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Industrie

Bonus dégressif, malus renforcé et bornes de recharge : les principales mesures du PLF 2021

Publié le 28 septembre 2020

Par Alice Thuot
8 min de lecture
Le projet de loi de finances 2021 prévoit un prolongement du bonus, toutefois dégressif, et un renforcement conséquent du malus pour les deux prochaines années. La taxe au poids, comme pressenti, ne figure pas dans le texte.
Le projet de loi de finances 2021 prévoit un durcissement du malus et un bonus qui diminuera progressivement pour les particuliers.

 

Les automobilistes et professionnels du secteur peuvent désormais y voir un peu plus clair sur ce qui les attend en termes de fiscalité pour l’année prochaine. Bruno Le Maire, ministre des de l'Economie et des Finances, et Olivier Dussopt, ministre déléguée aux Comptes publics, présentaient ce matin le projet de loi de finances 2021, statuant sur plusieurs dispositifs liés à l'industrie automobile. Ont donc ainsi été évoquées l’évolution du dispositif bonus-malus notamment, mais aussi la fameuse taxe au poids qui donne d’ores et déjà des sueurs froides aux constructeurs et à leur réseau.

 

Le ministre des Finances a, en préambule, tenu à rappeler le soutien dont a bénéficié le secteur à travers le plan de relance. "Nous avons soutenu le secteur automobile à hauteur de 8 milliards d’euros en augmentant le bonus écologique pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables, et la prime à la conversion. Et ces primes de soutien ont donné des résultats, a-t-il souligné. La part des ventes de véhicules électriques a quasiment quadruplé pour attendre 6,1 % en 2020. 55 000 véhicules électriques ont été vendus depuis le début de l’année (NDLR : de janvier à juillet 2020). Le soutien à la demande a donc fonctionné, et nous l'avons soutenue tout en accélérant la décarbonisation."

 

6 000 euros de bonus en 2021, 5 000 en 2022

 

C’est sur ce bilan que Bruno Le Maire a annoncé le maintien jusqu’à la fin de l’année 2020 du bonus de 7 000 euros accordé aux particuliers pour l’achat d’un véhicule électrique. Ce bonus devrait ensuite passer à 6 000 euros en 2021, puis 5 000 euros en 2022. "Un niveau ambitieux mais dégressif au fur et à mesure que ce type de véhicules gagne en compétitivité par rapport aux modèles thermiques", précise le PLF 2021.

 

Le bonus pour les modèles hybrides rechargeables est maintenu jusqu’à la fin 2020, avec un montant de 2 000 euros, avant de se limiter à 1 000 euros l’année suivante. Enfin, la prime à la conversion reste de 3 000 euros pour l'achat d'un thermique et 5 000 euros pour un électrique, à destination des ménages modestes, dont la définition sera toutefois revue. Elle concernera les ménages "avec un revenu de fiscal de référence abaissé par rapport à ce qui avait été retenu pendant la plan de relance automobile", prévient le ministre de l'Economie et des Finances. Aucune mention n’a en revanche été faite sur le potentiel bonus pour les véhicules d’occasion électriques et hybrides rechargeables, qui serait discuté à l’heure actuelle au sein du gouvernement. L'enveloppe totale pour ces dispositifs atteint environ 500 millions d'euros, sur un total de 1,9 milliard prévus dans le plan de relance pour soutenir la demande en véhicules propres.

 

Malus : abaissement du seuil, explosion du plafond

 

Bien sûr, le malus ne restera pas non plus en statu quo : abaissement du seuil de déclenchement et hausse du plafond ont guidé la fixation des barèmes de 2021 et 2022. Alors que le seuil de déclenchement du malus est fixé à l'heure actuelle à 138 g/km de CO2, selon le cycle WLTP, il devrait baisser à 131 g/km, à partir du 1er janvier 2021. Ce seuil devrait ensuite de nouveau diminuer pour le barème 2022, à 123 g/km de CO2. Quant au déplafonnement, les chiffres sont sévères : la hausse du plafond, déjà réhaussé à 20 000 euros en 2020, atteindra le double en 2021, 40 000 euros pour les véhicules émettant plus de 225 grammes et 50 000 euros en 2022, toujours pour ces mêmes rejets. Les deux grilles de malus pour 2021 et 2022 sont à découvrir ici.

 

"Avec le projet de loi de finances (PLF) présenté ce matin, nous aurons en 2021 une très forte progression des montants de malus, et cela correspond à une accélération de la trajectoire de baisse des émissions de CO2 pour 2021 et 2022 bien plus rapide que ce qu’exige la réglementation européenne. Se donne-t-on les moyens d’une telle ambition ? On peut en douter en apprenant, dans le même temps, la baisse envisagée dès 2021 du montant des bonus. Si l’on voulait véritablement faire du dispositif de bonus-malus un instrument au service de la transition écologique, le montant des bonus suivrait au contraire la même progression - sauf à voir le malus se transformer en impôt déguisé", commente Luc Chatel, président de la PFA. 

