Un ou deux obstacles au commerce multimarque…
...du constructeur, qu’en est-il du distributeur multimarque ?
On y est : la liberté d’établissement est finalement en vigueur. Il y a bien eu un petit frisson, dû à une petite phrase de la Commissaire à la concurrence, à qui on attribue parfois et sans doute à tort la volonté de limiter autant que possible les effets du règlement 1400/02. Il faut donc, à présent, aller de l’avant et surtout, à notre avis, passer à la vitesse supérieure en ce qui concerne le commerce multimarque, seule garantie d’un véritable avantage pour le consommateur et d’une plus grande indépendance des réseaux. Pour accomplir une vraie “révolution” dans ce domaine, le prochain règlement devrait cependant parfaire l’actuel, qui réserve encore des obstacles sérieux à l’expansion du multimarquisme. Il nous est arrivé d’en citer quelques-uns. En voici un qui en cache un autre, plus subtilement qu’on ne pourrait le penser, puisqu’il semble avoir échappé à une équipe réformatrice d’exception, sous la direction du Commissaire précédent : il s’agit de “(...) l’obligation faite au distributeur de vendre les véhicules automobiles dans des zones de vente séparées de la salle d’exposition (...)” (1400/02, Art 1.b.), et ceci d’autant que “le fournisseur peut obliger tous ses concessionnaires à avoir une décoration mettant en avant l’image de la marque, à condition que cela ne restreigne pas la vente d’autres marques (...)” (Brochure explicative, question 52).
Les zones séparées : moindre efficacité ou dissuasion ?
L’efficacité optimale du commerce multimarque suppose que des produits directement concurrents soient tout aussi directement comparables par le consommateur, dès le premier coup d’œil. Ainsi, pour prendre deux modèles tout récents, il faudrait que la Clio III et la Grande Punto soient présentées côte à côte et que soient proposés au consommateur des essais comparatifs, dès le premier jour. A quoi donc peut servir une séparation du salon (certes, sans cloison mais avec des identifications de marque pouvant aller jusqu’au grotesque, moquettes incluses) en zones de vente spécifiques ? Les consommateurs n’en ont pas besoin et les distributeurs non plus. A tout prendre, un salon neutre mais bien agencé et décoré avec goût est très certainement préférable à un salon Arlequin… y compris pour l’image des marques qui y sont exposées. Dans la meilleure des hypothèses, cette réglementation se traduira en une moindre efficacité du commerce multimarque, qui n’exprimera pas tout son potentiel. Indirectement, l’obligation évoquée aura aussi un effet de dissuasion envers les distributeurs monomarques tentés d’élargir leur offre. Le phénomène serait d’ailleurs encore plus grave s’il s’agissait, pour un concessionnaire, d’offrir plus de deux marques dans un même salon d’exposition aux dimensions réduites. A l’effet Arlequin s’ajouterait alors la difficulté d’assurer à chaque marque représentée une présence équivalente…
La cession d’une affaire multimarque
Essayons à présent d’imaginer la mise en vente d’une affaire multimarque, enrichie d’un salon multicolore et éblouissant. On sait que : “(…) tout accord vertical passé par un fournisseur avec un distributeur ou un réparateur agréé doit prévoir le droit de ces derniers de céder la totalité de leurs droits et obligations à toute autre entreprise de leur choix et du même type qui vend ou répare la même marque de véhicules automobiles (...)” (1400/02, considérant 10). A qui peut-on donc céder notre affaire ? En fait, l’entrepreneur multimarque est en situation difficile, voire insoluble dans le cadre du règlement actuel. Il pourrait certes, en théorie, céder une partie de son affaire à un collègue qui traite la marque A, et l’autre partie à un autre, qui représente la marque B. Ou bien se mettre à la recherche d’un acheteur potentiel qui représente les mêmes marques que lui. Ou encore, vendre à un grand groupe multimarque. Dans tous les cas, il s’agirait de solutions impraticables ou économiquement pénalisantes. Il y a donc ici une discrimination “de fait”, qui n’a été voulue par personne, par rapport à la situation d’un concessionnaire monomarque. Si l’on veut que la concurrence intermarques se développe encore, faudra-t-il mettre les entrepreneurs multimarque en condition d’organiser leur affaire sans contraintes d’un autre âge et de pouvoir la revendre à des collègues représentant d’autres marques ? Un beau sujet de réflexion…
Ernest Ferrari Consultant
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