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Industrie

Bosch confirme son leadership

Publié le 21 avril 2011

Par Hervé Daigueperce
7 min de lecture
Après avoir courbé l’échine, comme tant d’autres, en attendant le retour en grâces, le premier équipementier mondial voit sa stratégie payer et ses investissements redoubler d’intensité.

Difficile quand on est le principal fournisseur de la plupart des constructeurs automobiles de ne pas accuser un coup d’arrêt brutal quand ceux-ci arrêtent de produire ! Plus délicate encore, s’avère la stratégie à adopter, à ce moment-là, lorsque presque 300 000 collaborateurs attendent que l’on statue sur leur sort (nombre global pour 2011 intégrant toutes les activités du groupe, soit 15 000 de plus qu’en 2010), tandis que la visibilité devient une notion plus qu’aléatoire.

En misant sur le long terme -un leitmotiv pour l’ensemble des membres du board- qui suppose la conservation des savoir-faire (grâce à la modulation du temps de travail pendant la crise) et la poursuite des investissements en R&D, le groupe Robert Bosch est ressorti renforcé de cette période noire pour l’économie. Néanmoins, le président Franz Fehrenbach, au lieu de céder au triomphalisme, a ouvert la lecture des résultats par une courte évocation de la situation au Japon, en commençant par ces mots “il y a des moments où le monde retient son souffle, nous vivons un tel moment actuellement” avant d’apporter quelques commentaires. Si le groupe n’a pas eu de victimes à déplorer, il doit se préoccuper des 8 000 collaborateurs travaillant au Japon (36 sites), sécuriser ses approvisionnements et veiller à ce que la supply chain continue de fonctionner malgré l’importance des liens avec les sous-traitants ou partenaires, comme dans le domaine des semi-conducteurs (une production de semi-conducteurs sera d’ailleurs effectuée à Reutlingen, dès 2011).

Or, comme on l’a vu dans la production automobile, une seule pièce manquante peut arrêter une chaîne. Un groupe comme Bosch dont le “poste” achats représente environ 60 % de son chiffre d’affaires, se retrouve, ainsi, en première ligne, d’autant que les fluctuations des prix des matières premières ne laissent pas d’inquiéter. Dans les deux cas, la politique affichée de Franz Fehrenbach consiste à anticiper en limitant les risques en provisionnant et en cherchant “des solutions de substitution tant en matières qu’en technologies pour éviter la dépendance”.

50 milliards de chiffre d’affaires, une première !

“En 2010, la conjoncture mondiale a évolué plus vite que prévu”, a commenté Franz Fehrenbach avant d’annoncer que “nos ventes ont crû de 24 % pour atteindre les 47,3 milliards d’euros, ce qui est plus important et de manière significative (un milliard d’euros de plus) que notre niveau d’avant-crise de 2007”. Le bénéfice brut en 2010 s’est élevé à 7,4 %, en conformité avec les objectifs financiers du groupe, soit un résultat brut de 3,5 milliards d’euros. Avec un premier trimestre qui révèle une croissance de 15 % du chiffre d’affaires, Franz Fehrenbach semble conforté dans son estimation de 50 milliards d’euros pour 2011 (avec un bénéfice brut autour des 7 à 8 %), un seuil jamais atteint par le groupe, même s’il préfère jouer la prudence : “nous voyons aussi les risques” et d’ajouter “qu’une grande part d’adaptabilité sera nécessaire”.

Volatilité des marchés, variations des matières premières, fluctuations des devises, mais aussi changements radicaux et rapides des environnements énergétiques sont à prendre en considération avec autant d’attention que l’évolution des marchés dans les différentes régions du monde. Quoi qu’il en soit, le groupe s’appuie sur sa politique de pérennité des actions et de stratégie portant sur ses trois secteurs d’activité, (Techniques Automobiles, Techniques Industrielles et Biens de Consommation et Techniques du Bâtiment) et axée sur l’innovation, essentiellement autour de ces deux grands fils directeurs, que sont l’énergie renouvelable (non négligeable aussi dans le futur pour la stabilisation des coûts de l’énergie) et l’électro-mobilité.