 

Au chapitre des mauvaises nouvelles, du moins du point de vue du portefeuille des automobilistes, les trois tarifs de TICPE pour les essences traditionnelles seront progressivement alignés sur deux ans. Objectif : supprimer le tarif réduit dont bénéficie l’E10 (anciennement SP95-E10) constitué, en majeur partie, d’énergie fossile."Cet alignement est réalisé à niveau moyen de taxation inchangé et n’entraîne aucune recette budgétaire supplémentaire pour l’Etat", précise le PLF 2021.

 

Taxe au poids : tenir compte de l’emprunte industrielle

 

Malgré ces nouvelles en demi-teinte, mais prévisibles, constructeurs et distributeurs peuvent, momentanément du moins, respirer. Le projet de loi de finances 2021 ne fait pas mention de la fameuse taxe au poids, comme cela était attendu suite aux récentes déclaration du ministre la semaine dernière. "Il y a débat sur la question de la taxation au poids des véhicules. C’est un débat qui n'aura pas lieu dans le projet de loi de finances, mais avec Barbara Pompili dans le cadre de la Convention citoyenne", a précisé Bruno Le Maire. Qui a également insisté sur l’importance de la prise en compte de l’impact d’une telle décision sur l’industrie automobile française.

 

"Notre objectif est de réduire les émissions de CO2, mais vous pouvez avoir des véhicules ayant un certains poids mais produisant pas ou peu de CO2 car possédant une motorisation électrique ou hybride rechargeable. Nous devons tenir compte de la réalité de la production industrielle en France et regarder quels types de véhicules sont produits en France, dans les usines françaises et par des ouvriers français. Un certain nombre de véhicules hybrides rechargeables, dont ceux de PSA notamment, sont produits en France, émettent peu de CO2 et pourtant présentent un certain poids. Nous devons tenir compte de l’empreinte industrielle en France."

 

Xavier Horent, délégué général du CNPA, prend acte du projet de loi de finances rendu publique, et de "l'esprit de responsabilité dont fait montre Bercy s'agissant du projet, contreproductif et dangereux pour l'économie française, de malus lié au poids. Cette proposition, non retenue à ce stade, peut cependant refaire surface par le truchement de la convention citoyenne pour le climat ou par le biais d’un amendement parlementaire, comme en 2019. Nous restons donc d'autant plus attentifs que la décorrélation des trajectoires du malus et du bonus qui est actuellement prévue dans le PLF ne transmet pas un signal correct aux entreprises et aux consommateurs."

 

Un crédit d’impôt pour l’installation de bornes en résidence

 

Probablement en raison du retard accumulé dans le déploiement des bornes de recharge, un coup de boost sera accordé pour l’installation d’infrastructures, mais dans le cadre privé. Le projet de loi de finances 2021 instaure donc un crédit d’impôt spécifique en faveur de l’installation de bornes sur les places de stationnement résidentiel. Aucune mesure n’a en revanche été évoquée quant à un déploiement plus large des bornes de recharges publiques. Le réseau comptait, en mars dernier, environ 30 000 points selon l’Avere, avec un triplement de leur nombre entre 2015 et 2019. Ce qui reste toutefois largement insuffisant au regard des engagements pris par l’Etat en la matière. Pour rappel, le gouvernement s’était fixé un objectif de 100 000 bornes de recharge électriques accessibles au public en France d’ici 2022.

 

Enfin, Bruno Le Maire est revenu sur l’importance du développement d’une filière d’hydrogène renouvelable et bas carbone en France, qui "constitue une priorité du plan de relance de l’économie." A ce titre, la stratégie nationale présentée le 8 septembre 2020 vise une accélération massive des investissements en engageant 2 milliards de crédits budgétaires dans le cadre du plan de relance. "Il ne faut pas que les difficultés économiques occultent la capacité de réinvention économique de la France, a-t-il souligné. Le plan de relance hydrogène nous permettra d’ici deux ans de posséder la plus importante usine d’électrolyse au monde, un site industriel innovant, technologiquement avancé."

 

Plan de relance et PLF verts

 

Ce projet de loi de finances, dans tous ses domaines, met l’accent sur l’accélération de la décarbonisation, de la transition écologique et la lutte contre le changement climatique. "Toutes les décisions seront prises à l’aune de ces impératifs, a annoncé le ministre des Finances. Nous sommes la première nation au monde a présenter un budget vert cohérent, responsable et transparent." 

 

Ainsi, les dépenses "vertes" - favorables à l’environnement - progressent de 30 %, tandis que les dépenses "brunes" (défavorables à l’environnement) augmentent de 10 %. "De même, aucune mesure du plan de relance n’est défavorable à l’environnement. Là aussi c’est une évolution majeure par rapport aux derniers plans de relance présentés lors des précédentes crises."

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