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Distribution

Un rayon de soleil en plein hiver

Publié le 21 novembre 2025

Par La Rédaction
5 min de lecture
Tribune - Le 20 Novembre 2025, dans une atmosphère de complète résignation des distributeurs, les Grands Prix de la Distribution Automobile, organisés par Le Journal de l'Automobile nous ont dévoilé les contours d'une distribution heureuse et résiliente. Par Me Patrice Mihailov, avocat spécialisé dans le droit de la distribution.

Il y a vingt ans, lorsque le constructeur prenait une décision brutale, en vue d'ajuster le réseau à l'évolution de sa stratégie industrielle ou aux contraintes économiques du moment, il faisait appel à un cabinet de consultants, qui venait en soutien et apportait la caution d'un tiers expert.

 

Aujourd'hui, alors que le constructeur a les yeux rivés sur la clôture semestrielle et le dividende par action, sur lequel est d'ailleurs indexé la rémunération de son dirigeant, c'est le cabinet de consultants qui prend l'initiative et vend à chacun la même martingale.

 

Dans un bel élan, tous ont déployé le même modèle : la location plutôt que la vente, du véhicule neuf et du véhicule d'occasion, assortie de contrats de services et bientôt d'une boutique en ligne accessible depuis le poste de conduite.

 

Par Patrice Mihailov, avocat spécialisé dans le droit de la distribution.

Même les fonctionnalités avancées de la voiture – autrefois les options – sont utilisables sur abonnement !

 

Et tous les constructeurs augmentent les prix, des voitures et des pièces, ensemble : ce n'est plus le nivellement par le bas, mais par le haut.

 

La voiture est rêvée en machine à cash, de sa sortie d'usine jusqu'à son recyclage ; c'est magnifique !

 

Le distributeur est ravalé au rang d'intermédiaire, sa clientèle est confisquée, de même qu'une part de ses profits, sur l'ensemble des secteurs de son activité.

 

Enchaînés par leurs investissements, les distributeurs subissent sans pouvoir réagir l'aggravation constante de leurs conditions contractuelles : les contrats de droit anglais avec clause d'arbitrage à Londres arrivent ; prochaine étape, les prises de participations minoritaires avec pactes d'actionnaires ?

 

Voilà où nous en sommes.

 

Problème : le modèle qui est tout entier appuyé sur l'instauration d'un coût d'usage de la voiture, curseur du pricing power réglé sur à fond, suppose que les consommateurs soient d'accord pour payer sans barguigner, alors que ce mode de transport est déjà lourdement taxé.

 

Non seulement le cochon de payeur n'est pas d'accord, mais il n'en a tout simplement pas les moyens.

 

Le résultat ne s'est pas fait attendre et il n'est pas imputable aux chinois, qui ne représentent que des volumes modestes, pour l'instant : le marché a perdu près d'un quart de ses clients.

 

Les constructeurs se sont plantés : le modèle est mauvais, on leur a vendu du rêve, mais ils continuent d'y croire, emportant la distribution dans une spirale mortifère.

 

Et voilà les lauréats des Grands Prix de la Distribution Automobile : des entreprises familiales prospères, qui se projettent dans l'avenir sans état d'âme.

 

Que nous disent-ils et qu'est-ce qui fait leur succès ?

 

Ils nous disent qu'ils opèrent sur des marchés locaux, sur lesquels un client perdu est irremplaçable, et que la proximité, l'écoute et la satisfaction de leurs clients (plutôt que de leurs actionnaires) est par conséquent leur première préoccupation et la première préoccupation de tous leurs collaborateurs.

 

Ils nous disent encore que les moyens modernes de communication et de traitement des données – technologies Internet et IA – leur ouvrent la possibilité de définir de nouveaux parcours clients, adaptés aux différents segments de leur clientèle et complémentaires les uns des autres.

 

En cette matière, ils investissement, expérimentent pour leur compte et constatent que l'audace est payante.

 

Ils nous disent que le management de leurs équipes est une affaire interne et que la formation, la promotion et l'émulation du personnel de l'entreprise méritent le déploiement de formules innovantes, au travers desquelles chacun peut trouver sa récompense.

 

Enfin, ils nous disent qu'il ne faut pas se départir du métier de base et que les compétences et le professionnalisme en matière de vente de véhicules d'occasion sous bannière propre constituent le pilier irremplaçable de la pérennité de leurs affaires, aujourd'hui plus encore qu'hier.

 

L'habileté de ces entrepreneurs, tient dans ce qu'ils sont parvenus à satisfaire le constructeur, qui ne manque pas de les ériger en exemple, tout en développant un modèle original, dont le succès tient précisément en ce qu'il s'est déployé indépendamment du modèle du constructeur.

 

C'est là que doit se porter l'effort.

 

On me présente parfois comme le défenseur des concessionnaires, attachant à une épithète qui n'est élogieuse qu'en apparence, une nuance de la défiance qu'inspire à juste titre l'action judiciaire.

 

La vérité, c'est que l'action du constructeur n'est pas utilement contestable sur le terrain judiciaire, en France.

 

Et depuis plus de dix ans, mon action se porte sur la gestion extra-judiciaire de conflits ponctuels, plus efficace, et sur l'appui au redéploiement des distributeurs, qui suppose la rupture des liens toxiques, ainsi que la rédaction et la négociation de nombreux contrats, avec des partenaires très divers.

 

Cette position me permet de faire les constats que les participants à l'événement du Journal de l'Automobile ont pu faire eux-mêmes : mais oui, une sortie par le haut est possible.

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