bons” à démonter. Il faut environ vingt minutes par voiture pour analyser mécanique et carrosserie. Dès lors, tout est consigné dans le système informatique (2). Le logiciel analyse alors les ventes, les stocks disponibles, le prix moyen, les ventes manquées. et établit un tableau de propositions de démontage encore plus précis. Après validation humaine, le système édite un ordre de démontage, ainsi qu’un rouleau d’étiquettes avec des codes-barres, qui seront collées sur toutes les pièces (3). Après démontage, chaque composant reçoit une note qui renseigne sur son état général et les pièces rejoignent le stock, à des emplacements eux aussi identifiés par codes-barres et corrélés avec ladite pièce. Des douchettes WiFi scannent les codes-barres à toutes les étapes du référencement (4).

Un peu partout dans les allées, on croise des mini-studios photo avec éclairage, pour capturer les images de chaque pièce avant son classement. Un passage indispensable pour toute vente à distance, sur Internet notamment. La prise de vue est rapide, grâce à une Webcam, et l’on en profite pour ajouter des commentaires ou des références équipementiers (5).
Les moteurs sont répertoriés sur un système informatique géré par un prestataire extérieur. Cette base centralise l’ensemble de l’offre française de moteurs du réseau Caréco. “Nous vendons environ 40 moteurs par mois. Nous utilisons ce procédé pour rationaliser l’offre, avec la mutualisation des stocks de nombreux adhérents”, explique François Logeay.

Caréco Niort propose aussi des pièces de carrosserie d’occasion, peintes à la couleur. Une cabine et un peintre à temps plein permettent ce service, plébiscité, surtout depuis la démocratisation de la peinture à l’eau, car les garagistes insuffisamment équipés ne peuvent plus peindre aujourd’hui, même de petits éléments (6).

Puis c’est le comptoir. Le réceptionnaire demande le numéro d’immatriculation au client, et identifie ainsi la pièce en trois minutes. C’est là que se situe le profond changement nécessaire à l’identification des pièces. La productivité passe par cette rigueur. “Le vendeur utilise notre propre logiciel pour trouver la pièce dans le stock et dispose d’un second écran avec Atelio chiffrage pour la facturation. On peut aussi envoyer la photo du produit au client. Cet outil permet d’éviter les erreurs. Rien de pire que de dire à un client, “oui j’ai la pièce”, et de le faire se déplacer pour s’apercevoir qu’en fait ce n’est pas la bonne”, analyse François Logeay. Chez Caréco, 22 entreprises sont équipées de ce système informatique et 20 de plus sont programmées pour 2012.
Derrière le comptoir, se trouve le magasin de pièces neuves, qui renferme beaucoup de marques Premium. Mais également, sur chaque secteur, une marque à prix cassé, pour contrer les “destructeurs” de prix, comprenez les sites Internet. Le tout formant un stock de 850 000 euros.

Démarche responsable et vision du futur

“En 2012, je mets en place un atelier de dépollution ainsi qu’un atelier de valorisation matières, isolant les verres, les mousses de sièges, les pneumatiques… Bref des opérations spécialisées.” François Logeay reconnaît que 2012 sera l’année de l’investissement sur le sujet.
Il s’agira de mieux traiter les carcasses avant de les donner au broyeur. L’atteinte du taux de recyclage nécessaire aux constructeurs ne passera que par plus de démontage ou par un meilleur démontage. “Au début, cela va coûter plus que ça ne rapportera, mais j’ose espérer que, demain, notre approche vertueuse et ce taux d’atteinte seront de nature à faciliter les négociations, avec les assureurs notamment”, estime-t-il.

En support de cette activité de production et de vente qui se professionnalise sur le site niortais, François Logeay expérimente depuis un an un magasin physique à La Rochelle. Un concept qui correspond bien à la future problématique du besoin d’espace de l’activité des centres VHU. Selon le dirigeant, “si les volumes croissent comme nous le pensons, les surfaces de traitement vont devoir encore s’agrandir, ce qui signifie des entreprises de plus en plus grosses, qui seront obligées de s’éloigner de plus en plus des centres-villes en raison des prix de l’immobilier. Il sera donc logique et pertinent de concevoir des magasins de vente situés dans des zones commerciales, mais éloignés des sites de production des pièces de réemploi.” Pour ouvrir ce point de vente, François Logeay a repris l’emplacement d’un ancien distributeur de pièces neuves, afin de bénéficier de la notoriété de l’adresse. Après un an d’activité, le magasin réalise un CA de 100 000 euros par mois en PR neuves et occasions, et effectue deux tournées de livraisons par jour. Le magasin s’étend sur 1 500 m2 au sol, avec un étage de 1 000 m2 et 4 500 m2 de terrain. C’est Justine, la fille de François Logeay, qui tient le magasin. Elle a aussi pour tâche d’éplucher toutes les ventes faites à Caréco Niort depuis deux ans, par catégorie de pièces, afin d’analyser et réapprovisionner à La Rochelle les pièces qui ont le plus de chance de se vendre.

Le magasin de vente est la première étape avant la mise en ligne du site Internet, qui interviendra dans le courant de l’année 2012. Il sera le plus gros site de vente de pièces de rechange d’occasion, avec 67 000 références disponibles, couplées sur la facturation. C’est-à-dire que dès lors que l’on achète une pièce en ligne, elle disparaîtra du stock, en temps réel. Ce modèle, développé en interne par les équipes de Caréco Niort, sera ensuite dupliqué aux autres Caréco par le biais d’un abonnement. L’ensemble des offres de ces sites issus des offres des démolisseurs du réseau sera également agrégé sur le site global de Caréco France.

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FOCUS - La pièce de réemploi, c’est plus de marge !

“Prenons pour exemple une portière de 405 Peugeot. En neuf, le constructeur la vend 614 euros. Chez Caréco Niort, le carrossier la paie au prix du marché, comme c’est une pièce ancienne, soit 100 euros, auxquels nous effectuons une remise de 20 %. L’assureur lui rembourse, pour sa part, à hauteur de la valeur de la moitié du prix du neuf, soit 307 euros. La marge brute du carrossier est donc de 227 euros. Avec la pièce neuve et une remise identique, sa marge se serait limitée à 120 euros. La pièce de réemploi est donc parfois génératrice de marge supplémentaire. Les professionnels ont donc tout intérêt à en prescrire.”

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