Les trois familles progressent

Le seul secteur des Techniques Automobiles a vu son chiffre d’affaires atteindre les 28,1 milliards d’euros, soit une augmentation de 29 % en 2010 versus 2009 pour un résultat opérationnel de 2,3 milliards d’euros. En guest stars dans les résultats, en plus d’une conjoncture de taux de change favorable, l’injection common rail pour moteurs Diesel (progression de 10 % des volumes d’ici 2015) mais aussi l’injection directe essence (taux d’équipement devant avoisiner les 18 % d’ici 2015), et les turbocompresseurs (via JV avec Mahle) ou encore l’ESP dont la généralisation parvient, enfin, dans les pays. Côté prévisions, ou adaptabilité, le groupe Bosch investit 400 millions d’euros dans l’électrification de la chaîne de traction automobile qui occupe pas moins de 800 ingénieurs.

Il fut donc question d’une vingtaine de projets d’électromobilité pour 12 constructeurs automobiles mais surtout de l’annonce de la constitution d’une joint venture avec Daimler qui a fait grand bruit. “Développer et produire des moteurs destinés à équiper les véhicules électriques en Europe”, tel est le champ d’activités de cette JV qui a fait craindre à certains, la défiance des autres grands clients de Bosch. Franz Fehrenbach a rejeté cette idée en faisant remarquer que des accords de tous types étaient pris entre constructeurs, équipementiers et aussi de nouveaux acteurs pour aller plus vite dans l’acquisition des nouveaux savoir-faire, que Bosch avait à apprendre de Daimler et inversement et que, par ailleurs, les volumes de véhicules envisagés à l’heure actuelle nécessitaient des accords, comme il en existe pour d’autres technologies, afin de mutualiser les coûts. Il est fort à parier que l’équipementier a dû prendre ses précautions avant que Daimler ne communique sur cet accord.

Des investissements lourds et très ciblés

Pour conserver son positionnement innovant dans ses secteurs d’activité et les différentes régions du monde, Bosch poursuit un taux d’investissement en R&D très soutenu. En plus de 3 milliards d’euros consacrés aux immobilisations corporelles (notamment en Europe), le groupe va débourser 4 milliards d’euros pour la R&D, notamment pour des produits liés au développement durable et aux nouvelles énergies, comme le photovoltaïque, par exemple. “Près de 45 % de notre activité Recherche et Développement sont consacrés à des produits permettant de préserver l’environnement et les ressources. Ces produits représentent déjà 40 % de nos ventes et leur part va continuer à croître”, a précisé Franz Fehrenbach.

Ce que l’on ne sait pas malgré les implantations en France, c’est que Bosch emploie plus de 5 000 personnes tant dans le photovoltaïque que dans l’éolien ou le solaire thermique pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros. Et en termes de ressources humaines, il est à noter que pas moins de 34 000 employés œuvrent dans le secteur de la R&D. Un investissement nécessaire et mondial puisque le groupe entend poursuivre son déploiement en Asie et s’en donne les moyens, à l’aide d’une enveloppe de deux milliards en deux ans, sur la seule région Asie-Pacifique, qui représente aujourd’hui 23 % des ventes du groupe et bientôt 30 %. Et si les chiffres progressent aussi fortement en Amérique du Nord et du Sud, l’Europe demeure un gros marché pour l’équipementier allemand qui a réalisé quelque 27,7 milliards d’euros de résultats, soit 59 % du chiffre d’affaires du groupe.

C’est aussi pourquoi, Bosch inaugurera cette année un nouveau centre de recherche fondamentale en Allemagne. Seul hic au tableau, l’abandon par Akebono du rachat des activités freinage de Bosch, abandon qui a surpris ce dernier par sa soudaineté. L’allemand étant plutôt habitué à des échanges moins brutaux et surtout moins liés au cours de la bourse. Néanmoins, ce n’est pas cet écueil provisoire qui va arrêter la marche en avant du groupe Bosch, qui a une nouvelle fois l’occasion de se féliciter de son statut de fondation, l’année de son 125e anniversaire !
 

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