Les concessionnaires face au casse-tête de la réouverture des ateliers
Derrière les effets d'annonce, des inquiétudes. Globalement, tel aura été le sentiment partagé par les distributeurs et les professionnels présents lors de la cinquième rencontre du Café du Commerce, le 23 avril 2020. Défini conjointement par les équipes de Maprochaineauto et Tchek, le sujet de la conférence en ligne portait sur le redémarrage des services après-vente et les nouvelles organisations à mettre en œuvre. Ce qui s'avère être, après débat, un véritable casse-tête pour les dirigeants d'entreprise et les responsables de poste.
"Nous ne disposons pas de toutes les informations utiles, déplore le responsable après-vente d'une plaque Citroën. Nous ne savons pas encore comment organiser nos équipes". Son groupe a prévu une réouverture le 11 mai prochain et dans un premier temps, il s'agira de demander aux collaborateurs de préparer le terrain en planifiant les visites des clients dans les logiciels informatiques. "Nous souhaitons avancer par palier pour prendre le temps de maîtriser les futures dispositions et de former les équipes", confie-t-il.
Des informations sur la marche à suivre, Peugeot en a donné, rapportent ceux qui opèrent sous le panneau. Elles prennent la forme d'un guide de bonnes pratiques de 80 pages. L'affichage, le fléchage, les outils, les équipements, les délais de sécurité, nombre de techniciens par pont etc… tout y est consigné. Un agent nordiste, qui a reçu le document et s'applique à mettre scrupuleusement tout en œuvre, ne s'est pas pour autant montré confiant au cours de la conversation, reconnaissant "ne pas être sûr à 100 % d'avoir bien tout effectué dans les règles". Les représentants de la marque au lion peuvent néanmoins s'estimer bien lotis, car ils ont une avance sur les autres marques.
"Nous attendons des instructions, a confirmé le directeur général d'une plaque multimarque, fidèle partenaire du groupe Volkswagen entre autres. Le personnel est un peu perdu sur ce qu'il a le droit de faire. Avant même de parler de recevoir des clients, ont-ils simplement le droit de partager le même micro-onde, dans la salle de pause ?". Le diable est dans les détails et la responsabilité des dirigeants se confronte à trop d'inconnues. Dans ce brouillard réglementaire, ce directeur privilégiera donc de laisser la logique le guider pour faire passer la sécurité avant le commerce. "Nous continuons de servir les métiers utiles à la nation et nous quantifions la charge de travail pour la préparation des VN qui sont en route et des VO. Notre but est d'avoir un mois de stock devant nous", anticipe-t-il à sa façon.
Trois heures à chaque transfert
Peugeot qui va très vite. Des constructeurs qui peaufinent leurs recommandations. Pour certains experts du monde de la distribution, il faut y déceler une volonté des constructeurs de se dégager des responsabilités, en cas de contamination avérée sur un site. La menace d'une procédure pénale planant au-dessus des concessions. Et le directeur marketing et digital d'un groupe multimarque majeur de prévenir : "nous avons repris l'activité, il y a peu, et le principal challenge sera de sensibiliser des clients qui ont un comportement à risque". Il a donc commandé la réalisation de film didactique à envoyer, en amont, pour que les consommateurs prennent conscience des nouvelles règles se montrent respectueux des consignes. Mais cela sera-t-il suffisant ? Il en doute.
Il y a ceux qui ont rendez-vous et ceux qui viennent à l'improviste. Une mixité qu'il va falloir canaliser dans des flux. Ce n'est pourtant pas tout. Si l'on s'en réfère aux recommandations de Peugeot, un véhicule à traiter doit attendre 3 heures entre la dépose et la prise en charge par le technicien, puis trois heures supplémentaires à la sortie, avant de pouvoir être récupéré par le propriétaire. Autrement dit, sans ajustement, il sera pratiquement impossible de le réceptionner et de le restituer dans la journée. Un procédé qui interpelle par ailleurs le cofondateur d'un service de jockey. Pour lui, cette mesure de sécurité ne s'adapte, au mieux, qu'aux points de vente péri-urbains, dotés de parkings suffisamment étendus pour servir de zone tampon. Mais qu'en sera-t-il en ville, où chaque place de stationnement compte ?
Il en va de même pour les pièces de rechange qui doivent passer par une étape stationnaire de 3 heures. "Doit-on réclamer un dépôt la veille et comment donc gérer les pièces en parallèle ?", s'interrogent plusieurs professionnels. Il faudra de surcroît être pédagogue pour expliquer à un client qui vient changer ses pneus et dont on découvre que les plaquettes de frein sont usées, qu'on va garder son véhicule une journée de plus parce qu'un passage de trois heures dans un sas est prévu au programme et qu'une alternance des ponts doit être respectée.
Un débat riche d'interventions. Il n'était alimenté que par le seul document publié par une seule marque. Lorsqu'il s'agit des systèmes informatiques et de leur environnement, les groupes multi-panneaux grincent souvent des dents, ne parvenant pas toujours à unifier les méthodes. On est donc librement en droit de se demander ce qu'il adviendra des responsables QHSE, si chaque marque représentée accouche d'un manuel qui lui est propre. Certes les gestes barrières resteront ce qu'ils sont, mais peut-être que les experts derrière les rapports recommanderont des délais d'une grande variation. Un casse-tête, disait-on.