Règlement européen : le Cegaa réagit au projet
Lorsque, le 9 juillet 2021, la Commission européenne a présenté le projet de règlement d'exemption sur la distribution automobile, Bruxelles a ouvert une période de consultation publique qui s'achevait le 17 septembre dernier. Une fenêtre de tir que n'a pas manqué le Conseil européen du groupement des agents de l'automobile (Cegaa). Le Journal de l'Automobile vous propose de découvrir le résumé analytique tel que rédigé par le conseil du groupement, Maître Patrice Mihailov, avocat au Barreau de Paris.
L'état de la distribution automobile
1- L'exemption a protégé un modèle déficient, contribuant à l'augmentation des coûts de distribution et par voie de conséquence, du prix des véhicules.
2- Le Marché intérieur est cloisonné, dans une mesure qui ménage des écarts de prix de plus de 40 % d'un État membre à un autre.
3- Le règlement d'exemption est devenu une garantie d'impunité, qui permet d'organiser le réseau sans respect pour les règles de la distribution sélective.
Le projet des constructeurs
1- Le nouveau modèle consiste dans la vente des véhicules et des services par le constructeur aux utilisateurs finals directement.
A cette fin, le constructeur entreprend de s'approprier les données relatives aux clients des distributeurs et d'obtenir que lui soient systématiquement orientés les prospects.
Dans ce schéma, le distributeur perdrait son statut de commerçant indépendant pour devenir le mandataire exclusif du constructeur.
2- Le constructeur entend s'approprier les métiers de la distribution.
Les véhicules d'occasion seraient repris et reconditionnés par le constructeur, puis revendus au distributeur dans le cadre d'un contrat de franchise.
Les services financiers et de mobilité seraient commercialisés directement par le constructeur.
Le service après-vente serait commercialisé par le constructeur directement et sous-traité au réparateur.
3- Le constructeur entreprend de constituer un écosystème autour de sa place de marché, appuyé sur la maîtrise des données, qui lui permettrait d'être rémunéré, tant par les fournisseurs que par les clients, sur toutes les opérations qui concernent les véhicules de ses marques.
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4- Ce projet pose différents problèmes. En devenant un fournisseur de mobilité et un acteur dans tous les métiers de la distribution, le constructeur entre en concurrence horizontale avec le distributeur, qui n'est pas prise en charge par le règlement d'exemption des restrictions verticales. L'appropriation des données des distributeurs, sans contrepartie, est évidemment illégitime. L'obligation d'exclusivité inhérente au mandat est incompatible avec le caractère multimarque de la distribution.
Les données confisquées par les constructeurs deviennent corrélativement indisponibles pour les nouveaux constructeurs, ce handicap constituant une barrière à l'entrée du marché. La fixation d'un prix unique dans le cadre de la vente directe par le constructeur anéantit la concurrence intramarque et dans la mesure où le schéma est reproduit par l'ensemble des constructeurs, est de nature à affaiblir la concurrence intermarque. Les modalités de partage des données collectées par le distributeur au sein des différents entités du constructeur contreviennent aux règles définies par le RGPD, en compromettant l'exercice des droits de l'utilisateur final sur ses données personnelles. Le changement de modèle envisagé par les constructeurs conduit à l'éviction pure et simple des principaux acteurs du marché de la distribution.
Le projet de la commission
1- Le projet de la Commission prend incomplètement en compte la définition des gains d'efficience qui justifient l'exemption des restrictions verticales, ignorant notamment les conditions d'un profit équitable pour les utilisateurs et du caractère indispensable des restrictions exemptées.
2- Le projet de la Commission encadre insuffisamment les restrictions d'accès à Internet, admettant que les constructeurs puissent interdire la vente sur des plateformes tierces, ou s'approprier une partie de la clientèle que le distributeur pourrait se constituer sur ce média. La Commission admet désormais la différenciation des prix selon que le bien a vocation à être revenu en ligne ou dans un point de vente physique, sans suffisamment prévenir le risque de tarifs différenciés, qui décourageraient la vente en ligne.
3- Sans tenir suffisamment compte de l'évolution des parcours de vente, la Commission paraît condamner la distribution duale (vente directe par le constructeur, conjointement avec la vente indirecte, par l'intermédiaire de distributeurs), plutôt que de définir les conditions de sa légalité.
4- Le déploiement d'un réseau de mandataires n'entrerait pas dans le champ du règlement d'exemption, dès lors que les coûts de la distribution sont supportés par le constructeur et que le distributeur adopte librement le statut de mandataire. La Commission paraît exempter la mise en œuvre d'un tel réseau, en dehors du cadre légal de l'exemption par catégorie des accords verticaux.
5- L'ambiguïté entretenue par la Commission sur l'exemption de la sélection quantitative ne paraît pas conforme aux principes qui gouvernent la distribution sélective, fondamentalement appuyée sur une sélection qualitative.
6- Les règles envisagées quant au retrait du bénéfice de l'exemption ne paraissent pas conformes au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
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