Vers un changement radical à venir pour le réseau Mercedes-Benz France ?
Il y a un an, Mercedes-Benz lançait son programme BCE 4.0 (Best Customer Expérience), avec pour leitmotiv d'offrir de nouveaux services connectés à ses clients. Mais ce programme BCE 4.0 comporte aussi un volet de ventes sur internet, avec des ambitions clairement affichées pour la marque allemande : réaliser, à l’horizon 2025, un quart de ses ventes de VP en direct, via internet. Un taux qui se limite aujourd'hui à 5 % à travers les vitrines web de ventes de modèles en stock, opérationnelles dans une dizaine de marchés. L’après-vente n’est pas oublié dans cette stratégie puisque selon les projections, 80 % des rendez-vous seront pris en ligne d’ici 2025, au plus tard.
La crise du covid19 semble avoir précipité le calendrier. "Via nos concessionnaires digitaux, nous avons été en mesure de maintenir le contact avec nos clients, bien que nos sites physiques aient dû fermer. En Allemagne, par exemple, le trafic sur nos canaux de vente digitaux a augmenté de façon significative. Le nombre de visiteurs quotidiens sur les sites boutique a augmenté d'environ 70 % entre avril et juin cette année", a souligné Britta Seeger, directrice générale ventes et marketing pour Mercedes-Benz Cars. De quoi donner à la marque l’idée de pousser encore plus loin, et plus vite que prévu, la logique. Ce qui sera synonyme, pour les concédants des pays concernés, de bouleversements sans précédent du modèle de distribution. C’est ce qu’a officialisé Britta Seeger, lors d’une conférence de presse réunissant les journalistes des pays concernés.
De distributeurs à mandataires
En Afrique du Sud, en Australie, en Suède, en Autriche, mais aussi, potentiellement, en France, le constructeur souhaite faire évoluer ses contrats de distribution pour passer d’un modèle de distributeur à agent commercial. La logique est simple : dans un contrat de distribution classique, l’usine fournit des modèles à la demande des concessionnaires à un prix ensuite négocié entre le partenaire et le client final. Mais dans le cadre de ces nouveaux contrats, le constructeur fixera un prix pour tous ses véhicules et les vendra à la fois directement en ligne et par l'intermédiaire du réseau de distribution. Ce dernier, qui agira donc comme une sorte de mandataire pour le compte du constructeur, sera rétribué par commission sur les ventes, mais aussi pour les opérations de livraison et d’après-vente, tout en conservant le commerce de véhicules d’occasion.
La marque se veut toutefois rassurante dans son discours : "Il serait erroné de supposer que les concessionnaires n'auront plus de rôle dans la vente et le marketing. Une interaction entre le concessionnaire et le client est attendue dans au moins 80 % des cas de vente et de service", a nuancé la directrice des ventes et du marketing.
Inquiétude au sein des réseaux
La logique sous-jacente à cette transformation : le client paie un prix fixe pour le véhicule qu’il souhaite et qui correspond à ses besoins. "Notre objectif est de réduire la complexité pour nos clients, tout en augmentant la commodité. Par ailleurs, et c'est très important pour nos clients, la fixation des prix est transparente et nous la proposons de façon uniforme sur tous les canaux. Ce mode de distribution est le futur modèle pour faire des affaires", a souligné Britta Seeger. La marque n’en est pas à son coup d’essai avec ce procédé, qu'il avait déjà utilisé lors du lancement de son EQC. Mais le déployer à l’échelle d’un pays, et sur toute la gamme, reste une autre paire de manche.
En France, à la suite de ces déclarations, la surprise est totale et le silence pour l’instant de mise. Dans une communication au réseau, le groupement des concessionnaires Mercedes-Benz a indiqué n’avoir aucune déclaration à faire. Selon Jean-Claude Bernard, son président, aucune discussion n'est pour l'heure en cours entre la filiale française et son réseau de distribution. "Aucun élément n'a été présenté aux groupements de chacun des pays européens. Ce n'est un sujet ni à court ni à moyen terme", souligne ce dernier. Ce qui n'empêche pas les distributeurs d'être sur le qui-vive. Ces derniers craignent notamment de mettre en péril leur santé financière, même si Britta Seeger a affirmé vouloir que les "concessionnaires restent rentables."
Au-delà de l’aspect pécuniaire, les distributeurs, privés de leur rôle de commerçants, mettent également en avant le risque de perte de contact avec leur clientèle locale... et donc d’une grande partie de la valeur de leurs affaires, dans lesquelles ils ont parfois investi plusieurs millions d’euros pour se mettre aux derniers standards.
Perte de la clientèle et de valeur de fonds de commerce
Ces mêmes craintes ont été soulevées par les partenaires des marchés où le processus de transformation a été entamé depuis plus longtemps. En Australie par exemple, les négociations, débutées fin 2019, entre les distributeurs et la marque seraient bien âpres… avec, au coeur des préoccupations, beaucoup de questions auxquelles la marque n’aurait, pour le moment, pas apporté de réponses, selon l’AADA (Australian Automotive Dealer Association). L’organisme représentatif des concessionnaires en Australie a appelé l’allemand à de la transparence dans ses relations avec ses partenaires, notamment sur les questions de compensations, de rémunérations et d’objectifs, qui resteraient, à l’heure actuelle, floues pour les concédants.
"Toutes ces questions n'ont pas reçu de réponse ou qu'une réponse partielle, a déclaré James Voortman, président de l’AADA, selon le média australien Motoring. Si un concessionnaire a investi dans un grand showroom pour contenir des centaines de voitures, puis, que quelques années plus tard, on lui dit : "Désolé, nous changeons le modèle, vous n'allez désormais détenir qu'une poignée de voitures", il est en droit de s'attendre à une certaine compensation", a-t-il conclut.